Quel « international » pour les peuples autochtones ?

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Sur quelles bases peuvent s’établir la solidarité transnationale avec les revendications autochtones? Quelles devraient être les limites de cette solidarité?

« Marginalisés politiquement, économiquement et culturellement par les évènements historiques qu'ils ont subis [conquêtes, guerres, spoliations de leurs territoires et de leurs ressources, atteintes à leur vision du monde par des conversions forcées], ces peuples ne sont pas partie prenante de ces États, dont les lois et les institutions leur demeurent étrangères, dont ils ne comprennent souvent ni la langue ni les mœurs, dont ils ne partagent pas les croyances et les systèmes de valeurs.» (Bellier ). Cette citation résume parfaitement le pourquoi des revendications dites autochtones sur la scène internationale aujourd'hui. Dépossédés de leur histoire et par l'Histoire, marginalisés en tout points et dépourvus pendant longtemps d'un auditoire, les premières nations s'organisent et développent des mouvements de revendications et de contestations.

Imbriqués dans un monde post-colonial au sein duquel de nombreuses voix se font les pourfendeurs du système en place et tentent de rénover le système en mettant en avant leurs plans d'actions, les militants autochtones se saisissent de l'opportunité afin d'influencer les politiques publiques par leurs points de vue. De plus les revendications des peuples autochtones suivent une logique contemporaine de l'évolution des «instruments visant à protéger les droits civils et politiques,économiques et sociaux »  qui se font de plus en plus divers et spécifiques.De ce fait, le particularisme autochtone y trouve naturellement sa place.

Cependant à la lecture des textes et plus spécifiquement de celui de Bellier, je constate que la contrainte majeure devant l'activisme des premières nations réside dans l'universalisme des droits. Ce concept issu de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 est présenté comme un idéal commun qui insuffle une conscience, un esprit selon lequel la nature des droits de l'homme est universelle et indivisible. Or cette vague de revendications à caractère ethnique semble être un danger pour ce concept d'universalité tant chéri par les républiques démocratiques. En ce qui me concerne, il fallait que les hommes dans les prémisses de la lutte pour l'égalité et la liberté, prennent conscience que tous les hommes sont égaux en nature et devant la loi. Cependant, ce principe ne devrait pas ignorer les différentes réalités auxquelles font face telle ou telle communauté. La communauté internationale ne peut rester aveugle devant la pluralité des réalités de chacun.

C'est dangereux de faire fi du particularisme d'un certain groupe d'individus revendiquant gain de cause devant la communauté internationale sous prétexte que nous soyons tous logés à la même enseigne. Ce danger est illustré dans le second texte, de Parizet, qui met en perspective cette volonté d'incorporer les questions autochtones au sein d'une réalité universelle. En effet, le PNUD et la Banque Mondiale « s'accordent sur le fait que la pauvreté ne peut se réduire à une dimension monétaire et qu'elle résulte plus largement de phénomènes d'exclusion sociale, économique et politique. » , ainsi ils mettent en place de nouveaux indicateurs de développements à l'égard des premières nations au Mexique. Il s'agit de l'indice de développement humain pour les peuples autochtones et de l'indice de retard social.

Or, aussi incroyable que cela puisse paraitre, les autochtones eux-même sont écartés du processus de production des indices censés soutenir leurs discours. Les prétextes relevés résident dans la prétendue incapacité technique de ceux-ci et dans un souci d'impartialité. Ainsi donc cet exemple criant relève deux problèmes qui font écho aux critiques autochtones. D'une par cela met en perspective le fait la que « technicisation des savoirs liés au développement renvoie à la domination des savoirs experts et à un processus mettant en scène des acteurs de force inégale » et d'autre part cela dénonce que « Le recours aux savoirs experts contribue à diluer la question autochtone dans des objectifs universels de développement et à construire des représentations du monde légitimant la décision politique. » 

Non seulement ils font fi du fait que avec l'émergence de l'activisme autochtone, nous assistons à l'avènement d'experts en la question, reconnus par la communauté internationale et issus des populations autochtones comme nous l'apprend le texte de Bellier mais à fortiori, la critique du caractère subalterne que prennent ces populations au sein des États est dénoncée par ces mesures prises sans considérations pour la communauté concernée et dans un souci de préservation de cet universalisme des droits.

 De plus, outre les revendications de reconnaissance et de respect identitaire, le droit est un enjeu important de leur combat. En effet, l'aspect juridique de leur lutte est la pierre fondatrice du débat. Comme nous l'apprend la vidéo « entretien avec Mélissa Mollen-Dupuis », les premières nations ont été sujettes à des injustices violant les droits les plus fondamentaux de l'homme. L'exemple des pensionnats pour jeunes autochtones n'est qu'une infime partie de ce qu'ils ont pu endurer sur leur propre territoire.

Or le texte de Corntassel nous indique que « Unfortunately, some of the above-mentioned tactics of exclusion, domestication, and assimilation are still part of standard state practices toward indigenous people today. » Il dénonce une illusion d'inclusion au détriment de ces population au sein des états dans lesquels ils vivent. Ainsi l'auteur propose « Rather than seeking recognition of our “human rights” from colonial institutions, our focus can be redirected towards local,indigenous-centered, responsibility-based movements. (…) the challenge is to make indigenous communities the central focus and take state recognition/involvement away from our everyday struggles as much as possible. ». Ainsi donc il dénonce cette volonté de s'appuyer sur une logique de l'État qui n'a rien à voir avec leur manière traditionnelle de faire. De ce fait, revendiquer des droits humains issus d'institutions étrangères à leur mode de vie et de penser biaise l'essence même du combat.

Enfin, je constate une incapacité des États à réparer une partie des torts causés injustement à des populations qui sont devenues étrangères sur leur propres territoires. Elles ont été expropriées par l'Histoire mais aussi marginalisées. Il semblerait que les États se complaisent dans cette habitude et ne parviennent pas à intégrer dans le respect les premières nations.

– Certains dénoncent le caractère « seconde zone » que prennent les populations autochtones au sein des États dans lesquels ils vivent. Afin d'incorporer les premières nations à la population globale, est-il bon de les dissocier par l'appellation « autochtone »? Cela ne participe t-il pas à leur marginalisation? 

– D'un autre côté, le fait de ne pas reconnaître leur particularité, leur spécificité historique et actuelle ne nuirait-il pas au respect de la reconnaissance de leurs revendications basées sur la réalité de leur quotidien en tant que subalternes de la population globale du pays?


– Est-il possible d'incorporer les premières nations au sein de la population du pays sans heurter leur spécificité politique, culturelle et identitaire? Sans gommer les traits de leur identité?


Montréal, automne 2015 

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