Perdue.

elixir

Isolée, égarée, le regard embrumé, les mains et les pieds en sang. Apeurée d'avoir si peu marché et tant errée, elle a déchirée sa propre peau pour continuer à avancer. Mais elle ne s'est jamais arrêtée. Le sang c'est agglutiné sur de biens folles mèches de cheveux, elle en a partout sur le visage. C'est dégoûtant, on dirait une sauvage. Mais elle, s'en fiche. Marche le dos bien droit, avec une épée dans le regard. Sa peau est blanche, d'ivoire. Elle se fond avec la neige, elle sent le souffle glacé de l'hiver l'envelopper avec pudeur. Est-elle nue ? Non, elle porte le manteau de l'hiver et la cape des préjudices. On dirait une reine des enfers, elle est surhumaine dans la sombre clarté qui tombe des étoiles, comme des joyaux piquetant les alentours. Elle a un goût d'écume dans la bouche, un goût acéré et mordant de vengeance. Son regard transcende le paysage, c'est devenue un esprit malintentionné. Ses épaules se tendent, la tension articule son corps entier, la fait se mouvoir tel un dangereux prédateur. On dirait qu'elle va sauter sur sa proie, qu'elle va dévorer l'humanité entière dans la fureur qui émane des gouffres insondables que sont ses yeux. Elle retrousse ses lèvres, dévoilant des dents aiguisées. Et dans un terrible rictus menaçant, elle s'évanouie de fatigue. Elle a atteint la fin de son courroux, son visage est veule, voilé par l'épuisement. Et l'hiver doucement, presque joyeusement, la drape du manteau des morts tandis que sa colère achève de la consumer de l'intérieur.

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