Renaissance

zetay

« La musique est la façon la plus pure et sincère de s’exprimer, au travers d’elle, les idées s’enchainent sous forme de mots, de rimes et de rythmes. Elle peut exprimer les idées et les pensées les plus profondes de son compositeur, et ainsi, toucher les personnes les plus réceptives et capter leur attention. Rien n’est plus beau que la perfection, et la musique, dans un sens, l’est. »

                Octobre 2011 : un nouveau talent sort des rangs et se fait remarquer, il est beau, jeune et son génie ne fait aucun doute, sa voix est suave et mélodieuse et ses chansons parlent de la passion, de la fougue de la jeunesse et des folles expériences de cette dernière. Quand il monte sur scène, il pourrait être l’incarnation d’un quelconque ange entouré d’une aura lumineuse, que les spectateurs n’y verraient aucune différence. Dès lors qu’il commence son show, tous les regards sont tournés vers lui, sa voix enchanteresse semble hypnotiser la salle, il est à lui seul l’incarnation de la perfection, ô combien attendue depuis fort longtemps.

                Cependant, il ne peut y avoir de lumière sans une partie de ténèbres. A la même époque, une enquête est menée afin de retrouver un tueur qui sème les morts comme Cupidon sèmerait ses flèches. Aucuns liens n’existent entre les différentes victimes, seule la façon de procéder indique qu’il s’agit du même tueur. Tous les corps retrouvés étaient déchiquetés, les entrailles éparpillées autour et le cœur était posé sur la bouche entrouverte de la victime. Jamais les autorités n’avaient eu de cas aussi glauque et sale.

-          Hum, encore une fois il n’y a aucune trace…  On en est à combien de meurtres, tu me rappelles ?

-          Neuf, monsieur et avec celui-ci, il en est à dix maintenant.

-          Ah bordel ! On va coincer ce salaud !

-          Ça va être dur, monsieur, on n’a rien pour l’attraper…

-          Je sais bien ça ! Me prends pas pour un con le jeunot !

-          Je suis désolé, monsieur.

Cela faisait désormais cinq mois que le tueur sévissait et aucune piste ne semblait se dégager. Cet homme, ou cette femme, se moquait totalement de l’éthique et jouait avec les nerfs des forces de l’ordre, rien ne semblait pouvoir le toucher.

« Je jure sur mon insigne que cet assassin sera coffré ! »

                Elle sortait de la salle du concert avec ses amis, elle avait passé un excellent moment et s’était promis d’y retourner bientôt. Il était déjà deux heures du matin et seul l’astre lunaire éclairait de sa faible lumière les rues rarement fréquentées.

-          Vous faites quoi là ? Vous rentrez ?

-          Oui je suis crevé là !

-          Et toi Sylvie ?... Sylvie ?

-          Oh ! Désolée, j’étais perdue dans mes pensées, tu disais ?

-          Je te demandais ce que t’allais faire.

-          Ah. Je rentre chez moi, il se fait tard.

-          On te raccompagne ?

-          Non merci, c’est gentil, mais j’habite pas très loin, à toute !

Sylvie se faufilait dans les étroites et sombres ruelles de la ville. Le silence était pesant et avec ces nouvelles aux informations concernant le tueur, elle ne voulait pas rester trop longtemps dehors à une heure aussi tardive. Elle marchait rapidement mais avec grâce, ses cheveux bruns sautaient à chaque pas qu’elle faisait et le bas de sa robe voletait au même rythme. Elle poussa un petit cri quand elle entendit derrière elle un homme l’interpeler :

-          Bonsoir belle demoiselle ! Oh, je suis désolé, je ne voulais pas vous faire peur.

-          Qui êtes-vous ? On ne se connaît pas et je suis pressée.

-          Je ne suis qu’un gentleman souhaitant raccompagner une jolie dame chez elle, ce n’est pas très prudent de marcher seule dans ces ruelles.

-          Eh bien, merci, mais je sais me débrouiller seule, au revoir.

-          Attendez !

