Pensées noires.
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Le sable noir me brûle les chevilles. Il fait une chaleur à tuer l'été, un soleil qui noierait le ciel. Le sable noir s'attaque à mes pieds. L'écume de la mer s'abat sur mes mollets, donnant l'impression que mes jambes sont en pleine ébullition. Le sable noir rencontre mes poignets. Je tombe sur sa surface ténébreuse et m'y perds l'espace d'un instant.
L'eau brille et m'aveugle, comme si elle était couverte d'un amas de papillons en feu, en flammes. Comme si ces pauvres bêtes cherchaient bêtement et désespérément à trouver soulagement au cœur des flots. L'odeur iodée des environs m'irrite la gorge, le sable noir s'égare dans mes cheveux.
Épuisée, je m'endors.
Un hurlement me fait sortir de ma léthargie, il est perçant et déchire même les entrailles de la nuit. Petite garce, tu oses réveiller une âme déjà morte ?
Le ciel est noir à présent, le soleil a disparu et la chaleur n'est plus qu'un souvenir dont je me permets brusquement d'envier le confort. Il fait aussi froid que si je vivais sur un bloc de glace. Les cris se répètent, j'entends quelque chose battre sur l'eau, et soudainement, ma vision en devient moins handicapante.
Je discerne le ciel, la mer, se teintant d'une encre à rendre jaloux un corbeau, je discerne des bras, un visage déformé de peur. C'est elle, cette petite garce.
Ma bouche se tord d'effroi : elle se noie.
Je hurle à mon tour, demande à l'aide à un monde qui n'existe pas, un monde endormi sous son foutu toit. Mes yeux ne peuvent se détacher de cette vision d'horreur, ils suivent le chemin de cette fille qui flirte avec la mort.
Je veux l'aider.
Cette petite garce, j'aimerais tellement l'aider.
.
Je ne sais pas nager.
Mes cris commencent peu à peu à couvrir les siens, l'épuisement la rend muette. Elle ressemble à un ange, dont l'auréole noire se fissure au dessus de sa tête. Ses ailes battent contre l'eau et je devine qu'elles ne tarderont pas à se briser.
Elle me regarde subitement, je me sens refroidie par ses iris charbonneux. Folle, un sourire tordu prend place sur ses lèvres. Désespérée, elle rit, puis coule.
Je veux l'aider.
J'ai encore le temps.
[...]
Je ne sais pas nager.
Merci infiniment pour cette explication, je comprends mieux maintenant. Oui, il y a cet éternel jeu où l'acteur passe en spectateur d'un moment à l'autre, c'est assez troublant aussi. Vraiment, je vous remercie...
· Il y a plus de 10 ans ·Plus Ici
Cela ressemble au passage de l'enfance à l'âge adulte. Quand on est à la fois acteur et spectateur d'un changement dont on ne connaît pas bien l'issue.
· Il y a plus de 10 ans ·Quelque chose qui n'est déjà plus soi est en train de mourir, quelque chose qui n'est pas encore soi est en train de naître... C'est le temps de la chrysalide, entre chenille et le papillon... Un temps qui dure on ne sait trop combien de mois, combien d'années, où la peur du vide et de l'inconnu vous submerge, où crier et se débattre est inutile parce que le monde est sourd à ce genre d'angoisse et que la souffrance de l'autre est toujours une langue étrangère...
La garce doit mourir, c'est ainsi que le monde tourne!
Le peu qu'il restera d'elle, dans le reflet d'ébène d'une écriture sensible, c'est l'encre de ses yeux... et quelques grains de sable dans le pli d'un tissus que l'on appelle l'âme.
Frédéric Clément