PESTBOOK 5 SECRETS SUITE

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Pierre le rompit et dit que la vie était une succession de moments plus ou moins heureux, plus ou moins malheureux. Il ajouta qu’il avait roulé sa bosse, qu’il avait connu des hauts et des bas, il en avait tellement connus que sa conscience était émoussée. Il n’était attendu nulle part, il n’avait plus de compte à rendre. Il vivait parfois dans la solitude avant de se poser en un endroit.

Pierre avait parcouru tous les continents, un vrai globe-trotter, il voyageait sans attaches. La France était son pays mais il n’y avait ni maison, ni parents. Sa mère était décédée, une quinzaine d’années auparavant alors qu’il était en Amérique du Sud, il avait appris son décès, deux mois après son enterrement. Sa demi-sœur habitait en Angleterre, il laissait chez elle quelques affaires, c’était son camp de base. Il avait pris l’habitude de lui téléphoner tous les trois mois pour l’assurer qu’il était encore en vie. Nous étions à l’opposé l’un de l’autre. Pierre me dit qu’il rencontrait parfois des solitaires de son acabit, des marins souvent… ou des individus étranges qui s’immergeaient dans la vie locale pendant quelques années. Soudain, ils changeaient de pays, de continent sans raison apparente ou pour des raisons qu’ils ne pouvaient pas divulguer.

Je crois que je ne saurais pas vivre dans le changement perpétuel, j’y vois plus d’inconvénients que d’agréments mais il faut respecter les choix de chacun.

Pierre avait plusieurs fois travaillé à l’étranger pour des agences de tourisme françaises, il promenait ses compatriotes en mal d’exotisme dans les contrées lointaines. Il avait l’impression que les touristes aimaient voyager, le pays importait peu, cela leur permettait de nouer des liens entre eux, vivre des choses différentes dans un autre lieu. Il m’avoua aussi que certains ne venaient pas uniquement pour l’exotisme, ils venaient découvrir à bon marché des charmes plus universels. Il s’était contenté de fermer les yeux parfois, mais il avait aussi participé à ce réseau pour acheter le silence des policiers locaux. « On ne sait jamais si on n’est dedans ou dehors du réseau » a-t-il dit, j’ai retenu son expression. Il avait eu l’occasion d’approcher ces pseudo-masseuses et même de connaître d’assez près leur vie de misère… Il reconnaissait à certaines un savoir-faire exceptionnel, il avait eu l’occasion de comparer leurs services lors de ces voyages au long cours. Il me décrivit les lieux et les charmes de ces contrées exotiques. Il croyait ouvrir un livre magique devant un enfant sage. Il fut même un peu déçu lorsque je lui dis reconnaître les lieux qu’il me décrivait. Notre planète n’est pas si grande ! J’ai évoqué les circonstances dans lesquelles je m’y étais rendu. L’adresse de l’agence de voyages m’avait été donnée par un de mes clients à qui tout semblait réussir. Un gars en pleine santé, bronzé…qui  venait d’acheter une voiture, un des plus beaux modèles de la gamme. Je me suis même demandé pourquoi il avait besoin de traverser le monde puisque tout semblait lui réussir. Peut-être n’y serais-je jamais allé s’il ne m’avait indiqué l’adresse. Un jour, Patricia m’annonça qu’elle partait soigner sa sœur une dizaine de jours à Dijon, j’ai réservé mon billet d’avion. J’ai lui ai dit que j’allais me reposer quelques jours au Maroc. Elle ne me posa pas plus de questions, peut-être n’allait-elle pas chez sa sœur non plus ? Nous n’étions pas un couple libéré, nous n’étions plus un couple, tout simplement.

