Pluie

C'est le matin, tôt. Au réveil déjà je l'entendais. J'ouvrais les volets dans une pâleur naissante. La fenêtre ouverte, je m'arrêtais dans mon geste, et ne la refermais pas. Je profitais. J'éteints mêmes les lampes, indécentes, laissant l'aube rentrer à son rythme avec son air mouillé. Elle est bien là. Sa fraîcheur, ses parfums, sa prière. Tout près, dans le fauteuil en osier je m'asseyais auprès d'elle.

La pluie a ce quelque chose de magique qui suggère, intime de façon feutrée l'ordre de ne rien faire, de ralentir du moins. Un peu comme si son mouvement en contre-point laissait sous-entendre de ralentir le nôtre. On ne peut pas ne pas l'écouter.

J'observais les yeux fermés, la pluie nous parle. Elle nous dit entre autres : écoute, écoute chaque goute, elle est comme fraction, une fraction de vie qui nous renvoie à l'instant. La pluie à cet instant en miroir nous parle de nous, de ce temps qui s'écoule en-dehors bien-sûr mais aussi en nous. Un doux sablier de perles percutantes. Je restais dans mon fauteuil, goûtant encore les sons, la fraîcheur, la lumière du jour qui glissait dans la pièce. La pluie a plus de saveur dans l'ombre. On y perçoit davantage ce qui reluit. Il y a dans cette pénombre douce quelque chose de l'ordre de la capuche, de la grotte, quelque chose qui nous recouvre, qui nous recouvre pour nous protéger, nous protéger de nos excès peut-être.

J'hésitais à mettre un disque, mais je ne sais si le meilleur interprète de la meilleure composition de Bach ou de Mozart aurait même été à la hauteur de l'accompagner. J'avais peur de la gâcher. Je ne fis rien, et restais là assis un moment. J'écoutais.