Elle se retourna prête à l’envoyer promener mais se ravisa et le dévisagea, elle le reconnu aussitôt et elle était plus ou moins tombée sous son charme lors de la soirée, elle plongea son regard dans le sien et fût comme envoutée. Elle n’eut pas le temps de crier, elle ne le pouvait pas. Il la regarda avec une lueur mauvaise dans les yeux, la plaqua contre le mur et continua d’appuyer la lame de son couteau contre la gorge ensanglantée de la femme. Elle regarda tout autour d’elle, paniquée, mais incapable d’effectuer le moindre mouvement, quand bien même elle l’aurait pu, son assaillant la bloquait et l’empêchait de se mouvoir, elle allait mourir, elle le savait, c’était une évidence, personne ne viendrait la secourir, la rue était trop sombre pour y percevoir quelque chose et il ne faisait aucun bruit. Le silence régnait et elle sentit sa vie la quitter au rythme de ses battements cardiaque, ralentissant, se faisant de plus en plus discret, elle mourut dans l’instant, entendant un dernier son qui accompagnera sa mort qui lui semblait être celle de clochettes s’entrechoquant, Il ôta la lame de sa gorge et commença son affaire. Le sang commençait à former une flaque de plus en plus grande, l’odeur commençait à faire sa place dans l’allée. Il finit son œuvre en arrachant le cœur de la poitrine de la jeune femme, le déposa sur ses lèvres entrouvertes tout en sifflotant l’air d’une chanson désormais connue de tous et s’en alla dans un silence presque surnaturel. Juste avant de mourir, Sylvie pu observer une dernière fois la chevelure du tueur, son regard perçant et son visage séduisant.

-          Monsieur ! Des civils ont retrouvé un corps dans une ruelle ! Ca à l’air d’être notre tueur !

-          Nom d’un chien ! Encore un ? On y va, grouille !

Les charognards avaient déjà commencé leur œuvre, la vue du corps aurait donné la nausée à n’importe qui, même le commissaire, qui y était habitué depuis le temps, semblait à deux doigts de vomir. L’odeur du sang, des entrailles, des poubelles mélangé à la vue du corps en charpie dont les organes éparpillés autours du corps était atroces ; un bon nombre de passants s’étaient évanouis devant la scène, ce qui n’avait rien de plus normal.

-          Bordel, ce tueur est pas humain… commence à sécuriser le périmètre, je m’occupe des curieux.

-          Bien, monsieur.

Une fois les passants écartés, le périmètre sécurisé, l’étude de la scène pouvait enfin commencer. Les enquêteurs commencèrent leur travail, qui au vue de l’état de la victime, allait être long, mais depuis le début de cette séries, ils commençaient à être bien rodés et se doutaient de ne trouver, une fois de plus, aucun indice. Les morceaux du corps avaient été envoyés à l’inspection et il ne restait que l’étude du terrain. Le jeunot s’occupait de surveiller la zone, bien qu’il n’y ait rien à faire, il observait tout du mieux qu’il put, et un détail retint son attention.

-          Chef, la femme avait les cheveux de quelle couleur ?

-          Elle était brune, pourquoi ?

-          Ben… Y’a des cheveux gris coincé ici.

-          Quoi ? On aurait enfin notre première piste ? Bon boulot le jeunot !

-          Merci, monsieur !

La mèche de cheveux avait été prélevé et envoyé à analyse, enfin l’affaire commençait, depuis le temps que les autorités attendaient ce moment ! L’attente fut  longue entre la découverte de la scène et les résultats de l’autopsie et des prélèvements. L’enquête n’avançait pas, mais aucun meurtre ne fut répertorié entre temps, ce qui soulagea grandement le commissaire. Lorsque les résultats arrivèrent, l’incompréhension régnait dans les locaux.

-          Pardon ? Attendez, répétez donc.

-          Commissaire, vous avez bien entendu, l’ADN retrouvé sur les lieux du crime appartient bien à Sveinn Thorsten, décédé il y a trente ans.

-          Comment les cheveux d’un mec décédé se sont retrouvés sur les lieux du crime ?

-          Nous n’avons rien d’autre que ces informations, cet homme est un mystère.

-          Bordel !

L’enquête, censé avancer, venait de faire un bond en arrière monumental sur sa progression, une inconnue de plus était venue perturber les autorités en charge de l’affaire.

