Peut-on tout dire au nom de la liberté d'expression ?
Esther J. Hervy
Peut-on tout dire au nom de la liberté d'expression ?
Alors que la France se soulève contre sa liberté d'expression menacée après l'attentat commis contre Charlie Hebdo, un homme de 34 ans a été condamné à 4 ans de prison ferme pour avoir fait l'apologie des frères Kouachi -Il devrait y avoir plus de Kouachi(...) j'espère que vous serez les prochains (…) vous êtes du pain bénit pour les terroristes- aurait-il rétorqué aux forces de l'ordre l'ayant arrêté alors qu'il était en état d'ébriété et venait de percuter un véhicule.
La question un peu naïve que l'on pourrait se poser serait : pourquoi ne pourrait-on pas tout dire au nom du droit à la liberté d'opinion et d'expression ?
Tout d'abord il faut redéfinir ce qu'est la liberté d'expression. La liberté d'expression est définit par le grand dictionnaire de la langue française comme étant « le droit fondamental autorisant tout citoyen à exprimer ses opinions ». D'accord. Mais qu'est-ce-qu'une opinion ? Une opinion c'est un avis, un sentiment, qu'un individu ou un groupe d'individus émet sur un sujet, des faits... ce qu'il pense.
Ce qu'il pense. Voilà la différence entre émettre son opinion et effectuer un acte de langage. L'acte de langage est « un moyen mis en œuvre par un locuteur pour agir sur son environnement par ses mots : il cherche à informer, inciter, demander, convaincre, promettre etc... son ou ses interlocuteurs par ce moyen. »
- j'espère que vous serez les prochains- n'est pas une opinion mais un acte de langage dit à effet perlocutoire, qui désigne l'effet psychologique ressenti par le destinataire (ici la tentative d'intimidation, l'intention de faire peur). Selon Austin, philosophe britannique et initiateur de la théorie du langage, l'acte de langage n'est ni vrai ni faux. Il est réussi ou non.
En conclusion, un acte de langage à effet perlocutoire, contrairement à une expression d'opinion, a pour but de provoquer des effets (pertubations, changements...) dans la situation de communication.
Ordonner, injurier, harceler n'est pas une opinion et ne peut donc pas se revendiquer de la liberté d'expression.
Esther J. Hervy - 14 janvier 2015
Très bien à toi de partager cette distinction, dont j'ignorais qu'elle s’appelait "perlocutoire". Me voilà, comme monsieur Jourdain, moins bête...
· Il y a presque 9 ans ·arthur-roubignolle