Pierre connaissait bien ce paradis indonésien. Il y avait séjourné plusieurs mois, pas du côté des touristes, plutôt côté organisateurs, mais il avait traversé la clôture plusieurs fois. Il connaissait les coutumes locales, la vie de ces jeunes prostituées, il ne portait pas de jugement moral, il décrivait tout simplement. Plus il parlait, moins j’avais honte de lui avoir avoué ce séjour, les barrières du langage tombaient…  

Nous en sommes venus à parler de recrutement et je lui ai dit qu’il était parfois difficile de résister aux charmes des jeunes employées qui sortaient de l’école. Je lui ai avoué avoir souffert lors des dépressions de Patricia et avoir cherché du réconfort dans les bras d’une stagiaire. Sylvie F était vraiment belle, elle avait un visage large comme le soleil, un regard franc, interrogateur et un léger accent italien qui ne me laissait pas indifférent quand elle prononçait mon prénom. Je n’ai pas su résister au deuxième entretien, je lui ai proposé de discuter de son poste dans un restaurant. Tout a été très vite, j’ai avancé ma main vers la sienne, elle n’a pas hésité, sa main est restée à sa place, elle n’a pas détourné les yeux. Elle a très vite compris. J’étais étonné, elle l’acceptait comme un prix à payer. Elle a effectué son stage dans notre garage, je suis revenu plusieurs fois vers elle, elle a su me remettre à ma place. Je ne lui en ai pas voulu, c’était même mieux comme cela. Le garage l’a embauchée à l’issue de son stage, elle a accepté mais elle a démissionné par la suite. Pour obtenir, ne serait-ce qu’un stage, je crois que beaucoup auraient accepté, nous recevions des demandes tous les jours et ces jeunes comptables avaient besoin de trouver une entreprise pour financer les frais de leur scolarité en alternance.

Cela s’est reproduit avec une autre de mes collègues, Anna V. Au début, je croyais être le maître du jeu mais elle m’a pris à mon propre piège, elle voulait divorcer ! Ou du moins c’est ce qu’elle m’a déclaré, j’ai dû la modérer, je ne voulais pas tout casser non plus : sa vie, la mienne... Naturellement nous avons cessé nos relations extra-professionnelles. Nous avons continué à travailler ensemble mais nous ne nous regardions plus de la même façon. Cela m’a coûté, cela n’était pas le fait le plus glorieux de ma carrière. 

Et puis, on a entendu parler de harcèlement à la radio et à la télévision. Je crois que cela m’a fait du bien, cela m’a dissuadé de recommencer. Heureusement que je ne suis pas tombé dans l’engrenage…  Je ne sais comment cela se serait terminé. Forcément, un jour ou l’autre cela se serait su. 

Y-a-t-il des terrains sur lesquels je n’aurais pas suivi Pierre? Il suffisait qu’il parle pour que je sois aiguillonné et que je lui réponde. Le cadre, l’atmosphère ont du y être pour beaucoup. Dans une pièce fermée, dans une ville, nous ne nous serions pas livrés de la sorte. Il m’a raconté qu’il avait vendu une voiture en omettant de signaler à l’acheteur qu’elle avait un grave problème… Il l’avait fait avant de quitter l’Argentine… Nous avons parlé encore et encore pour vider nos sacs. Nous avons évoqué nos regrets et même nos remords. Il parlait moins, j’avais parfois l’impression d’être un moulin à paroles. Je suis pourtant d’un naturel pudique et peu loquace mais il m’interrogeait presque, ajoutait un commentaire, parlait de lui et m’écoutait. Jamais, il ne me coupait la parole. Il m’invitait à aller plus loin, Il me posait des questions, il était très attentif. Nous avons parlé de nos façons de voir la vie en couple, de nos enfants. Je ne sais pas de quoi nous n’avons pas parlé.   

Le soleil nous a envoyé des rayons plus doux et il m’a demandé un verre d’eau avec un peu de sirop. J’ai amené une carafe, il a bu plusieurs verres d’affilée et a renversé le fond du dernier verre sur le sol. Etait-ce un rite pour remercier la terre nourricière et le ciel d’avoir passé un bon moment ? Il s’est levé, décidé, énergique et m’a dit qu’il devait partir. J’ai eu l’impression qu’il avait un but, qu’on l’attendait quelque part. Cloîtré dans mon hameau, je me suis senti tout petit devant cet homme, il semblait habiter le ciel. Je l’ai regardé ne sachant si je devais lui proposer l’hospitalité mais il a devancé ma question et m’a dit qu’il souhaitait marcher quelques heures avant le coucher du soleil, je ne lui en ai pas demandé davantage, j’ai compris sans que cela soit dit explicitement que nous devions nous séparer parce que nous nous en étions trop dit. J’ai su que nous ne nous reverrions jamais. Il m’a remercié d’avoir échangé des paroles avec lui, cela lui avait fait du bien de pouvoir se confier et de recevoir les confidences de quelqu’un. Il voulait encore cheminer, ces longues marches lui permettaient de descendre en lui-même et les discussions qu’il menait étaient des étapes dans son parcours.  Je n’ai pas bien compris de quel parcours il voulait parler.

