Renard a faim

Frédérique Panassac

Tiens, aujourd'hui, la pluie a une drôle d'allure! C'est froid, c'est blanc, ça s'accroche, ça engloutit mes pattes, ça me fait trembler. Il est bien tôt pour que la montagne mette son manteau. Moi, je n'ai pas encore le mien, je suis encore brun, mon pelage n'a pas encore pris sa couleur d'hiver pour que le renard ne puisse me voir sur tout ce blanc. Mais j'ai faim. Que vais-je manger? Plus de thym, plus d'herbe verte, plus de petites fleurs chipées à ces grands animaux sinistres qui viennent les piétiner. Il ne reste que  quelques feuilles mortes, quelques brindilles, bientôt invisibles, comment vais-je les trouver sous l'épais manteau de... Mais comment dit-on, déjà? Ah oui, la neige! Maudite neige, ma mère m'avait prévenu avant de se faire tuer par les chasseurs. Cachons-nous! Mais voilà celui qu'elle m'a appris à redouter plus encore que les bipèdes aux lourdes bottes: le renard. Je me rebiffe! Il ne profitera pas de ma faiblesse, je vais lui échapper. Je cours, je cours, je bondis, je feinte. Je me réfugie dans un trou. Mais le voilà, il m'a repéré. Je sors, je cours, épuisé, plus je cours et plus je m'enfonce. Je n'ai rien mangé depuis deux jours, et lui non plus, mais ça n'a pas l'air de le gêner, le renard, pour me poursuivre, bien au contraire. Et ces maudits poils qui ne sont pas encore blancs, il ne voit que moi, sur la neige! Soudain, le choc. Un éclair roux, une douleur à la gorge, fulgurante. Puis c'est fini, déjà fini. Je ne sens plus rien, je tombe, je tombe. Mon pelage m'a trahi, ma fatigue et la faim du renard ont fait le reste. Me voilà repas de renard pour que renard soit repu et que repos me soit accordé. J'étais un lièvre des neiges. Ainsi va la vie!


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