Poupées russes

Je chiffonnais tranquillement mon passé. Et soudain, elles étaient là. Trois poupées russes. Parachutées. Impassibles. Lèvres rouges, sourire figé, yeux ronds, robes criardes. Trois poupées. A la croisée des temps. Présent, passé, futur. Trois poupées. Leur présence, comme une réponse à une question que je ne voulais plus poser.

Je songeais à les dégommer. Façon bowling. Strike ou une à une. Pourvu qu'elles volent en éclat.

Ou encore les emboîter. L'une dans l'autre. En prenant soin de glisser dans les entrailles de la plus petite, la petite vicieuse, une grenade colorée. Poum ! Feu d'artifice.

Ou sinon, les dézinguer. Poteau d'exécution. Leurs yeux grands ouverts. Insolentes. Qu'elles finissent en copeau de bois vernis.

Les découper en trois, en six, en douze. Rondelles de poupées russes. Anneaux de toutes tailles. Bons à brûler. Disperser leurs cendres.

Leur faire peur. Pour me venger, du mal dont elles me soulageaient en une seconde. Avec elles, côte à côte, corrélations de temps et d'aventures, lumière était faite, sur une diapositive oubliée, version grand écran.

Depuis qu'elles se tenaient devant moi, arrogantes, la légèreté m'avait envahie. Je n'avais plus d'excuse. Je les pris dans mes mains. Les contemplais un instant, les glissais dans mes poches vides. Et fis le premier pas vers demain.