Il est parti, nous n’avons pas échangé nos adresses, nous nous étions livrés à un jeu si personnel que l’anonymat s’imposait. Nous nous sommes serré la main. Il m’a remercié pour mon écoute et j’ai fait de même. Je crois que mes yeux étaient humides, pas les siens, il avait un léger sourire sur les lèvres. Il a mis son sac sur son dos, il s’est accroupi et a ramassé un peu de poussière. Quand il fut à une trentaine de mètres, il s’est retourné, il a jeté en l’air la poussière qu’il avait ramassée, un petit nuage s’est formé autour de lui. J’ai cru, un instant, qu’il allait disparaître avec le nuage. Je l’observai avec le regard d’un enfant incrédule mais il est parti sur ses pieds en riant. Etait-ce un rêve ou la réalité ? Je l’ai regardé s’éloigner, sa démarche était alerte, elle semblait signifier qu’il était content.

Je suis rentré chez moi et j’ai éprouvé le besoin de m’asseoir, j’ai imaginé qu’il allait rejoindre le prochain refuge mais il pouvait aussi bivouaquer car il en avait la force et rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Pierre n’était pas le genre d’homme qu’une nuit à la belle étoile devait effrayer. Il me donnait l’impression de vivre plusieurs vies en un temps record. Où serait-il la semaine prochaine ? Le savait-il lui-même ? Ce personnage était quand-même étrange, peut-être était-il un affabulateur ? A ce moment-là, je me suis souvenu qu’il avait des cahiers dans son sac. Peut-être que le lendemain, il s’attablerait pour relater ce que nous nous étions dit, certaines choses que je lui avais racontées ou qu’il avait découvertes en lui à l’occasion de nos discussions.

Nous avions parlé de notre passé et très peu de notre présent. Je savais son prénom mais je ne connaissais même pas son adresse. Il a entamé la conversation, je me suis laissé prendre au jeu, si on peut appeler cela un jeu, et je lui ai révélé aussi des choses qui me traînaient sur le cœur et même des choses désagréables que je ne m’étais pas remémorées depuis longtemps. Jamais je ne m’étais autant livré à quelqu’un et je n’aurais pas été aussi bavard si mon interlocuteur m’avait été connu. Bien-sûr, je me suis un peu forcé mais les confessions et la chaleur du personnage m’incitèrent à m’épancher. Cela devait me faire du bien, les paroles me soulageaient, me libéraient d’un mal intérieur. Je lui ai dit des choses que je n’avais jamais dites à personne, peut-être pas à moi-même. Je les ai dites par jeu, par défi, peut-être pour lui montrer que je pouvais, moi aussi, dire des choses intimes, surprenantes. La honte, la pudeur, vous appellerez cela comme vous voulez, avaient disparu comme par enchantement ou par cet enchanteur. Quand il est parti, j’ai éprouvé un sentiment étrange, j’avais répondu à la demande de cet homme, nous nous étions parlé, nous avions échangé, nous étions entrés en communion avec une humanité plus large qui nous dépassait.

J’ai rêvé la nuit suivante ou celle d’après : il parlait, je parlais, je ressentais un profond sentiment de bien-être, cela se terminait par cette scène où il lançait la poussière et il riait. C’est toujours à ce moment que je me réveillais. En fait, il ne riait pas, son rire était moqueur, la différence est infime mais elle est fondamentale, un profond malaise succédait à ce sentiment de bien-être et je me réveillais nauséeux. Pendant un instant, je ne savais plus distinguer le monde réel du monde des songes.

