Pour ton souvenir, ma jolie.

jjaji

Donne moi une chance, une chance d'être aimé. De chanter ta gloire et ta beauté au monde entier. De proclamer ta puissance et ta violence. Tu me déchires le coeur. La mort ne pardonne pas de telles erreurs, un malheur si grand, c'était pas l'heure. Ce ne le sera jamais, tu méritais la vie, je pensais que nous étions prêts a atteindre des sommets, a panser nos plaies. Ensemble, juste toi et moi, dans un cercle infini de voix, douces et fredonnant un air calme pour une fois. Une pause dans l'hémisphère Sud, une osmose des terres du nord. Toi et moi contre ciel et mer, toi et moi comme unique prière. Pourquoi tu t'es réfugiée sous une pierre tombale? Jamais je n'avais connu d'aussi pire funérailles, de la naissance aux balles perdues. C'était la faille de nos vies, une putain d'existence de chacals. Mais tu la menais haut la main, comme si t'avais pas peur de demain, comme si tu risquais rien. Tu t'emballais, tu déraillais, mais peu t'importait. Le plus tragique était le final, comme un coup de massue furtif. Crèves et tu seras heureuse, crèves et tu feras plus peureuse. Mais qu'est-ce qui t'as pris? Qu'est ce qu'il s'est passé dans ta petite tête pour que tu te mènes ainsi a la défaite? Je t'aimais moi, dans ces quartiers débraillés, dans ces restos dépouillés. T'as braqué mon cœur plus encore que ma banque. Tu voulais être riche, quittes a vivre dans une planque. Mais tu me manques. Malgré tes aires inaccessibles, tes phrases incompréhensibles et ton besoin impossible de vivre comme une reine dans une baraque de carton. C'est moi le troufion, ouais ouais, j'ai fais le con a pas être médecin, j'ai voulu être bon en écrivant des bouquins. Mais putain, la thune c'est pas l'amour ça. Tu le savais, mais tu faisais semblant que non, pour dire a jamais tu disais a bientôt, t'étais un amas de contradiction. Mis à part ce défaut qui me mettait a fleur de peau, tu étais d'une élégance, d'une puissance, d'une importance grandiose. Lorsque tu enfilais tes habits de nuit, que tu te cachais dans l'ombre de ta vie. Lorsque tu l'as pris, repris, mis et remis. Ta lassitude me foutait une migraine incessante et criante. Ton attitude était discrète ouais ouais tu réussissais tu déjouais tu menais. Tes trouvailles n'étaient pas banales. Mais honnêtement ma jolie, que faire d'un fauteuil de cuir dans notre maison en ruine? Croyais tu vraiment qu'après la brume viendrait le soleil? Et que toutes ces lumières fines deviendraient des puits dans lesquels viendraient se fondre le ciel? Croyais tu que ton bonheur pendait au bout de chaines en or? Des menottes ne sont-elles pas semblables lorsqu'on les porte, que l'on soit faible ou fort? Putain de monnaie. J'me souviens des sirènes, j'me croyais devant une arène. Tu étais le taureau, eux les boléros. J'ai pas pu bouger, j'etais cloué, de peur, et de confiance aussi. Je te voyais vagabonder, sans paniquer, comme ça, comme ci t'étais chez toi, comme si ils t'avaient prévenue qu'ils allaient arriver. Peu importe, je ne savais pas moi, alors je voulais pas y croire, je voulais juste te plaire mais pas que tu te retrouves face a ton miroir. Ce miroir qui t'a renvoyé une image immonde, de la petite rêveuse a la grande voleuse. T'étais si malheureuse. Tu le disais toi-même, tu te battais pour le bonheur dans la pourriture de notre monde. Tu n'avais pas tord, mais, ma chérie, quand le tonnerre gronde, crois-tu qu'il faille lui envoyer des éclairs? Je savais que tu n'avais pas toujours raison, mais de toute façon, la perfection ne pouvait pas être dans notre maison. Parfois quand même, je te voyais trembler, prête à pleurer, à tout envoyer valser. Pourtant tu te retenais, des frissons te parcouraient, et tu me renvoyais chier. Oui, tu avais une vie au delà de la nuit, une vie de fortune