Recoudre

aile68

Recoudre le voile blanc qui servait d'écran aux souvenirs de famille, en faire une nappe ou un drap pour la sieste dehors, des enfants ont joué aux fantômes avec, tout était prétexte à jouer. La vie, la famille étaient un jeu, on inventait des choses, des gens, chez nous c'était toujours mieux même quand les cigales ne chantaient plus. On enterrait des pièces d'or comme dans Pinocchio, on amassait des billes et des pitous dans des boîtes à chaussures, nos trousses étaient bleues, vertes, on rêvait de stylos quatre couleurs et de gommes qui sentaient bon. On avait une vie simple et confortable, les  dimanches ressemblaient à des mini vacances et ça sentait la mousse de bain avant d'aller dîner. On vivait avec trois francs six sous, une revue de Picsou par semaine et un livre de la bibliothèque rose quand notre mère était de bonne humeur.

Recoudre le voile de la mariée, la couturière faisait des merveilles, elle a fait nos robes oranges et nos salopettes rouges à ma soeur et moi quand on était petites. Chez nous rien n'a changé à part la tapisserie, ça fait toute la différence avec le papier à fleurs, la machine à coudre est toujours dans un coin de la cuisine et les aiguilles à tricoter dans le même tiroir. Mon  petit-frère s'amusait à faire entrer les aiguilles dans les prises de courant avec son sourire d'ange, comme j'aimais son insouciance! Ma soeur, petite mère courait vers lui pour les lui enlever de ses petites mains.

Recoudre les petits mouchoirs de notre enfance, petits carrés de tissu à carreaux, parler jusque tard la nuit dans le balcon et aller se coucher avec ce doux sentiment du bonheur.


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