(Psycho 46) L’homéostasie

Hervé Lénervé

Il devient temps que je retrouve un peu de sérieux. Donc, je remets ma blouse blanche, oui, ok, un peu grise à présent, de scientifique et je vais vous parler des seuils perceptifs.

La fourchette… non, pas cette fourche miniature qui sert dans les repas et accessoirement dans les scènes de ménage, mais l'écart qu'il existe entre deux perceptions. Nos sens sont des outils pour capter le Monde extérieur. Pour la vue, l'œil est un objectif, le cerveau regarde. Alors que l'ouïe est une dynastie de rois de France qui se termina avec l'Ouie XVI. Pour le toucher… tient, arrêtons-nous, donc, sur le toucher.

Des neurones perceptifs captent des stimuli et les envoient à la moelle épinière, qui étant une grosse feignasse par nature & découverte, les refile direct au cerveau, en prétextant qu'elle est overbookée, non, mais, alors, je suis une femme d'affaire, moi, merde ! Oui… Vendez !

Introduisons notre sujet, qui est pour mémoire, pas un cobaye, mais la notion de « fourchette » et qui n'a pas été traitée pour la vue, car comme tout le monde le sait, une fourchette dans l'œil, ça ne fait que rarement plaisir, à moins d'être, comme on dit dans notre jargon d'hommes de sciences, « complètement grave  barré ! »

Donc, une petite expérience sympa à faire entre amis pendant que vous en avez encore. Prenez un compas muni de deux pointes. Demandez à un(e) ami(e) confiant(e) ou naïf(vette) au choix, ou encore en mieux, un(e) amoureux(se) fou(fofolle) de vous… de fermer les yeux et de vous tendre le dessus d'une de ses mains. Donnez-lui la consigne de vous dire ce qu'il (elle) ressent sur sa main. En écartant assez les branches du compas, piquez lui la peau. Il (elle) vous dira « aie ! » Certes, mais après s'il (elle) n'est pas rancunier(e), mais honnête (peu probable). Enfin, il (aile) vous dira ; «  je ressens deux piqûres ». Diminuez l'écartement jusqu'à qu'il (elle) puisse dire « je sens une piqûre ». Il (elle) peut, alors, ouvrir les yeux, à présent et constater par lui (elle)-même que les pointes sont encore assez écartées, de deux à six millimètres, selon son idiosyncrasie. « Eh, toi-même, l'autre ! » Puis constatez, également, que le dessus de sa main est parcellé de points rouges sang et qu'il (elle) n'a plus qu'à se désinfecter urgemment, s'ils veulent, lui et elle, éviter l'amputation… trop tard pour eux ! Dommage, c'est ballot !

Voilà, CQFD, les écarts perceptifs introduisent la notion de seuils. Notre perception fonctionne ainsi, mais notre métabolisme aussi, décidément, il n'en rate pas une, celui-là ! Chaque cellule tend vers un point d'équilibre, où elle se sent dans une zone de confort. Bon, il est vrai que la cellule ne sent pas grand-chose par elle-même, c'est, donc encore au cerveau de lui souffler et ça c'n'est pas beau, mais comme le cerveau n'a pas de maîtresse, il s'en fout !

« Ça fait trois mois que je n'ai rien mangé. Putain ! j'ai grand faim ! » Je me jette sur un sanglier et le mange en entier jusqu'à la queue, non pas celle-là, bande d'obsédés. « Putain ! J'ai trop bouffé, moi, je ne suis pas bien, mais pas bien du tout. » J'ai dépassé le seuil de satiété pour arriver dans le seuil du « trop bouffé ». Je dois aller vomir.

En fait en biologie, le vivant fonctionnerait dans cet état d'équilibre à approcher, l'homéostasie est fonctionnelle et hormonale par une rétroaction à pédale entre le cerveau et les organes. Le soma envoie des demandes à l'esprit, mais pas celui qui est saint, l'autre le malade, le cerveau, quoi ! Il y répond et le soma dit : « c'est bon j'ai reçu, laisse tomber, n'envoie plus rien je vais dépasser le seuil ! »

Cette notion d'homéostasie est même sortie du biologique pour contaminer d'autres disciplines, telle la psychanalyse qui avait tendance à choper tous les virus en transit.

Je l'ai déjà dit, donc je le répète, le fonctionnement psychique pour Freud est une fiction sans corrélation aucune avec une réalité métabolique. Il l'a nommé lui-même, ce n'est pas moi qui médis, « parapsychologie » du nom d'un de ces chiens qu'il avait beaucoup aimé aux temps chauds. Les instances qui cohabitent dans notre caboche sont en conflit permanent. Le refoulé voudrait bien gagner un peu de notoriété et être reconnu du conscient pour ces mérites, mais justement, s'il a été refoulé, c'est parce qu'on ne voulait plus de lui, ici, donc il essaie de remonter à la conscience, mais cette bonne vieille censure veille et lui interdit le passage, il n'est pas en règle, il n'a pas les bons papiers. Les efforts qu'il fait pour briller sous les projecteurs et les efforts que fait le Moi pour l'en empêcher sont énergivores et le patient est constamment épuisé et pour une fois ce n'est peut-être pas entièrement à cause de sa femme.

Mais tant que l'équilibre est maintenu, c'est bon ! Ouf, pas de symptômes, nickel ! S'il est rompu, ça se gâte ! Et le névrosé sans séquelle, va se retrouver, le névrosé avec emmerdes au quotidien, hystérie d'angoisse, névrose obsessionnelle, paranoïa en si bémol et on en passe.

Même le névrosé sain (sans symptôme invalidant qui lui pourri ses dimanches et jours fériés), en gros nous, enfin surtout moi, car je ne vous connais pas assez pour oser tenter un diagnostic. Donc le mec normal, lambda, ordinaire, chiant en gros, tente, sans cesse et même incessamment, dans sa vie de conserver cet état d'équilibre. Là, je ne parle pas de ce qui se passe dans son corps et dont auquel, il n'a aucun regard, d'ailleurs. Mais de ce qui se joue dans son ménage, dans son boulot, dans  ses vacances, dans sa cave, dans sa niche, bref dans tous les domaines où nous jouons notre vie, non pas aux dés, mais dans des jeux de rôles, rôle du père, rôle de la mère, rôle de l'employé(e) modèle, rôle de l'amant(e), drôle de dames. Enfin, tous les rôles qu'il est donné à une seule personne de pratiquer à ces heures perdues… pourquoi perdues ? C'est dégueulasse de dire perdues ! C'est humiliant et vexant pour le sujet, indigne de… OK, OC ! Je retire… à ces heures occupées, voilà !

Par sa formation de médecin, le vilain petit Sigmund avait une herméneutique scientifique, même s'il voulait rompre avec la médecine de son époque.

Le sujet était bien trop large pour que je m'en tire honorablement, donc je préfère me tirer ailleurs sénégalais et vous laissez finir tous seuls !  Bisous !

Si la psycho vous intéresse encore après un tel exposé, je vous conseillerai de lire des bouquins techniques sur le sujet, vous allez adorer ! :o))

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