 « Et puis qu’importe », me suis-je dit, « je ne le reverrai plus jamais ». D’un autre côté, cet homme m’était sympathique et la perspective de ne plus revoir ne m’enchantait pas. J’aurais dû lui proposer de repasser, de me donner de ses nouvelles. J’étais presque triste.

Quand Pierre est parti, j’ai éprouvé un étrange sentiment de bien-être, j’avais répondu à la demande de cet homme, nous nous étions parlé, nous avions échangé, nous étions entrés en communion avec une humanité plus large qui nous dépassait. Ce sentiment de plénitude dura plusieurs heures et céda la place le lendemain au temps des questions. Qui était cet homme ? Pourquoi était-il venu chez moi ? Pourquoi m’avait-il raconté sa vie et pourquoi lui avais-je fait ces confidences ? Il devait être doté d’étranges pouvoirs pour faire parler les gens. Quand on vit dans la nature, on est un peu moins rationnel, on s’autorise à l’être, on est peut-être plus à l’écoute. J’ai eu l’impression d’avoir été un peu crédule. Je me suis plu à penser que Pierre avait voyagé dans un pays lointain, qu’il y avait  acquis un pouvoir surnaturel. Sa mission ou son sort devait être de parcourir le monde pour délivrer ceux qu’ils rencontrent des vieux démons qui les habitent. Il est vrai que je m’étais épanché et lui avait révélé ce que je n’aurais pas confié à un confesseur et qui pourtant empoisonne mes nuits.

Chacun a ses secrets, ces fautes, plus ou moins graves, dont il ne parle à personne, qu’il n’a peut-être jamais révélées et qui lui gâche le plaisir de vivre. Vous savez ce dont je veux parler. Il vous suffit de laisser vaquer votre esprit, il va directement raviver ces choses que vous vous ingéniez souvent à recouvrir d’un voile épais pour n’y plus penser. Levez un peu la couverture, je suis sûr qu’un tas de choses désagréables seront contentes de danser à l’air libre. Dans mon cas, il ne s’agissait pas de plumes mais de vrais pavés qui me tiraient vers le fond. 

Les jours suivants, quand je me couchais, je pensais à cet homme et curieusement j’avais besoin de prier pour lui. Il y a bien longtemps que je ne m’étais réfugié dans la religion, mais je m’imaginais que Pierre souffrait de la solitude, je me sentais proche de lui, je souhaitais que la vie lui soit clémente. J’ai regretté de ne pas lui avoir proposé de repasser, de n’avoir même pas pris son adresse, je ne connaissais même pas son nom de famille. 

Je me suis demandé si je pouvais avoir de telles conversations avec une autre personne. Il m’apparaissait évident que je lui avais confié ces choses nauséabondes parce que je ne le connaissais pas et que je pressentais que je ne le reverrais jamais. Je n’aurais jamais dit toutes ces choses à un ami, je n’aurais jamais osé et je n’en éprouvais pas le besoin. J’étais presque fier d’avoir tenu ce discours, un peu comme si j’avais exécuté une salle corvée, une corvée dont j’étais débarrassé et que je n’avais plus à faire. J’étais quitte. 

 Cette journée est inscrite dans ma mémoire, les jours qui la suivirent aussi. Je m’interrogeais sur l’identité de cet homme, sur l’étrange exercice auquel nous nous étions livrés. L’exercice se poursuivit malgré moi car je me remémorais les lieux que j’avais visités et les évènements peu glorieux que j’avais vécus. J’en ai même rêvé plusieurs nuits et il a fallu que je me raisonne pour penser à autre chose, mon esprit avait une fâcheuse tendance à revenir sur les moments sombres de mon passé.

 CHAPITRE 2

Le soir tombait plus tôt, les longues nuits d’été étaient du passé. Mes valises faites et les volets fermés, j’ai regardé le dernier coucher de soleil. J’étais content de mon séjour, j’avais mis de l’ordre de la maison et peut-être dans mon esprit. Il me fallait entreprendre des travaux pour mettre à mon goût cette maison dans laquelle, du fait de son isolement, je ne pourrais vivre à longueur d’année. Elle était très bien pour les vacances mais j’avais vécu trop longtemps dans l’agitation de la ville pour vivre une vie de reclus du jour au lendemain.