« Je t’aurais salopard, crois-moi bien, je t’aurais ! »

                Quelques jours plus tard, une partie de la ville était en ébullition, la vedette du moment préparait un nouveau concert, les jeunes demoiselles hystériques campaient devant le guichet, jouant des coudes pour être sûres d’avoir des tickets et les forces de polices se devaient de maintenir la discipline parmi le peuple.

-          T’as vu le monde Paul ? On n’aura pas nos places !

-          T’en fait pas Juliette, on les aura, y’a largement assez de place, mais fais attention aux furies à côté !

Aucun incident ne s’était produit depuis le dernier meurtre et le commissaire avait décidé de surveiller la zone, le grand nombre de victimes potentielles allaient surement attirer Sveinn, ils avaient décidés de le nommer ainsi en attendant de découvrir sa véritable identité. Il observait donc la zone depuis l’ouverture des guichets, et il resterait ainsi jusqu’à la fin de l’évènement lors duquel il était sûr qu’il allait se passer quelque chose qui ferait enfin véritablement avancer son enquête.

                Dans sa loge, l’artiste se préparait avant sa remarquable entrée sur scène. Il était tôt et pourtant, des cris résonnaient dans la salle. Il avait refusé que des assistants s’occupent de lui, jamais il ne se résoudrait à se laisser tripoter par des inconnus. Il avait donc choisit lui-même sa tenue : des bottes de haute marque dans un style métallique, un jean délavé, large auquel était attachées quelques chaines et un manteau long, noir et stylisé lui arrivant aux bas des jambes et laissant son torse apparent. Il s’était maquillé comme à son habitude, un peu de crayon sous les yeux, un peu de mascara et le tour était joué, il arborait un regard capable d’enflammer instantanément n’importe quelle imagination ou désir d’une des demoiselles qui assistaient à ses concerts. Il se posa un instant, admira son reflet quelques minutes puis pris le temps de peigner tranquillement sa chevelure argentée, peu commune, qui faisait aussi partie de son charme. Il attacha, comme à son habitude, les trois clochettes qu’il avait gardées depuis des années.

-          Chef, la sécurité est en place !

-          Bien, on aura ce salaud !

-          Vous en êtes sûr chef ? J’ai des doutes, il doit s’y attendre je pense…

-          On verra bien qui sera le plus malin entre nous !

La soirée promettait d’être passionnante et tous étaient prêts à faire face à leurs devoirs. La police avait déployé un bon nombre d’agents, la salle en fourmillaient, certains étaient habillés en civil afin de se fondre plus facilement dans la masse, si le tueur devait agir, il se ferait coincer, et en beauté.

                L’artiste, s’éclaircit la voix, chantonnant doucement, prêt à donner un spectacle grandiose, à la hauteur de sa beauté. Il entendait la foule en délire et en sueur, tandis que lui était au calme et se reposait, la vie d’artiste était tranquille et elle était surtout faite pour lui. Il peigna de la main ses longs cheveux argenté, entendant au passage le son apaisant de ses clochettes. Il se tenait juste à côté de la scène, caché de la vue des fans. Un pas. Une explosion de cris et de hurlements. Il sentait sur lui la chaleur des projecteurs, l’odeur de la sueur emplissant la salle, le son assourdissant des musiciens jouant de leurs instruments, le batteur frappant frénétiquement le rythme sur sa batterie, les guitaristes faisant danser leurs doigts sur les cordes, et il sentit à ce moment, l’excitation le gagner, les battements de son cœur s’accorder avec le rythme, il prit le micro et dans une expiration, il commença à chanter. Il cria ce qu’il avait dans le cœur, la folie qui n’attendait que le bon moment pour sortir et apporter avec elle les moments de liesse qui lui sont propres. Il chanta sa joie, sa passion et sa fougue. Dans ses chansons il pouvait tout se permettre publiquement. Devant des centaines de témoins, il hurla sa folie, et personne ne retint son message, comme toujours...

                Le commissaire surveillait la foule en délire. Il ne s’était encore rien passé et pourtant la folie avait gagné chacun des spectateurs dont beaucoup étaient influencés par les effets de l’alcool. Il vit l’artiste arriver sur scène. Un bel homme à la chevelure étonnante se dressait fièrement face au public.

