Pho-Semblant #28 - Les Moleskines - Dans Paris

dyonisos

Murmure-moi encore de ces mots carnivores, qui, voraces, dévorent mes tympan et osselets, jusqu’à me bouffer le corps.

Murmure-moi encore de ces mots carnivores, qui, voraces, dévorent mes tympan et osselets, jusqu'à me bouffer le corps. Place d'Italie, c'est notre décor. Les avenues y déversent les odeurs de viandes mortes marinées et la coriandre bouillie. Les vitrines laissent paraître les corps meurtris de canards bronzés pendus à des crochets d'acier qui les traversent, de guingois souvent. J'entends la friture des pâtés impériaux qui crépitent et qui emplissent les narines des passants, malgré eux, jusqu'à l'étourdissement. Ça sent le gras jusque dans les parcs et c'est là que je me suis niché, dans de la pierre au cœur des tours en verre, aussi gracieuses que les faubourgs de Varsovie. Les bouis-bouis de l'avenue de Choisy pullulent sous les tours, côtoient les bandes de gosses multicolores qui s'y aventurent sans peur, l'estomac blindé comme un coffre-fort pour se gaver de soupes chaudes. Dans ces soupes, il n'est pas rare de croiser aléatoirement au gré des envies du cuisinier, une pâte de poulet, ou le groin d'un cochon malheureux qui, parfois, tentent une percée à travers les nouilles bouillantes.

Tu te souviens, on sortait de l'hôtel du Coq, déambulant comme des extravagants, le temps s'était arrêté, au firmament, les étoiles immobiles, contemplaient notre course folle  au travers des allées et des immuables immeubles colorés, aussi multicolores que les gamins du coin. Franchissant les grilles du parc de Choisy, nous nous étions frayé un chemin dans ce puits vert pour s'envoyer des mots dans les oreilles en observant, paisibles et fascinés les étoiles du mois de Mai. Le soleil nous avait fait sortir de la torpeur de la nuit, tandis que virevoltaient déjà les voitures dans ce Paris gris, où les phos et les épices viennent greffer des couleurs.   

De murmures à des cris. Le temps passe et souvent il détruit. Pas nous. Tes murmures me dévorent encore et le temps glisse sur nos corps. 

A suivre

Carnet de voyage numéro vingt-neuf - Oberkampf - Les Petites Vieilles 



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