Puisque
Jo Todaro
Si le monde est fou en ce maudit jour d'automne
Puisqu'est venu le temps du tocsin qui résonne
Puisque le soleil voit que j'ai honte d'être un homme
Puisque la lune sait que je n'en suis plus fier
Puisqu'après l'armistice revient déjà la guerre
Puisque j'aurai voulu mourir l'année dernière
Puisqu'il ne suffit plus de chanter « Imagine »
En refermant les yeux sur notre monde en ruine
Puisque tu sais très bien que ne suffiront pas
Des pancartes brandies tout au bout de nos doigts
Puisqu'il ne suffit plus de proclamer « Je suis… »
Puisqu'il nous faut survivre aux temps de barbarie
Je te tends les deux mains Ô France
Avec nos mêmes différences
Et nos blessures qui se ressemblent
Et nos allures de vieux qui tremblent
Puisqu'est passé l'été, puisque voilà l'hiver
Et le vent parfumé d'un extrait de colère
Puisque mes genoux tremblent et ne me portent plus
Et puisque mes amours sont mortes aux coins des rues
Puisqu'enfin il y a vous en qui je crois encore
Vous mes frères, vous mes sœurs, qui n'êtes pas encore morts
Puisqu'il ne reste rien que des mots, un slogan
Frappé à chaud sur quelques pièces d'or et d'argent
Oubliée liberté, tuée égalité !
Il nous reste les cendres de la fraternité
Un doux nuage, une brume que je t'offre en partage
Un voile pudique jeté sur autant de carnages
Je te tends les deux mains Ô France
Avec nos mêmes différences
Laissons couler nos mêmes larmes
Sur le théâtre de ces drames
Puisque j'y suis contraint, j'ose enfin t'implorer
Je t'en prie Ô Marianne, daigne enfin m'embrasser
Offre-moi tes joues roses et tes lèvres charnues
Offre-moi ta tendresse que je croyais perdue
Viens marcher avec nous, nous montrer le chemin
Apprends à tes enfants à se donner la main
Puisque nous sommes, encore, encore pas vraiment morts
Puisque nous sommes, encore, tous encore assez forts
Pour repeindre de blanc les corbeaux sur nos têtes
Pour en faire des colombes ou à défaut des mouettes
Puisque rien ne pourra, fous d'Bassan ou bien fous
Nous arracher les bras ou nous mettre à genoux
Je te tends les deux mains Ô France
Avec nos mêmes différences
Et nos portraits de faux jumeaux
Et nos idées hissées si haut
Je te tends les deux mains Ô France
Avec nos mêmes différences
Que l'on dise Peace, Mir ou bien Paix
Je crois bien qu'un jour il faudrait…
Un texte superbe, émouvant ...Tenons-nous tous la main, amis de plume et d'ailleurs ...
· Il y a presque 9 ans ·Louve