« Mouais… C’est vrai qu’il en impose, mais pas de quoi devenir hystérique ! »

Il avançait sur la scène calmement, un sourire aux lèvres, le manteau voletant au rythme de ses pas. La musique commença et sa voix s’y entremêla agréablement bien. Bien que le policier n’aima pas ce genre de musique, il comprit pourquoi autant de personnes venaient le voir, bien que les paroles semblait parler des effets bénéfiques de la folie…  Le commissaire dû supporter le concert durant quatre heures, demandant régulièrement des nouvelles, cherchant de son côté la présence d’un potentiel tueur en série. La seule idée qui lui vint fut de soupçonner le chanteur, ses cheveux gris pourraient être ceux retrouvés sur les lieux du crime, et cette couleur n’était pas commune. Une fois le concert fini il se dirigea vers les loges dans le but d’interroger le chanteur, ce qui fut une tâche relativement rude puisqu’il était évident qu’une célébrité était très bien entourée. Il réussit tout de même à parler avec le chanteur, après moult discussion avec les gardes.

-          Bonsoir, j’irai droit au but, je vous soupçonne d’avoir tué onze personnes dans les six derniers mois.

-          Pardon ? Vous me prenez pour qui là ? Je ne me laisserais pas insulter de la sorte !

-          Je ne vous insulte pas, je fais coïncider les éléments que l’on a déjà. Pouvez-vous nous donner quelques-uns de vos cheveux s’il vous plait ? Si vous refusez, vous n’en serez que plus soupçonné.

-          Désolé, quand vous aurez une autorisation écrite d’accords, en attendant, c’est non. Sortez maintenant !

« Quel pas aimable celui-là ! »

Le commissaire repartit de la loge et se dirigea vers son unité, un sourire discret aux lèvres, il avait tout de même ramassé un long cheveu argenté, sa soirée était réussie.

« Sveinn, je te tiens sûrement ! »

-          Messieurs, je pense que nous allons bientôt avancer ! On continue les rondes jusqu’à ce que tout le monde soit parti, allez !

Tout en contemplant le cheveu d’argent, il se perdit dans ses pensées. Si l’ADN était bien le même, alors la ville avait une star morte depuis des années faisant son show régulièrement…

                Après le concert, Paul et Juliette prirent le chemin du retour tranquillement, à la lumière des lampadaires et du quartier de lune. Cela faisait quelques mètres que Paul sentait un regard sur lui, quand il se retourna, il vit une silhouette encapuchonné, au torse nu et aux cheveux argentés tombant en cascade par-dessus.

-          Cours Juliette !

Elle se mit à courir, mais en face d’elle se dressait un autre homme, vêtu de la même façon, avec les mêmes cheveux, une copie parfaite de la première personne. La demoiselle se colla contre son frère, paniquée tandis que Paul tenta une attaque avec son canif lorsque leur assaillant se trouva trop proche, attaque qui manqua sa cible, ce qui valut au jeune homme d’être envoyé contre un mur dans une violente gifle. L’homme masqué s’approcha de la jeune fille et la plaqua contre le mur, dégaina son couteau et commença à le poser sur la gorge de sa nouvelle victime. Lorsque le sang commença à couler, la main de l’agresseur partit en arrière sous l’attaque de Paul, prêt à protéger sa sœur. La capuche parti en arrière sous le choc, laissant le temps à la jeune fille de voir le visage de l’agresseur, sous le coup, elle ne comprit pas de suite. Avec son autre main, il recacha correctement son visage.

-          Vite, cours ! ALLEZ !

-          Mais… Paul… et toi ? demanda-t-elle apeurée, une main sur sa gorge sanguinolente.

-          Casses-toi ! Grouille !

Elle partit en hurlant comme une furie en direction de la salle du concert. L’agresseur tenta de la poursuivre mais avant même de pouvoir bouger le jeune homme le plaqua au sol.

-          J’ai bien fais de suivre les cours de judo… Viens là fumier… Tu t’en tireras pas après ça…

-          Tu signes ton arrêt de mort gamin !

