Rencontre dans le métro

18h00, comme tous les soirs de la semaine à cette heure-ci, Emma s’apprêtait à quitter son travail. Elle rangeait les classeurs dans les armoires, ses stylos dans le porte crayon, et éteignait son ordinateur. Il ne lui restait plus qu’à dire au revoir à son patron et elle pourrait partir. Elle se présenta devant l’entrée de son bureau.

-        Bonsoir, Monsieur, à demain.

-        A demain Emma, lui répondit-il sans lever le nez de son écran d’ordinateur.

Voilà, il ne lui restait plus qu’à enfiler sa veste et courir jusqu’à la bouche de métro la plus proche. D’ici trois quart d’heure, sa série télévisée préférée allait bientôt commencer. Hors de question qu’elle la manque !

Emma avait emménagé en région parisienne, il y a deux ans. Elle avait quitté sa région natale pour trouver un travail plus facilement. Mais c’était difficile de se faire des amis dans ces grandes villes. Elle ne connaissait personne à part Nathalie sa collègue. Mais celle-ci est mariée et a deux petites filles, donc Emma ne voulait pas s’imposer. Même si Nathalie l’avait déjà invité à diner plusieurs fois chez elle.

« 18h05 » indiquait l’écran d’information quand elle entra dans la station. Aucune perturbation n’était prévue sur les lignes qu’elle prenait. « Parfait », se dit-elle puis elle descendit sur les voies. Trois minutes à attendre avant la prochaine rame. Les voyageurs commençaient à s’entasser sur le quai.

Emma avait trouvé un siège pour s’asseoir un peu, elle sortit son livre de poche de son sac à main. Elle l’ouvrit à la page où elle s’était arrêtée le matin même et commençait à lire quelques lignes quand elle entendit un vrombissement. Elle releva la tête en direction du panneau indicateur et deux zéro clignotait, le métro approchait.

Le voilà qui entrait dans la station, Emma n’eu pas le temps de remettre son livre dans son sac. Le train s’était arrêté et les portes s’ouvrirent laissant sortir ses passagers. Les voyageurs entrèrent à leurs tours dans le train. Quand Emma entra, il n’y avait plus de places assises. Tant pis, elle resterait debout. Elle n’avait que trois stations sur cette ligne. Ensuite Emma avait un changement à faire. Elle rangea son livre dans son sac. Emma n’arrivait pas à lire debout, elle préférait se tenir à la rampe pour éviter de tomber lors des virages et du freinage.

Emma était arrivée à la station « république » où elle devait effectuer son changement, elle attendit que les personnes qui étaient devant elles, dégagèrent le passage puis elle pu sortir. La jeune femme se fraya un chemin à travers les voyageurs qui voulaient monter dans le train, en les bousculant un peu. Emma n’appréciait pas particulièrement les transports en commun mais c’était le moyen le plus simple et le moins cher pour se déplacer à Paris.

Elle traversa la station comme un robot. Elle regardait droit devant elle, ne faisant pas attention aux autres personnes ni aux petits vendeurs à la sauvette ni aux mendiants qui se trouvaient le long des couloirs ou des escaliers, interpellant les voyageurs pour quelques pièces. Après quelques mois passées à Paris, elle avait appris à ne plus les regarder. Emma n’était pas devenue indifférente mais elle essayait de se protéger de cette misère qui lui brisait le cœur à chaque fois.

Emma franchit les dernières marches qui la menaient aux quais de la ligne neuf, direction Montreuil. Le panneau indiquait 18h15 et trois minutes avant le prochain train. Tout va bien, elle était largement dans les temps. Elle se jeta sur le premier siège de libre et ressorti son livre de son sac à main. Cette fois-ci, Emma était bien déterminée à finir son chapitre.

Quand le métro arriva, Emma ne leva pratiquement pas le nez de son livre et se dirigea vers le train presque instinctivement. On pouvait entendre de la musique qui provenait d‘un des wagons. Sans s’en rendre compte Emma se dirigea et monta dans ce wagon. Elle passa devant le musicien mais sans le regarder, ni même lever les yeux. Elle alla s’assoir un peu plus loin. Ne levant toujours pas le nez de son livre, elle continuait à lire sans faire attention aux flux des voyageurs.

