Ravage

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Faudra-t-il toujours dormir ainsi ? Nourrir le jour et prier la pluie ? Mon pays n’est pas sage et la vie est dure. Félicité ? Plutôt éprouver. Elévation ? Mon pays permet plutôt le mot : subsistance. Mais n’ayons plus peur, n’ayez plus peur.

Ecoutez.

Ravagé. Mon pays est ravagé. La misère s’y est installée insensiblement. Doucereusement, par la pureté perdue des choses. Ce que j’appelle misère, c’est ici le dénuement de toute chose dans sa plus profonde signification. Plus de synapses, plus de mots. C’est certain. La ruine assurée. La ruine du cerveau. Reste un désert, un désert sans mot donc sans nom. Un paysage sans âme ni maux.

L’espoir m’apparaît cependant lorsque vous m’écoutez.

Mon pays, ma terre, voyez-vous, n’est plus fertile. On croirait un monde inventé, peut-être inventé par nous. N’ayons pas peur, la vérité n’est pas si loin. N’ayez pas peur, la vérité est surement inoffensive – pourrait-elle l’être ? – 

Nourrir le jour de ma voix est devenue mon unique activité, toute mouvance étant assujettie à de multiples vertiges. Les efforts que je déploie ne seront pas, je crois, à la hauteur de l’infini désert. 

Vous m’écoutez, je le crois.

Et cela pourrait bien faire venir la pluie. Cela pourrait bien nous sauver – pourrait-on l’être ?

Vite, l’espoir est fuyant et l’essence de toute chose se doit d’être révélée. Les anciens l’ont ensevelie à l’abri des convoitises inconsidérées. C’est-à-dire: juste sous le sable. Au niveau du monde des valeurs, sensiblement en deçà. C’est-à-dire: à l’abri de notre monde de misère.

Il se pourrait bien qu’il pleuve des mots pour la libérer – se pourrait-il ?

N’ayons pas peur de nous découvrir riches dans notre infortune. N’ayez pas peur d’ouvrir les vannes et de délivrer ces mots attendus, loin, bien loin de la misère entendue. Les choses pures, voyez-vous, attendent d’être dévoilées. Donnez-nous des mots, donnez-leur un nom. Il se pourrait qu’elles existent bien. Là. Sous le sable opaque – se pourrait-il vraiment ?

Mes paroles vous implorent. Ecoutez ma prière sans fin – ou ne serit-ce plus qu’un murmure sourd ?

Ecrivez.

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