préjudice

René Kalfon


Je me lève et j'entends un avocat. Il dit que lorsqu'une star mondiale qui vit et qui travaille en France dit, parlant de la France, « pays de merde », aucun citoyen français ne peut dire qu'il subit un préjudice.

Moi qui ne vous dirai pas ce que j'ai ressenti lorsque la star mondiale a tenu ces propos car tel n'est pas le mien, je tiens à dire ce que j'ai éprouvé en entendant cet avocat. J'ai éprouvé le sentiment ou plus exactement j'en ai déduit qu'on pouvait dire dès aujourd'hui n'importe quoi sur le pays de mes enfants ou faire n'importe quoi sur le tombeau de mes aïeux et se trouver un avocat pour dire : « Vous ne pouvez pas dire qu'il y a un préjudice ».

Et moi je me demande alors dans quel pays et dans quel monde je vis. Est-ce que je ne vis pas dans l'univers des avocats ? Est-ce qu'il ne me faut pas chercher un avocat qui plaide mon cas ? Celui d'un citoyen pour qui les mots, tous les mots ont un sens, et pas seulement les mots « pays de merde », un citoyen pour qui même le mot « préjudice » a un sens, un citoyen de France qui est dans la souffrance de vivre dans un monde où l'on abaisse le sens des mots dans le même temps que l'on rehausse les honoraires des avocats. 



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