Lorsque je suis arrivé chez moi, le grand air m’a manqué mais j’ai retrouvé mes activités, le garage, mes habitudes, mes amis, mon ordinateur. Patricia me manquait quand je rentrais dans cette maison vide et froide, l’automne s’annonçait, les jours raccourcissaient. Vingt ans de vie commune ne s’effacent pas d’un coup de baguette magique. Patricia était devenue une autre partie de moi-même. L’été, les beaux jours, la nouveauté, la maison de Mireille… m’avaient aidé à passer le cap. J’avais vécu seul dans un nouveau lieu, cela m’a aidé à intégré que ma nouvelle vie serait sans Patricia. Maintenant, je revenais dans ma maison de tous les jours, je rentrais seul chez nous, je pensais à elle, elle ne me manquait pas mais je me demandais si nous étions plus heureux chacun de notre côté que nous ne l’aurions été ensemble. Je souhaitais qu’elle trouve elle-aussi son équilibre. Les jours déclinaient. A l’issue de l’hiver, nous prendrions la décision de reprendre ou non la vie commune. Nous avions convenu de ne pas nous contacter pour ne pas nous influencer l’un l’autre.

Je pensais encore à Pierre de temps à autre et à cette journée des confidences. Je n’éprouvais pas le besoin de parler de lui à mes amis. Les paroles ne sont pas un truc d’homme, nous sommes plus dans l’action. Il était une parenthèse dans ma vie, un cadeau du ciel que je gardais près de moi. 

Je me suis promené sur la toile et j’échangeais mes souvenirs de vacances sur Facebook. Certains de mes amis avaient vraiment fait des choses fantastiques mais je ne regrettais rien. Certains avaient traversé le globe pour découvrir des paysages, des musiques… ils avaient vécu des moments exceptionnels. J’étais allé à la rencontre du temps, j’avais mis de l’ordre dans ma tête, dans mes idées, je m’étais occupé de moi, je m’étais autorisé le droit de ne rien faire. Je n’avais pas grand-chose à raconter mais j’étais plus serein et ce calme, cette paix, je les avais trouvés là où aucune agence touristique ne pouvait m’emmener. Je pensais souvent à cette tante Mireille qui avait si peu voyagé. Elle aimait regarder ses fleurs, elle aurait pu traverser le monde pour voir des fleurs, elle avait préféré rester chez elle et vivre à son rythme. Elle vivait dans son monde à elle, celui qu’elle avait visité par la lecture, elle s’y déplaçait comme sur une carte de géographie. Ma mère avait toujours été surprise par la mémoire de sa sœur. Je m’amusais parfois à faire le parallèle entre Pierre et Mireille. Ils semblaient à l’opposé l’un de l’autre dans leur mode de vie. Pourtant, je pense que Mireille devait regarder les rapaces voler, exactement comme Pierre l’avait fait.

Un jour, sur Facebook, j’ai vu apparaître le visage de Pierre. Il me souhaitait le bonsoir d’un marcheur de rencontre. J’ai accepté son invitation, je ne lui ai même pas demandé comment il m’avait retrouvé, je ne me souvenais même pas lui avoir donné mon nom de famille. Nous avons échangé quelques minutes en simultané, il était en Roumanie. Il ne s’arrêtait donc jamais ! Sur son profil, on le voyait mener un attelage dans un paysage bucolique. Il me dit qu’il faisait une halte, qu’il avait beaucoup marché et qu’il se reposait dans les plus beaux paysages du monde. Il me demandait comment se passait ma rentrée à Lyon. Pour moi tout allait bien, c’était toujours le même train-train, le train allait plus vite, c’est tout. La vie était rythmée par les déclarations mensuelles, les tableaux de bord, l’arrivée de nouveaux modèles et ces logiciels qui n’en finissaient pas d’évoluer. Dans la bouche de Pierre, cette simple phrase « tu n’a pas le temps de t’ennuyer alors » sonna comme un reproche. Ce simple mot nous a rapprochés comme le vol de rapaces l’avait fait lors de notre rencontre.

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