Qui va s'occuper de votre 3ème âge ?
indiana
Aujourd'hui je vais vous prendre en 4 yeux et vous fiche le traczir.
On va se dire les choses franchement.
Qui va s’occuper de votre 3ème âge ?
Qui, si vous ne finissez pas dans un hospice ? (ce qu’on appelle maintenant un Epahd; entre nous, ça fait pas plus rassurant. Epahd, et pas de bol !)
Qui va s’occuper de vous quand vous aurez plus l’âge ? Votre enfant. L’un d’eux si vous en avez plusieurs.
Un, mais pas deux. Ne vous faites pas d’illusion, les statistiques montrent que dans plus de 95% des cas, un seul enfant s’occupe des parents. Les autres considèrent qu’un seul est bien suffisant.
Donc, il y en aura un… peut-être.
Peut-être ? En fait, rien n’est sûr. En aura-t-il les moyens ? Pensez-vous qu’avec l’école miteuse où il est maintenant, il va faire un parcours suffisamment brillant pour avoir les moyens de vous aider ? Vous êtes sûr ? Parce qu’il faut prévoir au bas mot 2.500€ par mois, vous allez coûter quelque chose : en soin particulièrement, en plombier ou en électricien qui ne se priveront pas de saler l’addition, en garagiste véreux ou, pis encore, en ces braves gens du fisc qui vont charger la mule et profiter de votre incapacité à vous défendre. Si vous saviez ce qu’ils se disent ! « On se rattrape sur le troisième âge. » C’est leur marotte.
Et puis, vous ne l’ignorez pas, le système de retraite va s’écrouler. J’espère que vous ne comptiez pas dessus ? Si ? Je suis profondément désolé. Asseyez-vous tranquillement. Il faut que je vous dise. L’argent qu’on vous affirme que vous aurez, eh bien, vous ne l’aurez pas. Vous ferez tintin. Vous allez tout simplement vous faire plumer par les gouvernements successifs, comme jadis à la croisée des chemins, et ce n’est pas avec votre déambulateur que vous allez leur faire peur.
Non, vous avez raison, les politiques ont bien dit qu’ils feraient quelque chose pour les retraites. Mais ils parlaient des leurs (d’ailleurs c’est fait).
Attention, il n’y a pas que l’argent
C’est tellement vrai qu’il n’y a pas que l’argent ! Qui va vous conduire à l’hôpital le jour où vous ferez une mauvaise chute tout seul ? Votre conjoint, vous êtes sûr ? Il se dit la même chose pour vous. Il y a bien un moment où l’un de vous deux n’aura plus l’autre. Hm ! vous êtes sûr (ou sûre) que c’est vous qui partirez le premier, ou la première ? Après tout, il/elle a bossé dur pendant que vous alliez à la pêche/tricotiez au coin du feu.
Sauter ensemble d’une falaise ? Vous êtes d’un romanesque. Mais quand est papy on n’a plus le cran, on tremble comme une feuille morte. Rien que les courants d’air sur la falaise d’Etretat vous empêcheront de sortir de la voiture. Et puis, ça ferait de la peine aux petits-enfants. L’héroïsme, c’est quand on a 30 ans.
Et quand les petites “chances pour la France” du voisinage vous rançonneront, vous ferez quoi ? Vous croyez pouvoir les courser avec votre sonde et votre poche de lit ?
Nous ne voulons surtout pas vous affoler, mais le meilleur investissement à faire se situe ailleurs. Il est temps de perdre vos espoirs inutiles. Ne vous tournez pas vers la bourse, les Bons du Trésor américains, les fonds de placement. Car quand bien même vous aurez péniblement réussi à faire 1 million d’euros, vous serez ric-rac, vue l’augmentation du prix du tabac et des piles de sonotone.
Même avec 1 milliard, vous serez malheureux. Pourquoi ? Réfléchissez. Même pleins aux as, nombreux sont les vieillards qui finissent dorlotés par des nurses mafflues. Au mieux, vous serez pris en charge par des domestiques philippines que vous mépriserez, des filles qui repasseront tellement bien que pour la causette aussi, elles repasseront. Les pépés friqués s’ennuient mortellement. On n’achète pas des amis et les vôtres auront passé l’arme à gauche. Si vous êtes un homme et comptez vous faire plaisir avec votre argent, certes les infirmières sont jolies en Californie mais… vous n’avez plus les forces, c’est trop tard, c’est pire de les avoir sous les yeux et les voir se payer votre fiole, sachant que des milliardaires friqués, il y en a un wagon qui a moins de trente berges !
