Election Day
sophie-dulac
« L'avenir contient de grandes occasions. Il révèle aussi des pièges. Le problème sera d'éviter les pièges, de saisir les occasions et de rentrer chez soi pour six heures. » Woody Allen
Election Day
En retard comme tous les matins, Lucy appela le tube pour descendre du cent quarantième étage avant de pénétrer dans le hall-place par de vastes portes tambours automatiques pour prendre son petit déjeuner.
Elle se faufilait vers le Starwuck Thé à travers la foule quand de grandes affiches holographiques se déployèrent de chaque coté du « Mall ». « Vous êtes votre propre liberté » proclamait la voix officielle du gouvernement central. C’était encore un jour de votation.
Complètement hermétique à toute forme de communication avant son petit déjeuner, Lucy acheva sa course devant la vendeuse du Starwuck, commanda son petit pain aux algues et son thé moka force huit. L’hologramme de Jikun Wuck, le bellâtre grisonnant icône mondiale de la marque mit la capsule dans la machine. Lucy récupéra le breuvage en frottant sa Smartkey® qu’elle portait en bandoulière sur la borne de paiement. Sa ceinture tissée était signée du grand couturier pékinois Lee Chee.
Ce foldingue mégalomane qui vivait maintenant sur un ilot artificiel au large des ex iles de la Barbade avec ses ateliers de création et ses usines de prêt à porter avait révolutionné le monde de la mode en ringardisant le port de la Smartkey® en chevalière et en bracelet et assit définitivement sa fortune colossale.
Lucy engloutit son déjeuner avant de courir dans le sas de brumisation. Les gouttelettes minuscules d’écran total ciblèrent les parties de son corps dénudées, elle avait choisi de porter ce matin une combi short en soie synthétique bleue qui faisait ressortir particulièrement son teint clair et ses yeux myosotis mutins. Le liquide chaud et léger qui sortait des buses lui chatouillait les cuisses.
Un dernier jet l’aspergea d’un délicat voile de parfum, du Lee Chee Numéro 5, la flagrance favorite de Lucy, son péché mignon, certainement le liquide le plus cher au monde.
Puis les portes de son building s’ouvrirent sur la rue inondée de soleil, Lucy se précipita vers la borne Smartbikes® la plus proche, elle laissa les rayons de l’astre du jour lui lécher les joues. Chaque matin, il lui semblait que son rayonnement rechargeait ses propres batteries, lui permettaient de poursuivre prestement sa journée.
Elle savait que la ville entière se nourrissait de l’énergie solaire, chaque building vivait en entière autonomie, chaque artère de la capitale respirait grâce à l’indéfectibilité de son rayonnement et surtout, sa promptitude permettait à cette liane sauvage qu’était la vigne de se développer, de se gorger de ses bienfaits afin d’ensemencer le désert laissé par les grandes canicules.
La ville avait appris à maitriser l’énergie qui avait failli la faire disparaître lors des phases brutales du réchauffement climatique. Des anciens panneaux photovoltaïques qui faisaient maintenant figures d’ancêtres alimentaient encore la borne Smartbikes® du quartier de Lucy. Elle plaça sa Smartkey® sur la plaque d’accueil, un véhicule se libéra en klaxonnant. Une capote de protection solaire se déploya au dessus de sa tête, Lucy reconnut la griffe de Kaï-Chek, le grand designer de Shenzhen.
Elle enfourcha son Smartbike®, prit la voie d’accélération et se dirigea vers la Colline par le boulevard des Hollandais, baptisé ainsi car le building 567 qui le longe fut le principal lieu d’asile, pour la capitale, des réfugiés climatiques des Pays Bas.
La circulation était dense mais fluide, Lucy pédala pour lancer le véhicule puis le moteur électrique prit le relais, elle sélectionna sur sa Smartkey® sa playlist préférée en posant ses escarpins sur le repose pieds. L’air pur, l’effet du vent dans ses cheveux, et surtout, la voix rauque et enivrante sur les riffs de la contrebasse électronique qui caractérisaient si bien son groupe de rock préféré l’enveloppèrent dans une bulle de plénitude. Pour rien au monde, elle ne changerait ce trajet quotidien.
Elle était parvenue maintenant à flanc de butte où on voyait filer la trame verte bordée de rosiers. Botaniste, Lucy travaillait à la santé des tout nouveaux vignobles concurrents directs des grands crus chinois hors-sol seuls rescapés de la crise climatique. Le building consortium avait été édifié en haut de la colline disait-on dans les ruines d’une ancienne basilique. Arrivée à destination, Lucy rebrancha son véhicule à une borne. Sa Smartkey® sonna, c’était l’heure de la votation. Elle admira le panorama époustouflant des vignes qui couraient partout à perte de vue puis disséminés dans ce manteau verdoyant les gigantesques buildings qui scintillaient tels des diamants dans leurs carapaces thermovoltaïques. Elle toisa au loin cette vieille tour rouillée efflanquée et inutile plantée au milieu du vignoble. Elle rentra son code citoyen sur sa Smartkey® et vota pour le démantèlement de la tour, presque simultanément sa collaboratrice lui communiqua par hologramme ses rendez vous du jour. Lucy comprit alors qu’elle ne rentrerait jamais chez elle pour six heures.
Bacchus come back.
· Il y a presque 11 ans ·yl5
Oui yl5 !!!! Santé et très bon début année !
· Il y a presque 11 ans ·sophie-dulac
Texte magnifique qui prédit la victoire asiatique sur les mœurs et la mode à venir !
· Il y a presque 11 ans ·Le futur est plein de promesses mais quel est donc le nom du groupe de Rock préféré de Lucy ?
La fragrance du parfum me monte au nez...
Mokrane Kab
Merci pour votre lecture Mokrane, pas de nom de groupe pour l'instant, il est en formation dans mon imagination ...
· Il y a presque 11 ans ·sophie-dulac