Le jeune homme fonça sur la cible en capuchonnée et ne fit pas long feu. Dans sa charge l’homme n’avait bougé que de quelques pas et il planta sa lame dans le thorax de l’adolescent. Les os craquèrent sous le choc et le jeune homme mourut sur le coup. L’homme laissa le corps ainsi et parti à la poursuite de la jeune fille.

-          A l'aide !

Le commissaire se retourna et vit courir vers lui une jeune demoiselle en proie à la panique. Elle avait sa main posée sur son cou et il pouvait voir que le sang avait coulé un bon moment.

-          Apportez une serviette et appelez les urgences !

-          Y’a… y’a… c’est lui… le… il est venu… et…

-          Calme-toi, aller, assieds-toi et raconte-nous.

-          NON ! Il faut sauver mon frère ! il va le tuer !

-          Quoi ! Qui ça ?

-          Un homme… il était avec un manteau, et des cheveux gris… et… et ses cheveux brillaient à moitié… mon frère… dans la rue vers la mairie…

-          Allez ! On y va ! Le jeunot, tu t’occupes d’elle, allez, allez !

Il partit avec un groupe d’homme vers la ruelle qu’indiquait la demoiselle et juste en partant, il entendit un bruit sourd accompagné d’un petit cri faible. Il se retourna et vit un poignard planté dans le cou de la jeune fille. Elle s’effondra, le sang coulant à flot de la blessure et la jeune adolescente déjà morte. Le jeune assistant tenta de retirer le couteau de la plaie mais ce dernier disparut, comme s’il n’avait jamais été là.

-          Bordel ! Il est où ?

Il eut beau chercher autour, il ne trouva nulle part le tueur. Encore une fois il avait été impuissant, et là, il s’agissait d’une jeune adolescente qui s’était fait tuer, son frère avait sûrement subit le même traitement. Ils arrivèrent trop tard. Le jeune frère était allongé par terre, et bien qu’il ne fut pas déchiqueté, son cœur était tout de même sorti et posé sur ses lèvres. L’affaire avait avancé à grand pas avec les deux jeunes, désormais, il savait qui était le tueur, il l’a su dès qu’il a vu l’artiste.

Le lendemain le commissaire reçut l’autorisation de ses supérieurs de l’arrêter, il allait enfin coffrer la personne qu’il pourchassait depuis des mois. Il allait venger la mort de toutes ces victimes, et notamment celle des deux adolescents. Il avait décidé d’aller voir lui-même la famille afin d’expliquer ce qui s’était passé. Les parents étaient en pleurs, au bord du désespoir et souhaitaient voir le « monstre » enfermé à jamais, c’était aussi ce que voulaient les autorités.

-          Monsieur, on fait quoi ? On reste ici à attendre l’autorisation d’arrestation ?

-           A ton avis ? Idiot de jeunot va !

-          Je suis désolé, j’apprends Monsieur… Il est là, Monsieur…

-          Quoi ?

Dans le hall du commissariat se tenait un homme encapuchonné vêtu d’un long manteau dont le seul signe distinctif était ses cheveux argentés reflétant les rayons agressifs du soleil de novembre. Dans un silence morbide, le commissaire se leva et l’étranger retira sa capuche, faisant tinter les clochettes attachées à ses cheveux. Malgré sa petite taille, il imposait le respect et la terreur, son regard exprimait toute la folie, la cruauté et la haine dont il pouvait faire preuve, et le bleu clair tirant sur une couleur proche du blanc donnait une impression de froideur à sa personne. Il arborait un sourire carnassier, laissant entrevoir une dentition parfaite, ce qui contrastait avec son apparence générale séduisante et attirante même si son manteau cachait son corps et n’en révélait qu’une silhouette mal dessinée qui paraissait toutefois svelte.

-          Bien le bonjour, messieurs.

Le commissaire pesta à voix haute, tremblant de rage face au tueur qui se tenait tranquillement devant lui avec désinvolture.

-          Salaud… Tu viens te rendre ?

-          Oui, je me suis fait avoir et le jeu ne m’amuse que moyennement désormais.

-          Le « jeu » ? Parce que tu prends ça pour un jeu ?

