PROVIDENCE (deuxième partie et fin)

mysterieuse

« La solitude, on croit en jouir pleinement. Et puis à la longue on déchante, ça suffit, on se rend compte qu'à nouveau on a envie d'affection, de partage. »

Annie Saumont

Assembler ce qui est épars…pour un désordre émotionnel ! Ils désunissaient, dans un seul et profond baiser, les débris amoureux de leur mémoire respective. Sans le savoir, Isabella arrachait, de sa langue intensément enroulée à celle de Providence, la violence d'une rupture consommée, mais non encore diluée. Elle trouvait son écho dans ce baiser sauvagement distillé, un écho dont elle avait égaré les sonorités. Les brulures fiévreuses de cet échange humide ne laissaient plus aucune place aux sentiments. L'émotion s'avérait purement charnelle et totalement incontrôlable. La fantaisie s'invitait pourtant à la dégustation. Isabella, entre deux inspirations haletantes, ajoutait du rire aux bouches accouplées. Le jeune homme entamait, avec une intense émotion, l'effeuillage d'Isabella. Elle laissait les mains de Providence la parcourir. La fébrilité dont il témoignait dans la découverte de ses lignes féminines, présageait pourtant d'une certaine pudeur, ou peut-être songeait-elle, au mieux, d'une part féminine dans l'approche de la sexualité. Aurait-elle enfin trouvé un garçon à la sensualité sous-jacente, un garçon capable et coupable de patience, apte à transformer le sexe en érotisme ?

L'enjeu, si enjeu il y avait, était-il de le mener dans les dédalles de ses aires de jeu ? Elle aimait guider ses amants, accompagner leurs gestes et leurs audaces. Elle aimait les conduire à l'aplomb des précipices virtuels de son plaisir, leur apprendre à les maintenir en équilibre avant de les laisser plonger dans le vide abyssal de ses délices.

Mais elle laissait sa chance à l'inspiration de ce garçon providentiel, non sans lui faire remarquer timidement, qu'elle aurait parié avoir vu de la lumière dans l'appartement d'en face présupposé inhabité.

Il ne tenait aucun cas de sa remarque et continuait avec application, à découvrir, le corps fiévreux de sa compagne. Ses lèvres épousaient à merveille chaque courbe dévoilée au fur et à mesure de leur dépouillement. Il trouvait fort à son goût la saveur et la texture satinée de cette peau parfumée de désir et d'audace. Mais il aimait aussi cette silhouette juste vêtue de l'élégance d'un corset et d'une dentelle transparente. La lumière blafarde et les ombres portées rajoutaient au sensuel de la situation une note mystérieuse troublante. La clandestinité d'un supposé voisin pimentait l'atmosphère ambiante déjà bien épicée. Isabella se laissait désorienter par le regard inquisiteur dont son diable d'invité l'accablait.De son index tournoyant mollement pointé vers le ciel, il l'invitait à l'exhibition.

« Montre, montre-moi, montre-nous comme tu es belle et désirable !

-Nous…je n'ai pas rêvé donc, tu as bien vu de la lumière en face !

-Je ne sais pas …mais avoue, tu aimes bien, tu n'es pas contre ! Montre-moi, explique-lui ton désir de ta silhouette, de ta féminité …Ton petit cul, ta cambrure …ta taille si fine …

-Mais !

-Fais le …pour moi ! »

Elle s'était inexplicablement laissée déborder par cette invitation insolite. Avec la complicité de la musique ambiante, Isabella improvisait un ballet solitaire, une sorte d'ode à la féminité pour une incantation à la fébrilité. Providence était-il Satan revêtu sommairement de l'enveloppe charnelle d'un jeune homme séduisant ? Son univers ne devenait soudainement que feu et flamme, diabolique et tendrement sadique ! N'avait-elle songé souvent à faire l'amour avec deux amants concupiscents ? L'occasion était à sa portée, ne serait-ce que qu'un fantasme transcendé par la lueur dont elle était certaine dans l'appartement inhabité !

