Pompier story (8)

aile68

Les biscuits sont bons, les smoothies également, de même que le thé et le café. La conversation traîne un peu, on ne se connaît pas toutes ou si peu. On se croise parfois au supermarché ou dans les rues piétonnes du centre ville. C'est notre première réunion entre femmes de pompiers, toutes m'ont félicitée pour mon initiative. Nous sommes cinq aujourd'hui, le mois prochain nous serons peut-être plus nombreuses. Sandrine a proposé que les réunions pourraient se tenir une fois chez l'une puis une autre fois chez une autre ainsi je ne serais pas toujours dans l'obligation d'organiser les choses, de même ce ne serait pas toujours à l'hôtesse de maison de préparer des biscuits ou des gâteaux, on pourrait se relayer. Myriam a proposé que chacune d'entre nous pourrait proposer un sujet, une autre a dit qu'on pourrait tenir un cahier en notant tous les sujets traités et nos impressions. J'aime quand les choses s'organisent ainsi, nous ne sommes pas très nombreuses, mais nous sommes motivées. Apparemment je suis la plus jeune de notre petit comité, les autres n'ont pas dit leur âge mais se sont présentées en disant entre autre qu'elles avaient des enfants, mise à part Emma. Elles n'étaient pas obligées de dire qui était leur compagnon, en somme je veux qu'elles se sentent libres, c'est important pour moi cette notion de liberté même si on parle des problèmes liés à la profession de notre conjoint. De même on ne sait pas présenté chacune notre tour comme on le fait habituellement dans les groupes. Je tiens à ce que ça reste vraiment informel et surtout confidentiel. Bien évidemment on a échangé les formules d'usage sur la beauté et la tenue de la maison et du jardin, même Zoé a eu droit à des compliments. Fabien va être content, en fait c'est le fruit de notre travail à tous les deux. Zoé était un tout petit chiot quand nous l'avons eue, c'est surtout Fabien qui l'a dressée.

Peu à peu les langues se délient, on parle du beau temps qui résiste encore, de la canicule de cet été, des incendies. ça y est on y vient. Les incendies et le feu sont nos bêtes noires évidemment. Qui osera parler la première de ses peurs et angoisses? Sandrine, Myriam qui semblent si sûres d'elles, Emma si timide ou bien Nadia, Marie-Laure ou moi? Allez je me lance et je dis que certains incendies m'ont fait trembler au point de me demander s'il n'y allait pas avoir des victimes parmi les pompiers. Les autres enchaînent en disant la même chose, qu'elles ne voulaient pas que leurs enfants perdent leur père trop tôt. Voilà on y est, les enfants... Mon problème en ce moment. Emma n'a pas d'enfant comme moi. En veut-elle un au moins? Mystère et boule de gomme. Elle reste silencieuse. Je ne veux pas la torturer. Je change de sujet en proposant un autre smoothie ou autre chose de bon à déguster, histoire de rendre la situation plus douce. Marie-Laure prend un biscuit, le savoure délicatement et dit que c'est bon de se retrouver pour parler de notre statut qui n'est pas du tout commode.

"Mon fils aîné et ma benjamine veulent être pompiers eux aussi dit-elle assez tranquillement. Je n'ai pas pu m'empêcher de leur dire qu'ils allaient en faire souffrir plus d'un mais ça ne les arrête pas. La benjamine ne se rend pas bien compte elle n'a que dix ans, elle peut encore changer d'avis, mais le plus grand qui a quinze ans semble bien déterminé. Son père est un exemple pour lui. Faut voir comme il en est fier.

- Mon fils aîné c'est le contraire dit Sandrine,  d'abord il n'est pas sportif du tout, et il est en conflit avec son père, vous parlez d'un exemple pour lui!

La discussion devient intéressante, mais Emma reste silencieuse, elle est même devenue très pensive. Qu'est-ce qui se passe dans sa tête? J'espère que nos propos ne la font pas souffrir... Je prends la parole:

- Le statut de pompier renvoie à nos propres peurs, notre place dans la vie. Personnellement je n'ai pas d'enfants encore, je suis encore jeune, je viens de débuter un travail  dans lequel je peux évoluer. Ce n'est pas que je suis carriériste, mais j'hésite à avoir un enfant.

J'ai prononcé ces mots tout en hésitant. Je ne peux pas m'empêcher de regarder Emma qui détourne les yeux.

Je continue:

- Ce n'est pas facile d'être l'épouse d'un pompier, il faut du courage, et une grande force morale, avoir des enfants dans notre cas, je pense que c'est une décision difficile à prendre.

ça y est, c'est dit. Je les connais à peine et je leur ai dit mon problème. C'est alors qu'Emma, à ma plus grande surprise prend la parole.









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