Pompier story (10)

Les jours passent et ne se ressemblent pas, boulot, maison, association, tout roule pour moi comme sur des roulettes. Hier on a fêté mon anniversaire, seulement Fabien et moi. On est allé sur la rivière, une promenade en barque c'est toujours dépaysant. J'avais mis mon chemisier anis et un jean neuf, rien à voir avec les robes à crinoline et les ombrelles d'antan lorsque les jeunes demoiselles se laissaient conter fleurette. Fabien a ramé presque une heure, son joli sourire sur ses lèvres bien dessinées. ça a été une belle journée, toute en complicité et en douce félicité. Pour tout dire nous étions en état de grâce, comme ces jours de fête où tout est doux et joyeux. Avril nous offre de belles journées claires, il fait déjà bon dans notre région de montagnes, le week-end de nombreux promeneurs prennent l'air tranquillement. Mon pompier préféré me quitte souvent pour sauver des vies de jour comme de nuit, le mois dernier, un psychothérapeute cet automne est venu nous parler de la peur et du stress et des différentes manières de les contrôler. Son intervention a remporté un franc succès au sein de l'association. Nous sommes plus à l'aise au quotidien quand nos maris de pompier nous quittent pour aller faire leur devoir, sauver des accidentés de la circulation routière ou maritime, débloquer des ascenseurs, en fait les incendies ne représentent que 10% de leur travail, ça aide à relativiser, du coup je me focalise moins sur les risques de la profession. Et puis le fait de travailler m'aide à prendre du recul par rapport aux dangers qu'ils représentent. Y a déjà moins de soucis à se faire. Nous sommes allées visiter la caserne de pompier également, ça a l'air de rien mais ça rend les choses plus concrètes déjà, beaucoup moins mystérieuses. Nous les femmes de pompier, nous rationalisons le plus possible les choses et travaillons la pensée positive. Il ne s'agit pas de se comporter comme des imbéciles heureuses ou des abruties, non, ce n'est pas ça. Tout le travail que nous faisons sur notre statut d'épouses de pompier ne m'a pas encore poussé à arrêter la pilule... Besoin d'intériorité, de m'accaparer individuellement les choses. Je suis dans une phase trop collective, centrée sur le groupe. Il me faudrait vivre le groupe autrement. Mon époux n'est pas un accessoire ni un jouet.

(à suivre)