Quand l'heure du réveil sonne

mat_lartnak

Si j'avais 3 minutes, seulement 3 minutes, à peine 3 minutes

Je me serais réfugié dans l'absence

pour souffler un moment.

J'aurais regardé les poissons-dune

voguer sur leur désert de sable,

fermé les yeux pour ne pas m'endormir

quand le marchand passerait.

Et puis, empoisonné des vers d'étoile-absinthe,

j'aurais fait vœux de silence.

J'aurais prêté l'oreille à l'écho, des passants, de leurs pas ;

aux cœurs battant au cœur du brouhaha.

J'aurais plongé tout palpitant dans cette mise en abîme.

En attendant Godot, j'aurais pensé à Ubu roi,

recoiffé mes cheveux-pissenlit posés sur mon crâne en jachère

et pensé à la Cantatrice Chauve qui n'a pas eu cette chance.

J'aurais laissé longtemps les mots tambouriner derrière la porte close.

Et enfin j'aurais ouvert d'un grand geste,

les laissant s'échapper en de longues traînées,

une bousculade de non-sens

flottant dans l'absurde bouillon.


Si j'avais 2 minutes, juste 2 minutes , rien que 2 minutes

j'aurais dit quelques mots et pris mon temps.

J'aurais pu oublier la piqûre de l'aiguille,

la morsure du serpent, son rythme lancinant,

J'aurais retrouvé le charmeur

et j'aurais pensé à Shere Khan, à Kaa

et à Caïn et Canaan,

aux trahisons, aux doux moments,  

et puis à toi, jusqu'à en oublier le temps.

J'aurais peut-être même oublié le reste

et mordu à pleines dents dans l'urgence,

me souvenant du goût des tomates juteuses et du cacao amer.

Et j'aurais vu sur ton vêtement cette tache près du cœur

et des larmes guider l'électricité à nos yeux,

l'excentricité de nous deux, et des larmes de joie, et des larmes de joie..

J'aurais vu filer des étoiles à travers tes canaux salins,

Traverser ta prunelle d'un écho cristallin

et retomber, pluie d'étincelles,

sur cette tache près du cœur

que je n'avais pas remarqué.


Si j'avais 1 minute, encore 1 minute, 1 minute

j'aurais aboli toutes frontières,

effacé ces lignes qui nous séparent,

qui nous limitent et nous abîment.

J'aurais laissé ma chair s'étendre

pour une douce étreinte,

tout contre toi, ma chère et tendre.

Près de ta bouche, j'aurais humé nos souvenirs,

saisi des bouts de toi flottant comme des fantômes du vent

et vu jaillir des émeraudes de la commissure de tes lèvres.

J'en aurais ramassé quelques-unes

pour les garder tout au fond de mes poches,

pour te sentir encore toute proche quand il sera le moment de partir.

J'aurais jeté un regard dans l'absolu et un autre en théorie

et je serai revenu à toi. Alors, comme Robinson,

j'aurais glissé dans le trou noir de ta pupille jusqu'à ton âme nue

pour la serrer dans mes bras, sentir sa chair, ses os et son éther.

Et puis je serais resté au fond de cette grotte aussi longtemps que possible,

dans cet air saturé de pensées potentielles.

J'aurais tout fait pour arrêter le temps.


Mais il est trop tard maintenant

Le temps m'a rattrapé

Je dois partir travailler


  • J'aurais vu filer des étoiles à travers tes canaux salins,

    Traverser ta prunelle d'un écho cristallin

    et retomber, pluie d'étincelles,

    sur cette tache près du cœur

    que je n'avais pas remarqué.


    J'aime!!

    · Il y a environ 10 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

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