Petit oiseau blessé
Jean Claude Blanc
Petit oiseau blessé
Petit oiseau blessé, trouvé sur le sentier
J'ai beau le réchauffer, ne peux le ranimer
Plumage ébouriffé, les paupières fermées
Tente d'ouvre son bec, comme s'il voulait parler
Son squelette fluet, frissonne dans ma main
Le roitelet fragile, qui est gros comme un poing
Serait tellement facile, le laisser en chemin
Protège les oiseaux, ils me le rendent bien
Que vais-je faire de lui, au bord de l'agonie
Confectionner litière, pour le mettre à l'abri
Les voraces prédateurs, n'en feraient qu'une bouchée
Veux surtout pas qu'il meure, j'en serais dépité
Peut-être qu'il a soif, peut-être qu'il a faim
Connaissant pas ses rites, alors j'essaye en vain
Lui servir la becquée, un dé à coudre de lait
De le voir végéter, c'est à désespérer
Le pose dans une cage, dans ma chaude véranda
Mais pas trop au soleil, de peur de l'achever
Qu'est-ce que je ferais pas, pour ne plus qu'il ait froid
Le mettre contre moi, mais sans trop l'étouffer
Mais son œil effaré, soudainement s'éclaire
Se demande sûrement, qu'est-ce que j'ai bien pu faire
Pour être encaserné, en volière grillagée
Mais c'est peine perdu, que de le rassurer
Sitôt emprisonné, se dresse sur ses pattes
Fait le tour d'horizon, encore un peu sonné
L'instinct prend le dessus, le sens de carapate
Voletant çà et là, désormais requinqué
J'ai beau lui apporter, bout de pain, sucreries
Il boude sur le menu, ignorant mes manies
A retrouver sans doute, son esprit de survie
Son plus cher désir, c'est gagner les taillis
Alors je me décide, mais bien à contre cœur
Le libérer blessé, va mourir j'en ai peur
Déjà ragaillardi, m'abreuve de « cui-cui »
Sans demander son reste, s'envole à l'infini
Ainsi finit l'histoire, que j'ai élucubrée
C'est une parabole, pour évoquer la vie
D'un gosse de mes amis, qu'est lui-même estropié
Intelligence née, mais les membres amoindris
Un autre albatros, condamné à souffrir
Claudiquer dans sa piaule, devra s'en contenter
Déhanchements heurtés, mais vif par la pensée
En se rendant bien compte, qu'est triste son avenir
Encore un passereau, qu'aspire à s'envoler
A parcourir le monde, voyager par l'esprit
Pour oublier son corps, pas mal déglingué
Se répétant sans cesse, que le sort l'a trahi
Je viens le visiter, dans sa cage dorée
D'instruments de torture, en a plein son grenier
Juste pour s'escrimer, toujours s'améliorer
Ses réflexes restaurer, pour encore progresser
A l'âge où l'on rêve, de conquérir les filles
Lui, doit toujours lutter, pour cacher ses défauts
Chaque jour, un peu plus, tenir sur ses quilles
Ce môme a du mérite, faut dire qu'il n'est pas sot
Petit moineau blessé, mais depuis sa naissance
Certains sont pas gâtés, au départ affublés
De maux qu'on considère, avec bienveillance
Handicapés physiques, pour seule identité
En guise de réconfort, doit faire des efforts
Pédaler, transpirer, récupérer sa forme
Mais le temps dure longtemps, alors se désespère
Le sage adolescent, libère sa colère
Les malheurs sont cachés, même on veut pas les voir
Nos emmerdes quotidiennes, paraissent dérisoires
A côté de ces Etres, qu'en bavent dans le noir
Attendent de leurs journées, quelques lueurs d'espoir
Si t'as ton corps adroit, tu connais pas ta chance
Suffit de pas grand-chose, pour que ta vie bascule
Le bel oiseau fiérot, s'élance dans l'azur
Le danger, là, tout près, le guette en silence
« Tu seras un Homme mon fils », flatteur ce couplet
Mais faut pas oublier, ceux qu'atteindront jamais
Le sommet du bonheur, le verront qu'à moitié
Si t'es demi portion, d'avance t'es jugé
Ce soir l'air est doux, mais mon esprit chagrin
De voir les hirondelles, nonchalantes planer
Petit oiseau blessé, le gosse de mon copain
A les ailes coupées, mais pas écervelé
Comme quoi du destin, le mystère reste entier
Quand bien même mutilé, parfaite lucidité
Le handicap fait peur, comme oiseau de malheur
On n'ose l'envisager, quand on se porte bien
Remettant à plus tard, ce sera toujours l'heure
De charger son fardeau, de douleurs, de chagrins
Les guerres ont fait des morts, et des gueules cassées
Et celle de 14, a été un charnier
Certains ont survécu, le cerveau dérangé
Toute leur vie durant, restés épouvantés
Alors petit oiseau, toi, qu'a rien demandé
Que vivre un tant soit peu, pour seulement respirer
Juste par procuration, tu t'entraines à voler
Par bonheur, c'est ton cœur, qui va te déchainer
La société moderne, uniformise tout
A forces statistiques, pourcentages d'éclopés
C'est la majorité, qui gagne à tous les coups
La courbe des infirmes, souvent minimisée
Les animaux blessés, plupart euthanasiés
Comme le fier pur-sang, qui ne peut plus trotter
Chez nous débat fait rage, doit-on agir de même
Sur les gens invalides, les tuer parce qu'on les aime
Ça coûte du pognon, de nous sauver du mal
Mais a la bourse vide, la protection sociale
On ne fait pas le tri, bons ou mauvais patient
Certains crèvent d'ennuis, seuls en appartements
C'est beau philosopher, sur les tares des autres
On fait moins les malins, quand on est concerné,
Les papas, les mamans, de ces anges désailés
Se suffisent d'un sourire, que leur gosse leur apporte
Tant qu'on a la santé, il faut en profiter
Connaissez la tirade, mille fois resucée
Je retourne un soufflet, à ceux qui sont bien nés
Chante beau merle, leur dit, demain pourrait changer
Petit oiseau blessé, humain ou animal
Je voudrais près de toi, soulager ton moral
La science fait des progrès, ose encore espérer
Si t'es pas dans la norme, s'honore ta dignité
On a tous des manques, faut pas s'en offusquer
Des codes établis, on n'en a rien braire
Moi-même, c'est de la tête, que je déraille mes vers
Dans ce monde policé, tout doit être parfait
Ma verve, quant à elle, volète au grand air
Ça m'a rendu plus fort, fréquenter la misère JC Blanc avril 2014