Piraterie et sonneurs d’alarme comme acteurs politiques: activistes résistants, victimes, criminels?

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Ces pirates et sonneurs d’alarme (whistleblowers) sont-ils une nouvelle manifestation de nouveaux mouvements sociaux? Sont-ils des « traîtres de la nation » qui remettent en cause l'État de droit?

À la lueur des textes de cette session, je constate que le débat tourne autour de la moralité. Pourquoi? Afin d'expliquer mon propos je vais citer deux trois phases tirées de la scène finale d'un film: The great debaters produit par Oprah Winfrey en 2007. Cette scène finale se déroule lors d'un débat dans les années 1930 (contexte de la ségrégation raciale) entre l'université d'Harvard et Willey College (à prédominance noire). Le thème du débat porte sur la désobéissance civile. La corrélation entre cette scène qui m'a marquée ainsi que les textes de ce précis réside dans le fait que chacune des deux équipes illustrent parfaitement le discours des pourfendeurs ainsi que des apologues de ceux qu'on appelle tantôt pirates, hacktivistes ou sonneurs-d'alarmes. Leur point commun? La désobéissance civile dans le sens où ces personnes s'insurgent contre l'ordre établi donc celui de l'état et participent tous à un « positionnement qui rejoint la désobéissance civile, analysée comme le refus de se soumettre à une loi, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent et accomplie dans l'objectif d'amener un changement législatif ou sociétal » (Doutriaux).

 Ils agissent tous sous l'étendard d'un contre-pouvoir nécessaire afin de diffuser leurs revendications politiques même si cela déstabilise l'ordre international. Ainsi donc durant cette scène, les anti désobéissance civile avancent l'argument suivant: « nothing that erodes the rule of law can be moral ». Dans l'interview de James Bamford, celui-ci donne momentanément la parole à Bill Gates (propos tenus lors d'une autre interview pour Rolling stone): «I think he broke the law, so I certainly wouldn't characterize him as a hero,” he said. “You won't find much admiration from me. ». Voici donc le fondement des contestataires de ce mouvement social dont il est question cette session.

À cela, l'équipe adverse rétorque en citant d'abord St.Augustine:  «An unjust law is no law at all. » et en stipulant que «which means l have a right, even a duty, to resist with violence or civil disobedience. You should pray l choose the latter. ». Dans le texte de Doutriaux, ces propos peuvent êtres relayés par les suivants: «Les hacktivistes ne prennent pas en compte ce qui est légal, mais ce qui leur semble légitime, c'est-à-dire ce qui leur semble juste en raison et en équité. Par conséquent, ils ne se réfèrent pas au droit positif élaboré par les États, mais à l'appréciation personnelle de ce qui leur paraît équitable. »

De ce fait, en ce qui me concerne, la polémique réside dans la moralité. Pourquoi ces acteurs qui déstabilisent le système établi, qui dérangent et auxquels on tente de destituer leurs actions ainsi que d'éteindre leurs voix, existent-ils? Telle est la question: pourquoi? Je pars du principe que si les gouvernements, ceux censés représenter l'ordre, le droit ainsi que la justice n'avaient rien à se reprocher, il n'y aurait aucune alarme à sonner. Le court texte de James Bamford met en lumière le problème: nos gouvernements agissent en voyous sous l'étendard de la sécurité et d'intérêts égoïstes. Je ne rentre pas dans le manichéïsme en dépeignant les « gentils » et les « méchants », cependant je tente de mettre en perspective l'envers du décor que ces sonneurs d'alarmes par leurs discours ou actions tentent de mettre en lumière.

Voici quelques exemples de méthodes utilisées :1/ « “We were torturing people; we had warrantless wiretapping.” »; 2/ «You could have someone sitting in China, for example, making it appear that one of these attacks is originating in Russia. And then we end up shooting back at a Russian hospital. What happens next? »; 3/«“If we get caught, we can always point the finger at Israel.” » ; 4/« Among the discoveries that most shocked him was learning that the agency was regularly passing raw private communications—content as well as metadata—to Israeli intelligence. »

Ces quelques exemples peuvent inspirer l'incrédulité mais il s'agit bel et bien d'exemples criants de la capacité des gouvernements à agir comme des criminels, en ne tenant aucunement compte des lois qu'ils ont eux-même instaurées et certains exemples tels que celui de la Syrie dans le texte nous démontrent que devant leur responsabilité, les états mettent tout en oeuvre pour pointer du doigts un faux-coupable.