-          Et bien… oui. Comment voudriez-vous donc que je le prenne ? Allez-y, je me rends.

Le commissaire s’avança, le menotta et l’emmena dans une cellule, dans l’attente de l’interrogatoire.

« Je suis sûr qu’il complote quelque chose… Je trouverai quoi ! On a enfin ce fumier ! »

16 novembre ; 11h :

Une mélodie. Un sifflement agréable à l’écoute, envoutant. Le commissariat était brisé par cette mélodie chantonnée. Perdant patience et refusant le moindre geste de la part du criminel du moment, le commissaire s’avança de la cellule de Sveinn.

-          Tu vas te taire fumier ?

-          Mon air vous dérange-t-il donc à ce point ?

-          Ton être complet me répugne.

-          Si vous étiez une musique, vous seriez fort difficile à interpréter.

-          Ferme-la en attendant.

16 novembre ; 13h20 :

-          Je sais que je n’ai pas le droit de vous poser des questions en dehors de l’interrogatoire mais… pourquoi vous avez tué tous ces gens ?

-          Vous êtes le nouveau c’est cela ?

-          Oui, comment le savez-vous ?

-          Question qui n’aura sa réponse que dans votre esprit le moment venu, mon cher. Je n’ai tué ces personnes que pour une seule et unique raison : l’incompréhension.

-          Comment ça ?

-          Vous le saurez bientôt, mon heure approche.

16 novembre ; 15h :

-          Commissaire ? Puis-je avoir votre attention un instant je vous prie ?

-          Bordel… tu vas me déranger encore longtemps aujourd’hui ?

-          Je suis plutôt sage, commissaire...

-          Tu veux quoi ?

-          Je suis croyant en une religion qui ne regarde que moi et j’ai besoin de faire mon rituel tous les jours, pouvez-vous m’aider ?

-          Ça dépend, tu ne sortiras pas d’ici, qu’est ce tu veux ?

-          Juste une bougie. Et puisque je vais bientôt être jugé, je peux connaitre votre nom ?

-          Craff. J’vais te chercher ta bougie et après tu nous fiche la paix.

-          Merci, Mr. Craff.

Le commissaire partit, laissant derrière lui le tueur arborant un visage mystérieux et figé par la folie. Sveinn récupéra quelques minutes plus tard sa bougie, qu’il alluma puis partit au fond de sa cellule, silencieusement.

16 novembre ; 15h10 :

« J’vais le tuer, j’vais le tuer s’il se la ferme pas ! »

Sveinn semblait fredonner un air qu’il n’avait jamais adapté dans ses reproductions. Le chant était étouffé et emplissait la pièce. Le jeune assistant était assis à son bureau et donnait l’impression d’être à deux doigts de la dépression. Le commissaire lui-même était énervé.

Dans son coin, Sveinn fredonnait son air, se laissant aller à son rituel. Mr. Craff s’approcha de la cellule et observa le détenu. Il était assis en tailleur face à la bougie, immobile, ses longs cheveux argentés retombant devant lui et le simple fait de voir ses yeux fermés le rendaient presque normal. Bien qu’il sembla calme et en paix avec le monde autour de lui, il était au plus profond de lui, bien ancrée, la personnification de la folie que seul la mélodie trahissait.

16 novembre ; 17h30 :

-          Bien, alors, Sveinn Thorsten ? Vous avez le droit de demander un avocat pour votre défense.

-          C’est bien moi et un avocat me sera inutile.

-           Vous êtes coupable de treize meurtres.

-          Oui, je le sais, je connais toutes mes victimes.

-          Pourquoi les avoir tuées ?

-          Personnes ne comprend réellement ce que j’explique.

-          Ce que vous expliquez ?

-          Quand je chante, tout le monde s’extasie mais personne ne comprends vraiment le sens de la musique.

Le criminel était menotté, attaché à la chaise et à la table, incapable d’effectuer le moindre mouvement, ce qui permettait au commissaire de l’interroger sans craindre pour sa vie. Sveinn plongeait son regard dans celui de Craff, le laissant perplexe, mais il ne se laissa pas distraire par les yeux du tueur.

