Polly -Imaginer Polly heureuse

mirenelle

La nouvelle Sisyphe d'Albert Camus

« C'est un lieu bien étrange… 

J'y reviens toutes les nuits. 

Je visite la maison pièce après pièce, 

Nuit de songe après nuit de songe… »

 ***

Aujourd'hui c'est mon premier jour ici.

Je viens d'arriver, je suis un peu perdue… 

Je ne me rends pas bien compte. 

Je sais juste que 

Je suis assise sur mon lit, 

Que les volets sont fermés 

Et la chambre sombre. 

J'ai une petite lampe de chevet 

Et un livre sur la table de nuit. 

Il doit être tard. 

Le silence est opaque comme 

Celui de la nuit profonde et bien entamée… 

Pourquoi suis-je ici ? 

Je me souviens juste 

Que de me souvenir est vain… 

Je me sens vide… 

Et un peu oppressée avec ces volets clos... 

Je vais les entrouvrir au moins un peu. 

Je fais tourner le crochet qui grince 

Tout doucement et sans trop de bruit… 

Et pousse lentement les volets 

Pour faire rentrer un filet d'air 

Dans cette petite pièce calfeutrée… 

La nuit est tiède

La lune brille en croissant 

Au-devant de moi…. 

Enhardie par l'air obscur et doux

J'enfourche le petit rebord...

***

... Je suis maintenant assise, 

Les pieds flottant dans le vide… 

Je ne me souviens pas

Si je suis à l'étage, 

Ni même à quel étage. 

J'ai l'esprit bien embrumé 

Pour me souvenir de ces détails 

Mais bien enclin à sentir 

La douce brise sur mon front. 

Je ne veux plus rester dans cette chambre, 

Je vais faire juste un petit saut en avant 

Et communier entièrement avec l'atmosphère 

De quiétude ici en dehors…

***

J'ai dû perdre connaissance. 

De l'herbe mouillée

Me chatouille le nez

Et puis j'ai froid soudain. 

Depuis combien de temps suis-je ici ? 

Sans avoir la réponse, je me relève 

Mais ma chemise de nuit 

Est trempée et glacée. 

Je lève les yeux 

Je remarque de la lumière

Qui sourd de la fenêtre là-haut… 

Il me faut rentrer, 

On doit se demander

Pourquoi est-elle partie…? 

-Pas vraiment partie!...

Juste prendre un peu d'air... 

Je m'approche à tâtons de la porte que 

Je sais être celle de l'entrée… 

Vite je remonte il fait si froid….

***

« Je suis alors témoin d'une bien étrange scène. 

Même dans l'absurdité de mon rêve 

elle me semble fort singulière...

Quelle scène curieuse... parce que,

savez-vous cette petite ombre

glisse toutes les nuits dans le jardin

sur le tapis de rosée…

Elle se laisse choir comme une plume… 

De son troisième étage...

Et quelques instants plus tard,

elle se relève, rentre par l'entrée...

Puis au bout d'environ dix minutes, 

elle réapparaît à sa fenêtre et

Tombe à nouveau légèrement de là-haut…

Comme un ange sans ailes...

Elle remonte, s'envole, retombe...

Sans réaliser sa pesanteur,

Remonte, s'envole, retombe...

Sans réaliser le sens de sa chute,

Ni cette réalité dépourvue de fin...

Et ainsi durant toute la nuit

Et ainsi toutes les nuits…»

 ***

C'est ainsi dans la Maison de Polly,

C'est ainsi pour mon rêve de cette nuit...

 

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