C’est tout le problème de l’argent. Quand on en a, on veut pas vivre en banlieue lilloise, on va vers des destinations de prestige, hélas, dans ces coins-là on est rarement attendu. On y fait la fête depuis tellement longtemps que vous avez l’impression de n’être jamais né. Bref, on ne vous a pas attendu pour vivre et même si vous décrochez la timbale en étant une star (pour une raison qui m’échappe complètement), ça ne durera qu’un jour; n’oubliez pas que l’immense Kirk Douglas lui-même devait se battre comme un beau diable pour faire la vedette 3 jours par an, à Malibu. Vous comprenez ?
Les coins chics, même avec de l’argent, ça n’appartient à personne, on croit qu’on en est que déjà on en n’est plus.
Et ne comptez pas sur le prestige de la France; Gabin et Léo Ferré, Bourvil et le général De Gaulle, les petites Américaines ne savent même pas qui c’est.
Et si vous êtes une dame, vous ne supporterez pas les gamines pimpantes que votre fiston ramènera, et des qui causent douze langues et sont surdiplômées, et carrossées façon Vanessa Marcil, à côté desquelles votre silhouette de chaisière, avec vos genoux tordus style Louis XV, donne envie de relancer la prime à la casse. Je veux pas avoir l’air de critiquer. Mais votre garçon, il passera pas ses sports d’hiver dans votre maison de vacances à Jouy-en-Josas, les sommets il les grimpera sans vous.
Bref, au final, vous avez de l’argent et beaucoup de regrets !
Tout cela, ce n’EST PAS la solution
On va être sérieux maintenant. On va parler gros sous et vieillesse heureuse. La solution, il n’y en a qu’une. Vous pouvez y réfléchir autant que vous voulez, ça ne changera pas le cours du pétrole. Vous pouvez vous gratter la tête jusqu’à ressembler à Nina Hagen, voter pour Mélenchon ou tenter votre chance au Quarté-quinté Plus de Vincennes, rien n’y fera. Y’a pas à tortignoler.
La solution, c’est d’avoir un enfant qui vous aime ET qui ait les moyens de vous aider.
C’est là que ça se corse (plus qu’à Ajaccio)
Vous avez des enfants. Bien. Très bien même, la nation vous doit beaucoup. Le conseil général est ravi, le maire s’en félicite et les boulistes en parlent le dimanche sur la place du marché. Sur la plage, on vous remarque et les loueurs de bateaux en plastic vous adorent.
Mais ça le fait pas encore complètement.
Oui, vous avez des enfants. D’ailleurs, c’est là que vous placez tous vos espoirs.
Mais vous savez – c’est statistique – que la moitié d’entre eux ne réussira pas suffisamment et tirera le diable par la queue. Vous n’allez tout de même pas leur enlever le peu de gras qu’ils mettent de côté pour payer leurs impôts. Reste l’autre moitié.
Hélas, dans la moitié qui restera, encore une moitié ne pensera qu’à soi. La faute à pas de chance ? Que voulez-vous, la solidarité c’est très joli à la télé mais vous savez que les gosses sont égoïstes. Pour les pièces jaunes, ils seront là, mais pour vous construire un plan à la Caisse d’épargne, mieux vaut vous adresser à la paroisse. Vous voyez le tableau ? Oui, près du confessionnal. Bref, reste l’autre moitié.
L’autre moitié ? Mouaif. Dans la moitié de la moitié, la moitié restante n’aura pas la santé. Les pauvres, ils ont mangé ce que votre femme leur a donné à béqueter et votre cordon bleu d’épouse, avec tous ses talents, ne savait rien au sujet des pesticides dans les fruits et de la limaille de fer dans l’eau de robinet ou du PVC qui se dégrade dans les eaux en bouteille. Ils s’en sont jamais vraiment remis. Ces pauvres gosses, leur santé n’a jamais été solide. On dirait, quand vous les revoyez, qu’ils ont pris un coup de coupe-boulon sur la figure. C’est tout juste s’ils marchent droit. Pauvres petits. Quand ils jouaient au foot, étant gosses, ils faisaient poteaux de but. Combien de fois vous êtes descendu dans la rue pour les arracher aux mains des autres gamins ? Des souffre-douleurs, voilà ce qu’ils ont été. Aujourd’hui, ils ont des visages qu’on dirait les horreurs sur les paquets de cigarettes. Leurs poumons, c’est des spectacles auxquels les pompiers de l’A7 sont malheureusement habitués. De nos jours, aux dernières nouvelles, vos pauvres enfants sont pris en charge par la Sécu et traînent de médecins en médecins. Ils vous ont échappé, ils appartiennent au corps médical qui en ont fait des cas et les dissèquent. Rabattons-nous sur la moitié restante.