qui jouissait dans l'absence de la lune. Tu te faisais reine d'un palais de misères dont la lutte était ouvrière. Parfois tu me nommais roi d'un troupeau de mendiants, pour aller faire régner la paix dans ton royaume de poussières. Personne n'osait mettre de barrière à tes rêves, de peur de se bruler les doigts au feu de ta colère. Dans ce portrait tu peux passer pour une sorcière, mais tu étais une princesse née dans le tombeau de la pauvreté. Tu aimais la douceur et la tendresse, alors quand je les ai vu te lancer contre le mur, j'ai compris ton regard dur. N'importe qui aurait pensé que s'en était fini, sauf que tu étais bien loin de la lâcheté humaine. Malgré tes mains engourdies par les menottes, ton coeur détruit par leurs mots hargneux, tes joues violacées de coups, je voyais dans tes yeux que tu y croyais encore. Tu te battrais jusqu'à la mort, je le savais. Maintenant ma jolie, nous pouvons affirmer que le taureau ne s'échappe jamais vivant de la corrida, que le massacre ne se limite pas au pouvoir et à la loyauté. Tu pouvais pas pourrir au fond d'un trou aussi sale, derrière quatre barreaux d'acier. Cet endroit où il n'existe même plus de dignité. Je savais que tu allais partir, quittes à souffrir par la suite, tu allais partir. Mon amour, le soir de ton décès, tu n'étais pas une morte comme les autres. Même si les cadavres hantent nos nuits, si chaque jour est un enterrement pour une vie. La rue c'était un cimetière immense, une ruine de défaites. Je dis que ça l'était, parce que toi t'as pas fait comme les autres. Tu t'es pas laissé mourir les bras en croix, les regrets t'écrasant de leur poids, tu étais belle. Tu as voulu une fin de princesse, vêtue d'une belle robe longue et blanche, ton corps orné de bijoux et tes cheveux coiffés de diamants. C'était peut-être pas très glorieux de mourir en voleuse, au milieu d'une boutique luxueuse, mais au moins t'avais l'air heureuse. Avec ce petit sourire en coin, l'âme en paix et les mains pleines de monnaie, tu m'as quitté. La rue se souvient de toi, de ta vie défaillante. Personne n'a jamais compris pourquoi t'étais née dans la pauvreté. Le bon dieu avait du se tromper de panier, mais sans chercher, je dirai que ce monde tu l'avais désiré. Tu es partie trop tôt, mon ange, et la lueur de tes pas luit encore dans la nuit. Il manque seulement ton regard impitoyable sur nos baraques de carton, tes airs de décoratrice se baladant le long des égouts, il manque seulement ta volonté de rendre cette putain d'impasse magnifique. C'était peut-être un don que t'avait là, que personne n'a jamais su découvrir juste parce que tu tendais la main aux passants. Alors moi, maintenant que t'es plus là, je parle de toi. J'veux faire un livre, un film et même une chorégraphie du récit de ta vie. Juste pour prolonger ton rire dans la nuit, dans le cœur de ceux qui t'ont même pas donner une pièce. Parce que de toute façon, y'a rien à comprendre, la pointe dans la peau épaisse du taureau c'était la balle qui a transpercée ta poitrine. Les toreros, c'étaient les flics qui voulaient pas que tu te la joues fine. Ce coup ci, y'avait pas de spectateur à applaudir, mais je te le dis, on était tous autour de toi. On pleurait pas, on ne pouvait même pas tellement tu resplendissait, mais personne n'a rit. Le spectacle était fini, on a cru que t'allais t'envoler, rejoindre le soleil, pourtant tu restais clouée au sol. Chacun, sans même se le dire, avait dépensé l'argent de son pain du jour pour une rose. Une jolie fleur comme ça faisait longtemps que tu en rêvais. Pour finir, si j'oublie la tristesse qui m'inonde, je dirais juste que c'est con d'offrir des fleurs aux morts quand les vivants se permettent seulement de les désirer et que personne ne leur offre jamais.

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