Le musicien continuait de jouer de sa guitare, rien ne semblait le perturber surtout pas le fait que les passagers semblaient totalement l’ignorer. Certains même étaient gênés par sa musique et poussaient quelques soupirs. Emma essayait de rester concentrer sur sa lecture mais elle avait de plus en plus de difficultés à le rester. La musique l’attirait, elle résonnait dans sa tête comme un appel. Une petite voix lui disait de lever les yeux de son livre et de regarder autour d’elle. Emma n’arrivait plus à suivre le fil de l’histoire de son roman, elle comprit qu’elle n’irait pas plus loin ce soir. Elle mit son marque page, ferma son livre et maudit le musicien qui se mettait à chanter une jolie balade. Emma se frotta le front comme si elle avait mal à la tête et ramassa son livre dans son sac.

Emma leva enfin les yeux et elle vit le musicien. La jeune femme fut admirative de sa passion à chanter et à jouer de son instrument, alors que pratiquement toutes les personnes autour de lui semblaient totalement indifférentes à son art. À présent, elle était hypnotisée par sa voix si douce et agréable. Emma la trouvait apaisante, elle sentait que rien qu’en l’écoutant elle pouvait oublier tout son stress. Tout en continuant de l’écouter, elle l’observait de la tête aux pieds. Il n’y avait pas à dire c’était un beau jeune homme d’à peine une trentaine d’année. Il avait une allure de sportif. Il devait prendre soin de sa forme physique, pensa-t-elle. Il ne regardait pas dans sa direction donc Emma pouvait l’observer sans qu’il le remarque. Il avait les cheveux blonds foncés et courts. Décidément, elle le trouvait de plus en plus attirant.

Les stations continuaient de défiler mais Emma n’y prêtait aucune attention. Elle qui d’habitude n’aimait pas les transports en commun, en ce moment s’y sentait bien. Elle était tellement distraite qu’elle ne vit pas qu’elle venait de manquer sa station. Le jeune homme regarda enfin dans sa direction. Il avait de jolis yeux noisette. Il la regarda à son tour et lui sourit. L’espace de quelques secondes, elle eu l’impression qu’ils étaient seuls dans ce wagon. Mais Emma fut surprise comme une enfant qui venait de faire une bêtise. Elle se mit à rougir et lui rendit un sourire timide. A ce moment là, Emma aurait voulu être une petite souris pour pouvoir se cacher sous son siège. Mais c’était impossible ! Puis quelque chose la ramena à la réalité, le nom de la station qu’elle vit inscrit sur le mur. Elle avait manqué sa station, elle était presque arrivée au terminus ! Sans réfléchir, Emma bondit hors du train juste au moment où le signal de fermeture des portes retentit.

Ouf, juste à temps ! Les portes se refermèrent juste derrière elle. Emma regarda le train s’éloignait. Quelle idiote maintenant il fallait qu’elle fasse demi-tour. Mais que lui était-il arrivé ? Qu’est-ce qu’il s’était passé ? La jeune femme était complètement perdue, elle réfléchit pendant quelques secondes. Il fallait qu’elle reparte dans l’autre sens. Elle n’eu pas à attendre trop longtemps pour avoir un autre train. Emma rentra tranquillement à son appartement, elle jeta en passant un rapide coup d’œil à sa boîte aux lettres. Aussitôt rentrée, Emma déposa son sac à main sur la table, enleva ses chaussures. Puis elle alluma sa télévision et s’écroula sur son canapé. Elle reprit sa vie quotidienne comme si rien ne s’était passé. A quoi ça pouvait servir d’y repenser, il fallait mieux oublier.

Le lendemain matin, Emma eu beaucoup de mal à se réveiller. Elle éteignit son radio réveil rapidement et sorti de son lit avec difficulté. Cette nuit, elle avait fait un rêve. Le beau musicien qu’Emma avait vu dans le métro s’y trouvait. Comment pouvait-elle être tombée amoureuse de ce jeune homme ? Ils ne s’étaient même pas parler. Pour Emma, cela n’arrivait que dans les films ou dans les romans à l’eau de rose. Pourtant, Emma avait bien rêvé qu’elle était mariée et avait des enfants avec ce jeune homme. Cette idée ne lui déplaisait pas.

