Raison Close

Juliet

Leur vie est un film pour adultes ;
âmes sensibles s'abstenir.
La chasteté ici a volé l'identité du vice,
misère corrompue et déifiée où l'abandon se fait père comme fils.
Personne n'avancera, craignant seulement de laisser les morts trop loin derrière eux.
Dans l'alcool, la drogue et la débauche,
les Anges fêteront leur communion.
Faire un pacte avec le Diable et des cadavres de rêves,
c'est jouissif et masochiste comme union.
Après tout, même l'éternel enfant Peter Pan n'est rien d'autre qu'un éternel sans mère.
Certains enfants tombent sept fois
pour se relever seulement six.

"Le premier qui bouge a perdu !
Un, deux, trois… Soleil !"
Plus un geste, les mains en l'air,
le premier qui bouge est perdu.

Pourtant, il y en a un qui a voulu lutter.
Un, deux, trois, le Soleil est descendu.
Les rêves sont comme les hologrammes,
on peut les voir sans les toucher ;
fantômes d'une réalité créée de toutes pièces.

Aspirer une bouffée, avaler une gorgée.
Les hommes se fondent et se confondent ;
mariages brûlants de braises incandescentes,
maquillage savant de baises bien indécentes.
Secte, cauchemar d'insecte, rêve sale d'inceste.
Mare de sang sur et sous le corps,
marre du censuré sous le mort.

Mourir n'est que mettre un point final sur un roman de pages vides maculées de sang, de shit et de larmes.
Je préfère me faire tuer plutôt que de me suicider ;
même s'il est haineux, un regard se sera posé sur moi.
Dans nos raisons closes,
les prémices du sacrifice et de l'autodestruction.  
Fumée blanche et lumière noire.
Si j'ouvre la porte des toilettes,
je verrai un prostitué qui, le sourire aux lèvres,
contemple une chose morte aux traits vagues d'être humain.
Le chaos en fond sonore et la décadence en chuchotement,
ça chatouille mon oreille, je frissonne de la tête aux pieds.

Comme hier et les jours d'avant,
comme ce demain aussi lointain et précaire que nos rêves,
aujourd'hui est un jour nocturne.
    Les néons aveuglants sont superficiels comme nos visages.


"Maman, j'ai fait tomber mon bonbon.
Maman, donne-moi un autre bonbon s'il te plaît."


Nous vivons dans une même maison close, à cause d'une même raison close.
Substances illicites derrière le comptoir,
avec eux à mes côtés, en vidant des verres j'ai vidé mon cœur.
Mais bientôt mon corps se remplira,
comblant mon manque, calmant leurs ardeurs.
Je suis venu, j'ai vu, j'ai perdu ;
Je suis comme tout le monde en somme, en môme.



"Dis, Maman… Dis, Maman !"


Derrière le voile de mes yeux morts
s'est caché le petit garçon effrayé que j'ai toujours été.
Mais avec ces hommes qui n'en sont plus et ce moi que j'ai perdu,
nous avons vu le Soleil se faire descendre sous nos yeux
parce qu'il avait perdu le jeu.
Celui qui a fait ça pointe maintenant un canon sur mon front.
Je n'ai jamais rien compris à la vie,
je ne vais pas comprendre ma mort non plus.
Mais ce n'est pas grave ;
derrière ses lunettes noires, je sais que cet homme n'a d'yeux que pour moi.
Les verres d'alcool sur la table, la drogue diluée dans le liquide,
la fumée et les aiguilles, les hommes qui se mélangent dans la débauche,
même ce canapé de cuir où l'on s'est tant de fois allongés,
tout ça va disparaître en même temps que la musique psychédélique.
Avec le canon sur mon front,
j'imagine le prostitué tournant le dos à son œuvre macabre dans les toilettes.
Ils ne pleureront pas, je le sais.
Dès le début, ils n'en avaient plus la force.
Avec eux, je suis résigné à attendre venir le néant.

De l'autre côté du canon, derrière ses lunettes noires,
cet homme ne peut pas penser à ce genre de choses ;
que dans le fond, j'aurais voulu mettre ma vie entre tes mains seules.

Même si je l'ai oublié, même si tu ne peux plus me voir,
je suis quand même ton enfant, Maman.

Un, deux, trois… Soleil.
Je ne bougerai plus, maintenant.

Lorsque j'ai voulu ramasser le bonbon,
les fourmis l'avaient mangé.

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