La réponse des gouvernements face à des figures telles que Edward Snowden, Julian Assange ou Paul Watson est de tenter de les diffamer, de les destituer: « The memo suggested that the agency could use these “personal vulnerabilities” to destroy the reputations of government critics who were not in fact accused of plotting terrorism. » ou tout bonnement de leur apposer l'étiquette de traitres: «Edward Snowden is a coward, he is a traitor, and he has betrayed his country. » dixit John Kerry, ce qui leur permettrait de les poursuivre par la voie de la justice, celle dont ils font fi quand bon leur semble soit dit en passant.  

Le résultat de la « victoire » de ces personnes remettrait en cause la légitimité du pouvoir gouvernemental et permettrait de rendre le peuple conscient et donc de ce fait plus fort que jamais. La question qui découle de ce combat est la suivante: sont-ils des traitres à la nation? Je ne pense pas que le mot soit adéquat, les hacktivistes peuvent mettre en péril la sécurité de certains de leur compatriotes notamment Anonymous qui excelle dans la mise en ligne de données personnelles d'individus tels que des policiers ou des hommes politiques pour des raisons morales. Dans ce cadre là, il est vrai qu'ils portent atteinte à la vie privée de ces hommes mais comme le stipule Terral dans son texte: « il faut être un pirate pour arrêter les pirates. ».

Si je prends l'exemple de Snowden ou de Assange, ces deux hommes auraient commis une traitrise s'ils n'avaient pas divulgué les informations qu'ils détenaient, une traitrise envers le peuple: « we can't allow the law to become a political weapon or agree to scare people away from standing up for their rights » (Bamford) et dans la vidéo il dira que « I used to work for the government, now I work for the people. ». Ces hommes ont eu le courage de se dresser contre l'ordre établi. Ces individus ne sont pas les seuls à s'ériger contre le système et à l'ébranler.

Le texte de Büger sur les pirates Somaliens m'a étonnée car il s'agit d'une perspective à des années lumière de ce que l'on a l'habitude de nous présenter. Ils sont souvent dépeints par les médias dits mainstream comme des hors la lois, des meurtriers, des bandits de mers etc… Or à la lueur du texte de cet auteur je constate que ces gens sont mus par une identité collective: « One of the effects of a collective identity is that it strengthens a culture of cooperation and collaboration. In this sense the narrative is a constitutive element of the community of practice and a core resource for identifying a shared enterprise. As noted above, pirates operate in a structure of dispersed organisational units. » qui leur permet de combattre la pêche illégale, le déversement de déchets toxiques dans leur mer malgré leurs méthodes musclées. Dans le sens où « Somali pirates act to protect their waters from illegal foreign intruders», les vrai pirates ne sont-il pas ceux qui pratiquent illégalement la pêche et polluent des mers au sein desquelles ils n'ont aucun droit?

Ce paradoxe est le même avec l'exemple de Paul Watson: «« En 1986, la commission baleinière internationale décide d'une interdiction mondiale de la chasse à la baleine. » (Terral,) par conséquent lorsque les règles ne sont pas respectées: «Paul Watson écume les eaux de l'Antarctique à la tête de sa flotte, esquivant les icebergs, pour traquer, débusquer, semoncer, voir éperonner les baleiniers japonais» (Terral).

-Jusqu'où ces sonneurs d'alarmes peuvent/doivent-ils aller avant d'être considérés par nous, le peuple qui les percevons comme des  « pirates de la compassions » comme un problème?


-Quel réel danger ces individus représentent-ils, outre la destitution des gouvernements?


-Si les gouvernements n'agissent pas bien d'un point de vu moral, les règles instaurées par ceux-ci sont-elles toujours légitimes si eux-même ne les suivent pas? 


Montréal, automne 2015

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