-        Bon aller, se dit-elle à haute voix pour se motiver.

Il faut qu’elle pense à autres choses. On était vendredi, ce soir c’est le week-end. Emma aura le temps de réfléchir à tout cela mais pour le moment, il fallait qu’elle se prépare pour se rendre à son travail.

Quand Emma prit le métro, pour la première fois depuis des mois, elle observait les gens autour d’elle. En faites, inconsciemment elle cherchait le beau musicien. Au fond d’elle même, elle espérait le voir monter dans le métro à chaque fois que les portes s’ouvraient. Quand Emma sortit de la station pour se rendre à son travail, elle fut triste sans comprendre pourquoi.

-        Bonjour Emma, lui dit une voix féminine quand elle entra dans son bureau.

C’était sa collègue Nathalie, elle commençait le travail plus tôt qu’Emma. Ainsi, elle pouvait partir plus vite le soir pour récupérer ses enfants à la sortie de l’école.

-        Salut Nathalie, lui répondit-elle.

Elles partageaient le même bureau, Nathalie remarqua très vite que sa collègue avait de petites cernes sous les yeux.

-        On dirait que tu n’as pas beaucoup dormi cette nuit. Alors comment s’appelle-t-il ? lui demanda-t-elle pour la taquiner un peu.

-        Je ne sais pas, soupira Emma.

Voyant l’air surpris sur le visage de sa collègue, Emma se reprit.

-        Pardon, je n’ai pas compris ta question.

-        Tu as de petits yeux fatigués ce matin. Je voulais juste savoir comment s’appelle le jeune homme avec qui tu as passé la nuit ? lui demanda Nathalie avec un petit sourire.

-        Mais je n’ai passé la nuit avec personne ! s’emporta Emma.

-        D’accord ne te fâche pas ! Je voulais simplement plaisanter mais je vois que tu n’es pas d’humeur, lui dit Nathalie qui ne comprit pas la soudaine mauvaise humeur d’Emma.

-        Désolé, je ne voulais te blesser. Je ne comprends pas moi-même ce qu’il m’arrive, lui répondit Emma qui cherchait à se faire pardonner.

-        Bon oublions tout ça mais si tu as des problèmes tu peux m’en parler, la rassura Nathalie.

-        Merci Nat.

Le sujet semblait clos, elles reprirent donc le travail comme si rien ne s’était passé jusqu’à leur pause déjeuner.

Emma et Nathalie étaient attablées l’une en face de l’autre dans la petite pièce qui leur servait de cuisine. Emma était dans ses pensées et ne semblait pas avoir un grand appétit. Sa collègue l’avait remarqué mais elle n’osait pas lui dire. Au bout de quelques minutes, Nathalie ne pu résisté à lui faire la remarque.

-        Tu n’as pas faim aujourd’hui ?

-        Non, pas tellement.

-        Ne te fâches pas mais je te trouve pas très en forme depuis ce matin. Tu es sûre que tu ne veux pas me dire ce qu’il s’est passé hier soir, lui demanda Nathalie.

Parfois Nathalie se comportait comme une grande sœur avec Emma. Sa famille étant loin, Emma était ravie qu’une personne veille sur elle.

-        Et bien, c’est compliqué à expliquer. Ce n’est rien de grave. C’est même ridicule, je suis sûre que tu vas rigoler quand je vais tout te raconter.

-        Mais non, allez raconte-moi tout, la rassura Nathalie qui mourrait d’envie de tout savoir.

Emma commença donc son récit et Nathalie l’écouta sans rien dire, ni même sourire. Pourtant Emma guettait la moindre de ses réactions. Quand elle eu terminé son récit, Nathalie lui sourit enfin et lui dit tout simplement.

-        Je vais te donner mon diagnostic : tu es tout simplement amoureuse de ce jeune homme. Je te rassure ça se soigne.