Ceux-là, ils pètent la forme, ils ont des sous et sont généreux de nature. Que demander de mieux ? Ah, en voilà que ça fait plaisir ! Mais ils se divisent en deux. Car la moitié de ces enfants-là… vous en veulent, pour une raison que vous ignorez. C’est comme ça, les gosses, vous avez raté quelque chose, Dieu sait quoi, et ils en conservent une dent, et de sagesse encore, contre vous. Ils ne se fendront jamais d’une carte postale, plutôt crever. Ils n’auront de remords qu’après que vous ayiez rejoint le Créateur, et encore, à cause des frais des pompes funèbres. Reste donc la dernière moitié.
Eux, c’est la crème. Des enfants qui ont ré-u-ssi ! Bien élevés, propres, parlant en articulant bien, sourire émail diamant, look de trader new-yorkais, de l’argent en veux-tu en voilà ! Pas du genre à porter des nattes crasseuses sous un bonnet tricoté main aux couleurs de la Jamaïque, pas du genre non plus à porter un T-shirt Che Guevara tombant sur un slip porté plus haut que le pantalon. On va pas les rencontrer à se réchauffer les paluches au-dessus d’un baril en métal sur un chantier parisien, ni à fumer de l’herbe à un méchoui du DAL. C’est pas des crevards, ils ne sont pas du genre à faire le socialiste pour obtenir une allocation logement. Non, eux, c’est des gens bien élevés, qui ont réussi, qui ont des diplômes. Et qui n’oublient pas. Ils ne vous oublient pas. Ils ont du cœur, ils sont vraiment gentils, positifs, ils ont un coach et puis c’est des sportifs, ils ont remporté quelques concours internationaux. Et braves avec ça. Et attention, ils travaillent. Ils n’émargent pas au parti communiste et ne dépendent pas des Assedics, ça ! Ils travaillent, et vous en êtes fier. Ils sont prêts à faire tout leur possible pour leurs vieux parents. Une bénédiction, ces enfants qui travaillent.
Mais voilà : justement, ils travaillent un peu trop. Ils sont plein de boulot, ils bougent partout, ils ont des amis à Las Vegas et à Hong-Kong. S’ils pouvaient, s’ils avaient le temps, ils vous couvriraient de bonheur, ils vous reconstruiraient la maison du sol au plafond… Un jour, peut-être. Vous ne les verrez jamais. Des bisous du bout du monde, tant que vous voudrez, mais ne comptez pas les voir dans l’année. Ils vous inviteront à leur mariage, ça oui, d’ailleurs, préparez-vous plutôt à faire des éconocroques, vu que les noces se feront à Bornéo ou à Bali ; ou alors à Tune au Danemark, c’est chic, c’est new. Leur bonheur va vous coûter cher. Leur mariage, vous allez vous en souvenir un peu plus longtemps que votre dernier dépassement bancaire, je vous le promets. Deux allers-retours plein tarif et trois jours d’hôtel de luxe, tu parles ! Vous n’oserez pas leur demander de vous offrir le billet et eux ne se rendront compte de rien, ils souriront, baignés jusqu’aux gencives de bonheur et de réussite, et vous ne pourrez pas leur dire que vous vous êtes saignés pour eux, que vous avez dû renoncer à remplacer la 504, parce que cela gâcherait leur bonheur, et surtout vous humilierait; sans compter que cela leur rappellerait d’où ils viennent car non, ils n’ont pas oublié, ils n’ont surtout pas oublié : votre pavillon moisi, le quartier défoncé, le vieil établi inutile avec lequel ils ont joué jadis dans le garage graisseux, leur chambre minable de 12m2, la vaisselle Ikéa à table et le panonceau prolo sur la maison “Notre maison est petite mais notre coeur est grand”. Y’a pas de quoi vouloir rejouer “la Machine à remonter le Temps”, croyez-moi. Sans blague, chez vous c’était pas Casino royale. On n’avait pas Lawrence Olivier tous les dimanches à table. Sidney Poitiers n’était pas de vos intimes, pour vous ça évoque plutôt un trajet du guide du routard. Les gosses, ils ont réussi et ils n’ont pas envie de faire marche arrière. Si vous leur rappelez qui vous êtes, vous allez les rendre tristes. Ils parlent anglais, ils parlent allemand, ils parlent sri-lankais, ils ont des ONG un peu partout, au début vous pensiez que c’était des maladies. Vous allez pas leur gâcher la vue avec vos récriminations. Mieux vaut se taire. Vous ne direz rien et payerez le billet d’avion. Si vous avez de la chance, ça se fera à Tune, c’est moins loin. Tune, tu parles, c’est trouvé, comme destination ; ah ! je vous jure, ils vont m’entendre, chez Go Voyages !
