Présidence
arthurm
«Avancez ».
Une main sur mon épaule, presque tendre, m’indiqua la marche à suivre et, je l’espère, m’indiquerait également le moment où je devrais m’arrêter. Le bandeau couvrant mes yeux depuis maintenant près de deux heures me posait toujours problème, surtout à cause de la transpiration, d’abord absorbée mais qui maintenant me collait les yeux douloureusement. J’avais beau m’escrimer à cligner en permanence, la saveur salée que je connaissais si bien me brulait. On m’arrêta dans ce que je supposais être un cercle de lumière, parce qu’en plus de la douleur je ressentais une impression de clarté différente de tout à l’heure.
Lorsque l’on est aveuglé, la moindre des perceptions fait figure dans votre esprit. Ce report systématique à la vue vous aveugle, finalement. Ce que vous sentez, ressentez, entendez a besoin dans votre esprit d’une géolocalisation visuelle. L’image ainsi formée dans votre tête, vous respirez mieux. Pourtant des fois, il vaudrait mieux ne pas voir.
« Atteindre la lumière est le chemin de toute une vie, et le compas formé par vos jambes à la surface de la terre vous ont conduit ici, apprenti. »
Mon cœur palpite, il s’excite, que je crois, alors qu’il alimente surtout et mon cerveau pour toujours se représenter d’où et quand j’ai pu entendre cette voix, à quelle distance de moi elle se trouve, qui potentiellement assiste à cet avènement, où diable est cette main, jadis si tendre, qui m’a accompagnée. Il alimente aussi mon corps, le sur-oxygène, pour ne pas s’évanouir.
« ..de toute une génération, l’élite, la quintessence, l’ordre naturel ! Et maintenant, jouvenceau, à genoux, et suce ma bite bâtard ! »
j’ai du rater un chapitre.
La main si tendre, la revoilà, pressant mon épaule, accompagnée d’une pointe de pieds dans l’articulation de mon genou, me faisant plier jambe, corps et âme. Cette main tendre, si tendre, qui me prend la gorge maintenant et me force à ouvrir la bouche, mon corps tétanisé, et me pousse en avant par surprise contre un membre turgescent, dur comme le bois d’olivier, et me retient prisonnier, l’animal en fond de gorge. J’ai mal. Je suffoque. La main si tendre fait pression et me retient. Je me débats. Je rote, l’estomac au bord des amygdales. Je pleure bordel. Je m’étouffe et mes mains battent l’air frénétiquement pendant que ma gorge salive et coule sur ce sexe de bois. Je contiens je ne sais comment un premier relent. La main si tendre m’enfonce encore plus. Je vomis. La main si tendre se relâche, mon bandeau se relève. On m’ovationne. Je frissonne et ma gorge est en flammes. À travers mes yeux mouillés, je contemple le crucifix du Christ, doté de son viril engin, sur lequel ma bave et le contenu de mon estomac brillent sous la lumière. Les yeux écarquillés, pris en flagrant délit de pipe au fils de dieu, je m’incline et je prie.
« Te voilà, frère, parmi nous. Toi qui naquit animal pour t’élever au dessus de l’humain, toi qui par ton parcours a trouvé la lumière et qui sous la contrainte brisa l’offense faite à dieux en lui donnant ton amour et plus encore, tu te trouves parmi nous, tes semblables, pour offrir à la société un chemin qu’elle ignore encore. Leader parmi les leaders, tu te feras singe quand il le faudra, sans jamais t’égarer, tu te feras pêcheur, et tu pêcheras, pour le salut des âmes. Tu traiteras de crétin s’il le faut celui qui te parlera mal, de pauvre con, tu lui diras casse-toi, mais jamais, non jamais, tu ne nuiras à l’ordre établi. Il te faudra endurer des souffrances, comparé à la joie que tu as eu d’embrasser le Christ. Mais jamais non jamais tu ne nuiras à l’ordre. Nous te conseillerons et te sanctionneront si besoin est. Relève-toi à présent, mon frère, mon âme, mon corps, ma joie, et vit avec nous ce moment présent, toi qui revêt dès l’heure l’habit des templiers, des gardiens, et assiste avec nous à la chute du pays France, peuple perverti sous les étoiles, comme le furent Sodome et Rome avant elle. Comme le fut Jerusalem et comme toutes finirent détruites par le feu. Viens, mon fils, rejoins et embrasse l’ordre. »
La main tendre, si tendre, revenue d’entre les morts, me prit l’épaule et me releva par la force la pensée. Je faisais partie des leurs. Je pourrais assister en spectateur, en acteur de part mon rôle, à la chute du pays qui pourtant m’avait tout donné, tant d’amour, de compassion, tant d’exemple à suivre de part le monde dans ses systèmes sociaux du moins sur le papier.
Je ne mérite pas tout ça, me dis-je, mais je peux le faire, et même aller au delà de leurs espérances. Je peux casser tout le système. Pourvu qu’ils ne me sanctionnent pas. (Paris, 2007)
Dommage que tu aies mis tous tes textes en une fois. Je trouve que c'est mieux de les mettre par petite dose comme ça tu peux fidéliser les gens à ton univers.
· Il y a plus de 11 ans ·Autrement c'est bien écrit mais je n'ai pas le courage de tous les lire en une fois :/
bis