-          Ce n’est que de la musique, et vous commettez ces meurtres à cause de leur incompréhension ?

-          « Que de la musique » ? Vous n’êtes rien ! Vous êtes mortel et la musique est éternelle ! Vous n’êtes rien !

Sveinn commençait à s’énerver, le commissaire craignait que les liens le retenant ne lâchent.

-          Oh ! oh ! oh ! On se calme là ! Vous avez votre point de vue, j’ai le mien. Vous ne pouvez pas tuer des gens parce qu’ils comprennent pas votre musique.

-          J’ai tous les droits, je suis votre contraire, monsieur l’agent. Vous et le reste des hommes, êtes mon contraire.

-          Comment ça Sveinn ?

Il se tut. Le silence commençait à se faire pesant. Sveinn était redevenu calme. Son visage était grave, puis il se dessina un sourire et son regard devint moqueur et sadique. Il commença à fredonner une petite mélodie mélancolique aux intonations surprenantes.

-          Croyez-vous aux anges ?

-          Non. Pourquoi cette question, monsieur le commissaire ?

-          Vous disiez il y a quelques heures être croyant. En quoi croyez-vous ?

-          Je crois en l’éternel. La vie éternelle. La musique est vivante, elle résonne en chacun de nous et se poursuit à travers les générations.

-          Quel est le lien entre la musique et la vie éternelle ?

-          Moi.

-          Pardon ?

-          Je suis le lien.

La réponse laissait le commissaire perplexe. Il se tenait juste à côté du criminel, qui le regardait toujours. Il décida de changer de sujet, il n’était pas à l’aise sur les religions et les questions spirituelles.

-          Bien, une dernière question : Pourquoi ce mode opératoire dans vos crimes ?

-          La victime en charpie et le cœur sur les lèvres ? Là est votre question ?

-          Oui.

-          Le cœur est pour la représentation des émotions et le poser sur les lèvres est pour l’image de faire taire ses émotions, toujours en rapport avec ma musique. Et les mettre en morceaux… pour le plaisir.

« Cet homme est fou à lier… »

-          La folie ne se situe pas forcément chez les êtres qui semblent le paraître.

-          Pardon ?

Sveinn ne répondit pas, mais lui adressa un sourire bestial en baissant la tête, laissant ses cheveux cacher une bonne partie de son visage, et cela au son des clochettes.

-          Bien, nous avons fini l’interrogatoire, vous allez être conduit dans votre cellule puis emmener en prison, en attendant le jugement du tribunal.

Sveinn recommença à siffloter, mais le commissaire l’ignora superbement avant d’entendre le jeunot lui crier de se retourner. Il eut à peine le temps de faire demi-tour qu’il fut plaqué au mur par le tueur.

-          Comment tu t’es détaché ?

-          Comme je fais cela.

Le commissaire regarda Sveinn poser sa main sur le mur et vit cette dernière le traverser comme si la cloison n’existait pas.

-          T’es quoi fumier ?

Il se sentit de plus en plus enfoncé contre le mur, et il commença à paniquer.

-          Je te l’ai dit : je suis ton contraire, Fred…

« Comment il connaît mon nom ? Je vais mourir… Non, je veux pas… »

-          Je ne vais pas te tuer, ce serait moins drôle autrement.

Sveinn s’approcha de l’oreille du commissaire. Ce dernier semblait mal en point.

-          Les secours vont arriver d’un moment à un autre, tu vas te faire chopper et tu seras enfermé à vie, pourriture !

-          Oh que j’ai peur ! Une vie pour une vie.

Il relâcha le commissaire qui s’effondra au sol, et tenta vainement de se relever.

-          On se reverra peut-être un jour, en attendant, adieu.

Les sirènes résonnaient faiblement dans la salle et Sveinn se mit à fredonner le même air que lors de son rituel, il sortit de nulle part une dague finement ouvragée et se poignarda avec. Il regarda Fred, sourit et disparut au moment où son cœur s’arrêta de battre, laissant derrière lui l’écho de sa présence et de sa musique.

Avril 2074 : Les autorités sont en proie à l’incompréhension générale, un mystérieux criminel sème les victimes et ne laisse aucunes traces derrière son passage.

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