READY? GO!

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     Vendredi soir ou le soir des rituels. Et je ne parle pas ici de messe anticipée, mais du nouveau temple consacré de la jeunesse en mal de spiritualité : le bar. On y retrouve notre prêtre - le barman -, la noblesse assise au premier rang –les gros buveurs que l’on n’a miraculeusement jamais vu étalés par terre- et la populasse, des fidèles comme des novices, pour qui communion rime avec  shot de minuit et boules de Pâques (les initiés me comprendront…). Le sang doré et mousseux du Christ est dégusté dans des choppes aux allures de Saint-Graal et les anges sont parmi nous, observables à loisir. Halelujah !

   Justement mon amie M., sa sœur J. et moi nous rendions en ce sacro-saint soir de fin de semaine à l’office de 21h. Précisons pour mettre un peu de piquant dans l’hostie que M. n’était pas indifférente aux charmes d’un certain ecclésiastique B. … Le catéchisme avait fait son effet et quoi de plus excitant qu’une aventure dans la sacristi (comprendre la cave…) ? A priori beaucoup de choses, mais passons sur ce point.  C’est amusant cet attrait de l’uniforme… Cela dit ici il n’y avait pas que l’uniforme… On se dégotte finalement une place de choix : vue sur le bar et accès à une porte pour cigarette recommandée en de tels moments de stress. Et là, devant deux pintes et un demi  - pour ma petite M.- on pratique férocement une activité purement féminine : on analyse les signaux. Physiques, verbaux, alimentaires, tout y passe ! Une bande de naturalistes face à un Octopus Macropus. On dit que la stratégie du caméléon est infaillible… Bienvenu dans la jungle ! Et si pour une fois c’est le rhinocéros qui était le roi… Sans vouloir détrôner Simba, l’attaque frontale apparaît plus risquées, certes, mais également meilleure source d’information : on est fixé immédiatement ! Pourquoi cela nous semble-t-il alors si difficile ? Pourquoi  les risques surpassent-ils les bénéfices ? En amour, doit-on être trader ou banquier ?

    En tout cas pour S., le choix était vite fait ! S. était un jeune prof stagiaire de 24 ans, qui avait tenté sans succès de séduire mon amie M. Son style ? Barbu, la langue bien déliée et une tactique offensive assumées, mais qui n’avait pas encore fait ses preuves.  Après avoir presque violé les lèvres de ma chère M., chez lui, alors qu’elle regardait un bouquin, c’était au tour de E. de s’empatouiller dans ses filer (ou plutôt dans ses bras replets), au cours de mon barbecue annuel (en réalité, le premier de cette tradition « millénaire », mais il faut bien commencer quelque part !). E. était une charmante métisse à la crinière de lionne qui travaillait avec M. chez Comptoir des Cotonniers. Elle venait de nous confesser, à M. et à moi, qu’elle avait du mal à se remettre de sa dernière rupture, et que de ce fait, elle n’en était que plus exigeante. Quelle ne fût pas alors notre surprise quand, après avoir passé une demi-heure dans les bras de S., ils se roulèrent un patin qui coupa le sifflet de toute l’assistance (une vingtaine de personnes, excusez-moi du peu !).  On n’en revenait pas ! Le garçon « sympa, mais pas mon type » aux multiples râteaux et la petite fashion-victime parisienne, au caractère visiblement bien trempé, qui partageaient (et à plusieurs reprises !!!) leur salive ! Si j’imaginais déjà mentalement la note que je leur enverrai s’ils baisaient sur mon canapé, je ne pouvais m’empêcher de me demander si la vodka et du jus d’oranges premier prix avaient vraiment un effet aphrodisiaque, ou si Cupidon avait une poussière dans l’œil. On assistait pour une fois –et à mon grand bonheur, malgré mon cynisme – à une véritable scène de courage moderne : emballer, c’est pesé ! Et même s’ils ne se marient pas dans six mois, ces deux là auront au moins passé une bonne soirée (et se souviendront de mon barbecue).  L’investissement sur des actions décriées s’avèrent apparemment rentable. Analysons une autre opération boursière : M. avait flashé sur un beau musicien à la voix « si particulière », ami de S. Ils s’étaient croisés quelques fois en soirée, et au fil de leurs rencontres, le voltage du courant qui passait entre eux ne faisait que s’amplifier, à deux doigts de la surtension. Ravie, M. attendait, un sourire radieux aux lèvres, un message de son charmant placement ! Quelle ne fût pas sa surprise alors quand S. lui annonça que le crooner en question avait déjà quelqu’un dans sa vie ! Tous ces signes, toute cette attente et surtout tous ces non-dits sentimentaux qui partaient en fumée opaque et asphyxiante (on se croirait presque dans mon barbecue dit donc !). M. s’était attachée, avait espérait, mais n’avait pas attaqué. Et l’ennemi avait riposté, plus cruellement que jamais…

     En somme, les bas-de-laine semblent rapporter des clopinettes. On se met de toute façon en danger dès qu’on revêt un porte-jarretelle. Alors un conseil : prenez des risques, et portez des bas en voile…

  • toujous aussi drôle, ca oscille entre temoignage et début de chapitre policier. Je les mis en coup de coeur, et lui met 5 étoiles. Heu coeur. Je vais aller lire drag queen.

    · Il y a environ 14 ans ·
    Piwi couverture orig

    Saucisson

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