Renaissance

caza

Qui peut se targuer de savoir ce que lui réserve demain ?

Au fil du temps, Lou s'était perdue de vue, absorbée par ses obligations à l'encontre de Baptiste, devenu handicapé, totalement dépendant d'elle, financièrement et techniquement.

Ses journées de 19 heures se succédaient, sans temps morts, entre boulot, soins médicaux, réveils nocturnes sous haute tension, et virées inopinées dans les divers hôpitaux de la région.

Et, sur un claquement de doigts, tout s'était brutalement arrêté un dimanche soir d'avril avec la mort inopinée de Baptiste.

Elle a dû recommencer à apprendre à vivre pour elle, un pas après l'autre, à occuper son esprit avec autre chose que des mots et des techniques médicales complexes.

Doucement, la lecture et la musique ont été les premiers à revenir dans sa vie, pour tenter de combler un vide surtout le soir, quand elle rentre dans cette grande maison silencieuse, et aussi pour rattraper le retard accumulé.

Trente six ans de vie commune et des dizaines de kilos superflus dus au stress l'ont convaincue qu'elle finirait sa vie seule, dévorée par ses chats après une chute malencontreuse, perspective qui la terrorise d'ailleurs, au point de conclure un pacte avec l'une de ses collègues de travail qui a promis de l'appeler une fois par semaine lorsqu'elle serait à la retraite, dans vingt ans, certes, mais mieux vaut prévoir….

 

Timide, elle aime pourtant les échanges border line quand cela est fait avec esprit, et régale ses collègues de son rire en cascade quand cela arrive sur un quiproquo au téléphone.

 

Aussi, lorsqu'il lui demande son 06 pour échanger sur WhatsApp, elle lui donne sans hésiter, elle le connaît depuis quelques temps déjà pour avoir échangé sur divers sujets sur un site professionnel et elle apprécie son humour très fin, sa culture et a remarqué que lui non plus, n'est pas contre flirter avec la ligne rouge, en toute finesse.

Ce qui a commencé un peu à la manière d'un « t'es pas cap », se transforme rapidement en quelque chose de beaucoup plus hot, la laissant… estomaquée ? non, interloquée ? non plus…. interdite, voilà le mot qu'elle cherche, interdite…

 

Là, dans la pénombre, juste éclairée par son écran, elle n'en croit pas ses yeux.

Ce n'est pas possible, ce n'est pas à elle que ces mots brûlants sont destinés, il se trompe… et pourtant, elle les voit défiler, presque plus vite qu'elle ne peut les lire.

 

Il lui parle de ses seins, qu'il imagine et avec lesquels il se complait à jouer, et ne s'arrête pas là, doucement, il descend le long de son échine, déclenchant des vagues de frissons à Lou.

 

Les yeux rivés sur l'écran de son smartphone, elle sent le rose lui monter aux joues.

 

Il lui décrit ses mains qu'il fait virevolter sur son corps et ses mots sont tellement explicites qu'elle n'a aucun mal à prendre le relais de ses mains virtuelles avec les siennes, bien réelles, et, comme avec un pantographe, elle reproduit ses gestes sur son corps.

Les mots prennent vie alors sous ses doigts, doucement, il l'emmène là où personne, depuis longtemps, ne l'a emmenée et elle est surprise de constater que son corps réagit à ces caresses dématérialisées.

Les ondes sensuelles qui se propagent de la racine de ses cheveux jusqu'à la plante de ses pieds la poussent à répondre de même.

 

Sans fausse pudeur, elle débride son imagination et laisse ses doigts courir sur son clavier.

Elle trouve les mots pour prendre le relais et sa bouche se promène alors avidement sur son corps à lui, se remémorant toutes les sensations éprouvées afin de les faire renaître, le temps d'une escapade, car, elle en est sûre, il ne peut s'agir d'autre chose, demain, il aura tout oublié et ne donnera plus de nouvelles, et ose lui décrire par le menu ce dont elle se souvient du plaisir masculin qu'elle aimait faire naître sous ses doigts et ses lèvres.

Petit à petit, toutes ses barrières tombent, ses complexes volent en éclat et elle le laisse s'enfoncer de plus en plus profondément dans son esprit et son intimité, ses mains à elle relayant toujours ses mots à lui.

De ses seins, elles sont passées à ses cuisses, puis à son intimité qu'elle se surprend à explorer comme il l'exprime, sans retenue, gémissant de plaisir.

De son côté, il lui assure que ses mots lui mettent aussi les sens en feu et cela ne fait qu'accroître ses désirs.

Elle s'abandonne totalement aux vagues de plaisirs que les mots échangés relayés par ses mains, exacerbés par son imaginaire, font naître au creux de son ventre.

 

Le petit matin la trouve pantelante au bord de son lit, épuisée et heureuse pour la première fois depuis….

Qu'importe si cela ne doit pas survivre au lever du soleil, c'est la première fois qu'un autre homme la voit pour ce qu'elle est : une femme ; il a su réveiller celle qui était endormie au fond de son être et elle se sent différente en se levant, vivante et pour tout dire, vibrante même.

Elle se prépare pour aller travailler, cache ses cernes en souriant, ses collègues vont sûrement se méprendre quant à leur origine et cela lui évitera les quolibets.

Alors qu'elle s'apprête à partir pour la gare, son regard est attiré par un point bleu clignotant sur son smartphone, qui peut bien lui mettre un message à cette heure matinale ?

Elle déverrouille l'écran et là, elle découvre ces quelques mots : « alors, bien dormi ?? »….

  • magnifiquement écrit ! avec beaucoup de pudeur.
    On est content pour Lou !

    · Il y a presque 5 ans ·
    Eau

    chaleur

    • Merci pour votre réception de ce texte que j'ai hésité à publier

      · Il y a presque 5 ans ·
      20180820 215246

      caza

  • Après des années de dévouement, Lou va pouvoir vivre pour elle...

    · Il y a presque 5 ans ·
    W

    marielesmots

    • Oui, elle s'autorise et ça change tout

      · Il y a presque 5 ans ·
      20180820 215246

      caza

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