Réflexion foetale

"Donner la vie est le plus bel accomplissement qui soit pour une femme", pense t-elle, tout en se caressant amoureusement le ventre. "Je pourrais écrire les plus beaux chefs d'oeuvre, je n'accomplirai jamais une création aussi lumineuse". Et pourtant, même si l'homme peut se sentir impuissant et parfois oublié, le bébé se crée tout seul, sans que le femme n'intervienne. Tout vit dans ce ventre qui n'est plus seulement à elle mais à ce petit être qui grandit sans qu'elle puisse modifier quoique ce soit. La création s'accomplit après la naissance: cet enfant, si fragile, a un pouvoir immense qui continuera à croître, d'années en années. Elle en a conscience. Être une mère ou un père est une belle folie, on s'oublie, on se sacrifie, et pourtant on en redemande car ce bonheur nous submerge tant qu'on ne peut s'en séparer. On en devient dépendant. On se transforme. Comme une oeuvre. Elle ne se crée pas sans un effort intense, sans un amour fidèle, sans passion, sans assiduité, sans changements d'humeur. On a parfois envie de la détruire, mécontent de ce résultat, on est en lutte avec elle, et pourtant, les efforts de l'artiste sont récompensés grâce à sa contemplation, sa finitude qui efface toute trace de contrariété, de culpabilité ou de souffrance. Elle est là, devant nous et nous donne envie d'en créer d'autres.