Premier souvenir d'écriture

Je me souviens très clairement de la première fois où j'ai couché sur le papier des lignes dignes de moi, autres que ces salves de p, des q coincés entre deux rails, des m détestés, cousins faux frères des n, des k caca, des l plaqués au ras de la page et autres lettres solitaires répétées à l'infini comme des clones tristes. Ce que j'écrivis pour la toute première fois qui m'inspira vraiment, ce fut une bonne et belle rédac', bien besogneuse, celle que l'on rédige comme un tâcheron avec tous les clichés possibles pour faire plaisir à l'instituteur. C'était une de ces jolies rédactions au sujet marronnier : « le retour de l'automne;  décrivez vos sentiments à l'approche de cette saison. » En voiture, Simone pour le sujet bateau, rame comme tu peux et laisse toi porter par le courant. Mais vogue la galère ! Je me souviens très exactement de ma première phrase et de son gros trait rouge dessous comme une exécution sommaire. Je devais avoir neuf ans et ma tête lunaire n'en avait pas trop souffert:

"C'est l'automne, les pommiers sont en fleurs…"

La honte !  Si seulement j'avais pu lapsucé des pommiers en pleurs ! …