Quai F

uris

En attendant que mes amis reviennent, j'observais cette fille de l'autre côté des rails en train de fumer, adossée au panneau d'information. Elle est brune, les cheveux plutôt longs, décoiffés. Je crois qu'elle a les yeux bleus. Son front est suant, elle est maigre, pâle, belle. Avec mon casque sur les oreilles, j'avais l'impression d'être invisible. Le bourdonnement de la vie m'était étranger pour quelques instants, j'avançais vers elle. Cela faisait bientôt vingt minutes que mes amis étaient partis, et vingt minutes que moi j'attendais, le soleil dans la gueule, transpirant des aisselles, des pieds, du dos. D'habitude, je déteste parler aux inconnus, je préfère observer dans mon coin et me faire une idée d'eux sans avoir à leur causer. Leur salive n'apporte bien souvent que déception. Mais là, merde, l'intrigue est trop forte. Je veux qu'elle me regarde, qu'elle me parle, qu'elle s'adresse à moi et que jamais, je ne sorte de sa tête.

"T'as du feu?", trop banal. "On t'as déjà dit...", c'est pire. 

- "Tu peux venir t'asseoir si tu veux, désolé je squatte la seule place à l'ombre", dit-elle simplement.

Sans le savoir, elle avait évité un bain de sans. Sans originalité, sans humour, sans réponse. Désormais, la partie était lancée. Chapitre 1 : "la prise de contact", avec à l'horizon le boss du premier niveau, et pas des moindre: "garder le contact".

- "C'est gentil. Mon corps et ma sueur commençaient à entrer en conflit. Moi c'est Leon. Je ne t'ai jamais vu dans le coin, tu es d'où ?
- Déborah, lâcha-t-elle en même temps qu'un sourire. Et quel sourire ! Ses dents n'étaient ni parfaitement blanches, ni parfaitement alignées, mais les muscles de ses joues établissaient la rencontre entre ses pommettes et les plis de ses yeux curieux, formant une délicieuse fossette au coin de l'œil droit. Alors, votre regard était guidé de son sourire à son regard. J'viens de Strasbourg. J'en déduis que toi t'es du coin. Le centre est sympa mais putain, à certains endroits on dirait que les allemands sont partis y a une heure... T'as pas cette impression toi ?

- Il y a des coins tristes, c'est sûr. Je suis là que depuis un an, et je compte pas y rester. Les gens sont pas méchants, mais quand même sacrément méfiants. C'est peut-être de là que te vient cette impression.
- Je suis bien contente de partir d'ici en tout cas. Je rentre chez moi… Enfin chez ma mère.

- Chez ta mère c'est pas chez toi ?

- C'est en tout cas ce que j'ai retenu de la dernière discussion que j'ai eu avec elle. Mais je suis encore sa fille, ça lui reviendra devant le fait accompli.

- Ça sonne compliqué tout ça… Nous on part dans le Sud pour le weekend ; tentes, bières, sans prise de tête. Ça te dit de nous suivre ? Ça ne sera pas chez nous, donc on ne pourra pas te dire que ce n'est pas chez toi.

- Tu dis « nous », mais je ne vois que toi, Leon.

Mon nom caressait ses lèvres et des frissons parcouraient mon corps. La sensation que l'on ressent lorsque quelqu'un que l'on convoite semble s'intéresser à nous.

- Mes amis sont partis acheter des glaces. 

***

- Je vais aller m'acheter des clopes. Tu m'accordes ce temps de réflexion ?

- Notre train est à 16h07, je jetterai un œil avant de monter.

- Peut-être à tout à l'heure.

- A tout à l'heure Deborah. »

- « Leon, bouges, on va devoir rester debout tout le trajet si tu mets 20ans à monter…Je demande qu'une chose, poser mon cul et pioncer !

- Ça va, ça va… Je suis là. Laisses moi la fenêtre connard.»

  • ''le bain de sans''.superbe.

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    enzogrimaldi7

    • 9 fois sur 10 c'est le ''bain de sans'' et quand ça ne l'est pas, c'est à chaque fois une victoire sur le néant. Ceci dit éviter le ''bain de sans'' ne suffit pas. Encore faut il conclure.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      enzogrimaldi7

    • Mais je crois qu'essayer de l'éviter est le meilleur moyen de s'y baigner.. Exactement, une idée qui m'inspire d'autres écrits

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Scan 9

      uris

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