Promenade tranquille

jone-kenzo

Tout à l’heure je me suis assise sur un tronc d’arbre coupé. Je connaissais bien cet arbre sur lequel j’étais. C’était un saule pleureur, je l’ai parfois dessiné. Avant de me poser, je lui ai demandé si ça ne le dérangeait pas trop. Je me disais que les hommes étaient ingrats. Pauvre saule, je ne sais pas ce qui t’est arrivé, tu étais peut être malade, on t’a laissé devant l’étang. Je viendrais te rendre visite encore. Tu me rappelles mon cerisier. Je regardais autour de moi, mes bottes tapaient le vent, mon feutre que j’ai depuis six ans flottait fortement. Je tournais mon visage, des mèches battaient à tout rompre. Mon cœur n’en était pas jaloux.Je tenais un sachet de super marché. Drôle de contraste. Des jeunes filles faisaient un footing éreintant. Les joues rouges, les mains prêtes à lâcher leur bouteille d’eau. Elles s’encourageaient mutuellement, ayant l’air de faire de gros efforts mais de s’amuser. Je les enviais un peu. J’avais moi aussi envie de courir avec quelqu’un, et de rigoler ensembles en nous voyant si essoufflées et rouges comme des écrevisses. Puis j’ai vu une vieille dame habillée sport. Elle marchait d’un pas un peu hirsute, les bras se balançant, bien décidée à en découdre avec sa promenade. Je l’ai presque immédiatement reconnue. Je ne suis pas sure qu’elle soit française. Souvent quand je contemple les eaux et que je vois passer des personnes, je me dis toujours: «  pourquoi ne pas s’adresser la parole ?  ». Un jour que j’étais assise et que je mettais encore sur le papier un saule pleureur, cette dame s’est arrêtée à ma hauteur. Elle m’a demandé si ça ne me dérangeait pas qu’elle regarde mon carnet. J’étais surprise; toute l’après midi je pensais que des jeunes gens m’aborderaient plus facilement. Je lui ai répondu que non, ça ne me dérangeais pas. En mon fort intérieur j’étais d’ailleurs très heureuse de cette rencontre inopinée. Elle a regardé sans commenter, m’a dit merci, puis est partie sans plus de cérémonies. J’étais contente de voir qu’elle n’avait pas perdu son entrain en l’apercevant déambuler vaillamment.  Je me dis souvent que l’on devrait plus s’adresser la parole entre étrangers. Depuis quand les êtres humains sont-ils devenus si distants les uns des autres ? Je regrette d’être si timide, mais comme cela me rend un peu muette j’ai tout de même eu une chance. Dans ce monde urbain ou tout va si vite, j’attends devant le rivage. Alors de temps en temps, au milieu de cet endroit paradoxal, entre nature et route pleine de voiture, je me sens reliée à mes semblables, à ce qui m’entoure, aux saules pleureurs. Alors je suis émue. 

Tout à l’heure je me suis assise sur un tronc d’arbre coupé. Je connaissais bien cet arbre sur lequel j’étais. C’était un saule pleureur, je l’ai parfois dessiné. Avant de me poser, je lui ai demandé si ça ne le dérangeait pas trop. Je me disais que les hommes étaient ingrats. Pauvre saule, je ne sais pas ce qui t’est arrivé, tu étais peut être malade, on t’a laissé devant l’étang. Je viendrais te rendre visite encore. Tu me rappelles mon cerisier. Je regardais autour de moi, mes bottes tapaient le vent, mon feutre que j’ai depuis six ans flottait fortement. Je tournais mon visage, des mèches battaient à tout rompre. Mon cœur n’en était pas jaloux.


Je tenais un sachet de super marché. Drôle de contraste. Des jeunes filles faisaient un footing éreintant. Les joues rouges, les mains prêtes à lâcher leur bouteille d’eau. Elles s’encourageaient mutuellement, ayant l’air de faire de gros efforts mais de s’amuser. Je les enviais un peu. J’avais moi aussi envie de courir avec quelqu’un, et de rigoler ensembles en nous voyant si essoufflées et rouges comme des écrevisses. 


Puis j’ai vu une vieille dame habillée sport. Elle marchait d’un pas un peu hirsute, les bras se balançant, bien décidée à en découdre avec sa promenade. Je l’ai presque immédiatement reconnue. Je ne suis pas sure qu’elle soit française. Souvent quand je contemple les eaux et que je vois passer des personnes, je me dis toujours: «  pourquoi ne pas s’adresser la parole ?  ».

Un jour que j’étais assise et que je mettais encore sur le papier un saule pleureur, cette dame s’est arrêtée à ma hauteur. Elle m’a demandé si ça ne me dérangeait pas qu’elle regarde mon carnet. J’étais surprise; toute l’après midi je pensais que des jeunes gens m’aborderaient plus facilement. Je lui ai répondu que non, ça ne me dérangeais pas. En mon fort intérieur j’étais d’ailleurs très heureuse de cette rencontre inopinée. Elle a regardé sans commenter, m’a dit merci, puis est partie sans plus de cérémonies. J’étais contente de voir qu’elle n’avait pas perdu son entrain en l’apercevant déambuler vaillamment.  


Je me dis souvent que l’on devrait plus s’adresser la parole entre étrangers. Depuis quand les êtres humains sont-ils devenus si distants les uns des autres ? Je regrette d’être si timide, mais comme cela me rend un peu muette j’ai tout de même eu une chance. Dans ce monde urbain ou tout va si vite, j’attends devant le rivage.  De temps en temps, au milieu de cet endroit paradoxal, entre nature et route pleine de voiture, je me sens reliée à mes semblables, à ce qui m’entoure, aux saules pleureurs.Alors je suis émue.

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