Voilà où vous en serez.
Vous me suivez ? Les patates sont cuites si vous persistez à vous bercer d’illusion. C’est la soupe populaire assurée. Le mieux, c’est encore de prendre vos habitudes aux restos du Cœur ou chez Emmaüs, là au moins vous avez de vrais amis, des gens qui, si vous allez les voir dès dimanche prochain, n’oublieront pas que vous avez été généreux… quand vous n’étiez pas encore dans le besoin.
Mais bon, c’est pas ce dont vous rêvez. Les tronches édentées, les jeux de carte qui collent, les 51 versés dans des verres ébréchés qui servent aussi pour les pourboires, c’est pas votre fort. C’est pas que vous ayez des goûts de luxe, mais quand même. Vous avez un standing.
Dans le lot, reste-t-il un enfant sur qui compter ?
Mais, dans le lot, à force faire des moitiés de moitié, nom d’une pipe, combien il en faut, des moutards ? on va bien finir par en trouver, un enfant présent, généreux, en bonne santé, disponible ?
Eh bien, si vous avez fait le compte, il vous faut au moins 16 enfants pour avoir une chance de ne pas vous retrouver tout seul. 16… une paille. Mamy, elle va pas pouvoir. Elle va dire non.
Pour ne pas être seul(e) dans 20 ans
Il faut donc déjouer cette statistique des enfants ingrats, pauvres, malades ou absents.
Pour être aimé de son enfant et pour qu’il ait des moyens, et qu’il ait l’idée de ne pas vous laisser choir, qu’est-ce qu’il faut ? Commencer par le commencement. Dès le premier bambin, il faut lui donner
- de l’amour
- et un bagage solide (je ne parle pas d’une malle de l’armée).
Pour l’amour, avec votre candeur, vous pensez que vous avez fait le nécessaire. Vous pouvez faire beaucoup mieux. Posez-vous la question : à part la vie, que vous doit-il ? Avez-vous passé des heures avec lui en tête à tête à lui donner les clés de la vie, à lui faire don de votre personne ? Mon œil. Vous avez laissé filer le temps, vous avez lu l’Equipe, vous avez passé des heures au téléphone, ou à l’association, ça oui, mais pour ce qui est du petit, vous avez été moins présent que la femme de ménage. Il va falloir vous rattraper. On va donc remettre les pendules à l’heure.
Et pour le bagage, vous croyez vraiment que l’école où il va le prépare à une belle carrière ? Je parie ma selle de course contre votre collection de figurines de foot Panini que vous considérez – à juste titre – que c’est une usine à analphabètes. Ça aussi, on va s’en occuper.
Il y a un moyen simple de résoudre cette sombre perspective d’un avenir dans la solitude ou dans un établissement infâme pour vieillards oubliés.
Alors, ça vous tente ?
Banga !
On y va, c’est par là ! > http://l-ecole-a-la-maison.com
Après, vous en faites ce que vous voulez... pour ce que l'en dis.
Vous êtes un phénomène alors. Vous cumulez les bons points, il est à espérer que votre descendance vous en saura gré...
· Il y a presque 12 ans ·indiana
ça y est , je suis déprimée! hihi...Non, je plaisante! Mais bien vu la tirade sur la descendance! J'en ai qu'un, d'enfant...Dur! et je suis la seule à m'occuper de mes parents, donc je suis dans la dernière moitié de moitié de...deux, donc je brise la statistique!Merci de ces reflexions, je vais lire tes autres textes!
· Il y a presque 12 ans ·Choupette