Qui vous a autorisé à penser?

Christophe Hulé

Pour l'instant on continue à scruter les étoiles, à la moindre lueur suspecte on tire sans sommation.

Mais enfin, si c'est un de nos vaisseaux …

Eh bien tant pis comme on dit : « au mauvais endroit, au mauvais moment. » .

Moi ça ne me plaît pas, je pense que …

Que ça vous plaise ou non, on s'en fout. Et qui vous a autorisé à penser ? C'est à vos supérieurs que revient ce privilège. On tire à vue, me suis-je bien fait comprendre ?

Oui Monsieur.

Bon , au boulot, et pour la peine vous serez premier de corvée avec vos hommes, on vous relèvera à 3 heures.

Tu crois vraiment qu'on nous menace ?

Ben oui, si le Comité et l'État Major le disent.

Mais ces soi-disant envahisseurs, on en a jamais vus. Et si c'était bidon ?

Moi j'ai entendu dire que les gars là-haut n'étaient pas mandatés, qu'ils sont partis sans ordre.

C'est n'importe quoi.

Eh bien moi aussi je l'ai entendu. On scrute les étoiles depuis des décennies, on déclenche les alertes et toute la population descend aux abris. Après chaque alerte, on voit bien qu'il ne s'est rien passé. Et personne jusqu'ici ne s'est posé la question.

C'est bien pratique si on y pense, même si, Chef, on a bien compris qu'on y était pas autorisé. C'est la clé de l'affaire, ne pas penser, accepter l'État d'urgence perpétuel.

Sans parler des disparitions, personne n'en parle. Ne pas penser et surtout se taire.

Moi je connais quelques-uns de ceux qui sont là-haut. Des têtes brûlées parmi les meilleurs.

Seulement le piège s'est refermé, ceux-là sont formés pour s'adapter en une fraction de seconde à n'importe quelle situation de crise. Et c'est pas des robots pré-programmés. Il faut un cerveau pour réussir ces choses là, voilà le talon d'Achille.

Ah d'accord, c'est pour ça qu'on doit tirer à vue.

Y a longtemps qu'on l'a compris nigaud. Toi tu risquais pas de faire partie du voyage c'est sûr.

C'est pas très sympa.

C'est vrai, je suis désolé, tu n'es pas plus conditionné que nous tous. Je retire tout ce que j'ai dit. On est tous les couillons dans cette affaire, vous compris Chef.

Je passe sur cette remarque vu les circonstances, et, quitte à vous étonner, j'adhère.

Et oui Messieurs, moi aussi j'ai flairé l'embrouille comme vous tous ici. Nous sommes les couillons qu'on nous a demandé d'être. Mais pour une fois nous sommes aux manettes, alors autorisons-nous à penser.

Ça va pas être facile Chef, on est pas entraîné.

Pour commencer, refusons la relève.

C'est contre nature Chef : « désolé les gars mais on est bien ici, retournez vous coucher. » .

Alors il faut les mettre dans le coup, eux et tous les hommes, et surtout les civils.

C'est une Révolution qu'il nous faut déclencher pour la population et nos héros qui nous ont montré la voie.

Bon, ben on a du boulot, ne serait-ce que d'apprendre à penser !

Signaler ce texte