Polo

Apolline Mariotte

Polo c’est moi. Polo c’est le sobriquet que mes collègues m’ont donné. Au début je n’aimais pas trop. Et puis j’ai fini par l’adopter, et puis même par l’aimer. Eux aussi ont fini par m’adopter. Mais quand je suis arrivée, ils m’ont vue d’un drôle d’œil.

De cet œil qui dit : celle-là, c’est une bourge. Pire. Une bourge du 17eRaté. J’étais une bourge du 7e. On ne mélange pas la rive droite et la rive gauche. Et puis il y a Olivia. Moi j’aime bien l’appeler Olive. Mais je crois que ça ne lui plaît pas. Olive elle croyait que j’avais une gouvernante. Rendez-vous compte. Bien sûr que j’ai une gouvernante qui me mitonne des petits plats tous les jours. Et puis des courtisans pour la cérémonie du grand lever. Et puis une femme de chambre qui me saupoudre le museau de poudre de riz tous les matins. Et puis je pars travailler en phaéton. Si elle avait vu mon petit nid, Olive me demanderait où je mets ma gouvernante. Ce n’est pas vraiment la galerie des Glaces.

Ils s’imaginent que je passe mes samedis après-midi à prendre le thé l’auriculaire dressé en grignotant des scones du bout des incisives devant un samovar. C’est à cause de la bague. La bague ? Ah oui. Enfin s’ils savaient qu’elle trempe un peu plus souvent dans le cambouis qu’elle ne sert à apposer mon sceau sur des lettres de château.

Mais tout ça finalement ce n’est pas si mal. C’est toute la force de mon personnage. En vrai, je peux passer des journées entières en pyjama en pilou sans me laver, ils ne me croient pas. Et ce que j’aime par-dessus tout, c’est prononcer d’effrayantes grossièretés. Alors j’entends des Polo ! - prendre le ton de Béatrice de Montmirail - indignés.

Signaler ce texte