Plus verte la ville

Audrey Favre

A-t-on déjà étudié le pouvoir du vert sur l'esprit humain ?

Le soleil se lève. Les immeubles frémissent à l'arrivée de l'aube. Ils reviennent à la vie en même temps que le jour. Un étage à la fois, l'immeuble s'ouvre pour s'offrir à la lumière. La coupole sur le toit se déploie en premier, chatouillée par la température extérieure. Ainsi dévoilé, le jardin horizontal qui recouvre la toiture est le premier éveillé, dépliant ses feuilles sous la chaleur des premiers rayons. Les brins d'herbe s'étirent sous le vent de l'aube, délassent leurs nervures endolories par la nuit. La toiture végétalisée s'éveille d'un seul bloc.

De haut en bas, l'immeuble prend vie, mû par l'arrivée du jour. Le soleil déclenche une réaction épidermique sur la façade verte. Un frémissement qui parcoure l'échine du bâtiment. Les volets s'ouvrent lentement d'eux-mêmes, sans se froisser, créant des pétales de couleur à l'emplacement des fenêtres, perdus dans la paroi touffue. L'immeuble respire au gré du vent. Ses feuilles capturent l'humidité, réchauffent l'hiver, rafraîchissent l'été. Le végétal devient vertical, les habitants vivent dans une jungle vertigineuse.

Mis à contribution, les citadins fusionnent avec l'immeuble écosystème, devenant des cellules motrices de cet être vivant à part entière. Ils vivent au diapason de cette nature suspendue conçue pour éclore chaque jour au rythme des saisons. La structure des immeubles les poussent à sortir, à privilégier l'unisson à la fraction. Ils mêlent leurs mains dans la terre du toit et des balcons partagés, deviennent des cultivateurs urbains autant pour faire vivre leur immeuble que pour se nourrir. Sans concertation des humains, les immeubles dépérissent, terrassés par l'individualité. La minéralité stérile des villes d'antan s'efface devant la luxuriance des nouvelles villes végétales, la convivialité des espaces citadins réappropriés.

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. L'eau se déverse du ciel dans les appartements, des appartements aux jardins suspendus. Les résidus des cultures et des humains sont rendus à la terre par le compost. Les déchets sont solubles dans la végétalisation. Les jardins verticaux filtrent l'air, respirent à l'unisson des citadins. Ensemble, ces immeubles verts créent un tissu de vie, une ville vivante.

La verdure devient un allié et non plus l'ennemi à abattre. La proximité de la nature est celle des humains. les jardins suspendus sont partagés, le lierre des façades, une toile qui relie les âmes. Non plus reclus chez eux, les habitants se tournent vers les autres, poussés par leur immeuble végétal à chercher le contact de l'extérieur. Le vert adoucit les mœurs, au contraire du gris qui sépare, agresse, appauvrit. Le vert des villes n'a plus rien à envier à celui des champs. A-t-on déjà étudié le pouvoir du vert sur l'esprit humain ?

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