Providence, du recul dans son regard, enrobait d'un panoramique sensuel, l'évolution évocatrice de sa déroutante partenaire.

Dans un désir de collusion, il laissait s'exprimer ses talents séducteurs :

« Tu es très belle lorsque tu danses ! Tu es juste belle parce que tu donnes l'impression de danser juste pour toi, comme si tu étais seule. Je suis sûre que tu danses seule comme cela dans ton appartement »

Cette dernière remarque intriguait Isabella ! Avait-il de dons de voyance, ou bien de …voyeur ?

Elle ne laissait rien paraitre de son trouble et poursuivait sa parade de séduction ! Elle harmonisait connivence silencieuse et sensualité discrète, sans ostentation. Son corps ondulait doucement, épousant chaque note de musique, telle un roseau mouvant dans le souffle d'un mistral puissant. Providence essayait de capter son regard, d'en saisir le trouble qu'il lui inspirait. Puis il la caressait de ses yeux, tendresse et douceur au bord de ses paupières, le désir en toile de fond de ses pensées.

 Le parfum capiteux d'Isabella lui parvenait en vagues successives à chacune de ses prouesses sensuelles. Le jeu d'Isabella aurait pu ainsi durer longtemps tant le spectacle qu'elle offrait à Providence ressemblait à de l'envoutement. Mais celui -ci se laissait rattraper par ses instincts de prédateur. N'y tenant plus, captif de sa virilité, il stoppait violemment la voluptueuse mise en scène de la diabolique. De sa bouche carnassière, son souffle animal au bord des lèvres, il mordillait avec avidité la nuque gracile de Isabella, qui ne résistait pas à l'attaque surprise de son invité. Proie docile et délicieusement lascive, elle se laissait malmener par cette bouche affamée tout autant que par ces mains friponnes qui la défaisaient avec dextérité de son balconnet. Les seins libérés de leur carcan, la taille encore prisonnière de la guêpière, Isabella n'en était que plus cruellement désirable. Ne serait-ce que les quelques grammes qui voilaient encore le cœur de son intimité, elle offrait à l'œil averti de Providence l'impudeur sensuelle d'une femme en désir. Les quelques grammes en trop roulaient sous l'agilité des doigts d'Isabella. L'invite n'était plus séductrice. Plus qu'une invitation. Son comportement ne laissait la place à aucune équivoque possible. Dans un jeu d'ombre et de lumière, Providence découvrait le voilé, dévoilé d'un sexe glabre délicieusement dessiné. Ses pas l'avaient merveilleusement guidé vers l'amour fait femme. Elle était amante à savourer, courbes à dévorer, plaisir à multiplier .la nuit serait longue et sensuelle.

Mais à quel moment, allait-il lui avouer qu'il n'était autre que son nouveau voisin. Oui, Isabella avait bien vu de la lumière dans l'appartement d'en face.

Comment résister au ballet dont elle l'avait honoré à son insu ! Il l'avait observée depuis son canapé, mateur fou et incontrôlé. Il n'avait réfléchi bien longtemps ! Il était retourné à sa boutique, avait composé un magnifique bouquet, posé sa carte : Axel !

Il avait confié la suite à son destin ! Dans la pénombre de la pièce enveloppée d'un érotisme sensoriel, il s'apprêtait à butiner une autre fleur, dans les vapeurs d'alcool et les notes épicées de la musique complice !

Entre deux baisers, deux caresses buccales, deux morsures amoureuses, deux succions prometteuses, il osait…

« Je m'appelle Axel, je suis ton nouveau voisin, je suis le nouveau fleuriste …Me pardonneras-tu ?

-J'aime les audacieux ! Je m'appelle Isabella, et j'ai envie que tu me baises Axel »

Sur ces mots, comme une proie servile, elle l'entrainait dans sa tanière …

« Demain est le futur d'aujourd'hui, demain est un mystère ...alors vivement demain, et nous verrons bien si je te pardonne ou pas »

 

 

 

 

   

 

 

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