Plage

Je m'installe dans le sable alors qu'il fait doux. Nous sommes en hiver sur une plage du Nord. Le vent souffle, il fait trop doux, les vagues chantent leur refrain sans discontinuer. Je sens le parfum de cet air salé qui m'emplit les poumons. Au loin un décor inégal. Je peux voir un bunker, probablement utilisé lors d'une guerre de sinistre mémoire, un groupe d'oiseaux chassant probablement leur repas matinal, des dunes pleine de verdure, les brins secoués par les rafales de vents qui surviennent parfois. 

Je vois une famille qui se promène avec un chien qui batifole dans l'eau, deux cavaliers un peu plus loin sur leurs destriers majestueux, des oiseaux qui vont et viennent, quelques crabes non loin de là, et une jeune femme en train de les prendre en photo. Ce décor m'est inhabituel, mais je suis fasciné par la patience de cette dame. Une longue chevelure de feu secouée par la brise marine, une paire de lunettes pourpres sur un nez fin, deux grands yeux bruns qui s'émerveillent derrière l'appareil photo, un sourire à fossettes, une silhouette assez fine et pas très grande. 

Je continuais de l'observer sans vraiment y penser. Allant entre elle et les crabes. Puis elle bougea, mes yeux la suivirent, plein d'envie devant la passion qu'elle dégageait en appuyant sur la détente. Elle s'agaça plusieurs fois en "ratant" des photos. Je l'entendais râler d'une voix déterminée, le vent aidant le son à parvenir jusqu'à moi. J'étais assis, admirant ce spectacle qui s'offrait à moi, cette jeune femme s'amusant à photographier le décor agité de cette mer d'hiver. Elle était grise notre mer du Nord, elle semblait pâle devant la veste verte et le jeans que portait la jeune femme. J'étais comme hypnotisé, ses cheveux volant au vent à l'image d'une oriflamme incandescente que bercerait la brise. Je restais de longs moments à la regarder immortaliser les vagues, les oiseaux, le bunker, les dunes, elle prit même une photo dans ma direction, sans doute pour capturer les habitations derrière moi, habillées de ces couleurs blanches caractéristiques du bord de mer, légèrement grisées par les flots et tout ce que la mer pouvait charrier. 

Je restais face à la mer, la regardant lentement prendre du terrain sur le sable, la marée montante, apportant un parfum iodé plus prononcé, des chants d'oiseaux et ceux des vagues qui dansent de plus en plus fort. J'étais apaisé, comme chaque fois que je faisais face à un paysage aquatique. Perdu dans la beauté du décor, perdu dans l'immensité d'un monde empli de secrets. La mer, si belle, si dangereuse, si rassurante, si stable et pourtant si changeante... 

La photographe continua un long moment un peu plus loin, je la regardais de temps à autre. Ses cheveux virevoltant toujours dans son dos, le sourire aux lèvres. 

J'ai eu l'impression d'espionner, ou d'admirer un artiste comme un voyeur, m'accaparant par ma simple présence, une partie de l'œuvre qu'elle souhaitait mettre en place... 

Puis je la devinais qui quittait la plage, la famille, les cavaliers étaient partis depuis bien longtemps... Et je restais seul, ou peut-être accompagné par cette mer qui continuait à chuchoter... Que voulait-elle bien me dire ?