-        Ce n’est pas drôle. Je me trouve complètement ridicule. Je n’ai même pas échangé un mot avec lui. Je ne sais pas comment il s’appelle, ni où il vit, ni ce qu’il fait dans la vie.

-        Tu n’as pas besoin de connaître toute sa vie pour tomber amoureuse de quelqu’un. C’est ce qu’on appelle un coup de foudre. Cela arrive à des milliers de personnes, certaines histoires d’amour commencent de cette façon, lui dit Nathalie comme si c’était une évidence.

-        Jamais cela ne m’était arrivé, dit Emma en y réfléchissant.

-        Alors cela veut peut-être dire que c’est l’homme de ta vie. Il ne faut pas que tu le laisses partir.

-        Mais pour ça, il faudrait que je le retrouve, dit Emma désespérée.

-        Je reconnais que retrouver un musicien qui joue dans le métro sans connaître son nom ne va pas être une tâche facile. Mais il existe peut-être des solutions. Tu connais les journaux distribués gratuitement à la sortie des stations de métros ?

-        Oui, bien sûr. Je les lis de temps en temps, dit Emma qui ne voyait pas où Nathalie voulait en venir.

-        Il y a une rubrique « annonce » dans laquelle bien sûr tu peux passer un avis de recherche pour ton musicien que tu as rencontré. Mais je crois qu’il existe aussi un site internet pour ce genre de rencontre, lui expliqua Nathalie.

-        Je ne pensais pas que ce genre de rencontre était si courant, dit Emma qui semblait étonnée.

-        Tu vois, tu es une personne tout à fait normale. Les transports en commun sont devenus un lieu de rencontre, lui expliqua Nathalie.

-        Je te remercie pour ton aide. Je n’ai plus qu’à me renseigner. Mais je ne sais pas si j’ai vraiment envie de le rencontrer.

-        C’est toi qui décides mais si tu n’essaye pas, tu ne sauras jamais si vous étiez fait l’un pour l’autre.

-        Merci pour ton aide et ton conseil, lui dit Emma.

-        De rien, lui dit Nathalie qui était réellement sincère.

Nathalie acquiesça et lui sourit. Elles changèrent de sujet de conversation. Peu avant la fin de leur pause, Emma décida de jeter un rapide coup d’œil sur internet. Effectivement, elle trouva le site dont lui avait parlé Nathalie. Emma lut plusieurs messages de voyageurs qui passaient des annonces pour retrouver les personnes qu’ils avaient rencontrées, croisées dans les transports en commun. Certains paraissaient pleins d’espoir mais d’autres semblaient désespérés. Ces messages sont des bouteilles jetées à la mer, pensait Emma. Elle quitta internet pour se remettre au travail. Emma essayait de mettre de côté ses pensées pour son musicien pour mieux se concentrer. Et la jeune femme réussit tant bien que mal jusqu’à dix-huit heures, l’heure de son départ. Ce qui la rendait plus joyeuse c’est qu’elle était en week-end et qu’elle aurait tout le loisir de penser à son musicien. Maintenant, Emma avait admis ses sentiments et elle voulait tout faire pour pouvoir les exprimer librement. Cela lui semblait complètement fou. Jamais elle ne faisait des choses qui lui semblaient folle. Mais cette fois-ci elle voulait se laisser guider par ses sentiments.

La première chose qu’Emma fit quand elle prit le métro, c’est de le chercher des yeux mais elle se rendit compte de son erreur. Il fallait plutôt qu’elle tende l’oreille. Rien, aucun son mélodieux ne se faisait entendre, ni dans le métro ni dans les stations où il s’arrêtait. Emma restait assise et baissa les yeux en signe de défaite. Ce n’est pas aujourd’hui qu’elle pourrait lui parler face à face, Emma l’avait compris. Toutefois, quand la personne qui était assise à côté d’elle se leva, celle-ci remarqua qu’il y avait sur son siège un journal. Celui dont lui avait parlé Nathalie. Emma décida de le feuilleter un peu, et trouva la rubrique des annonces. La jeune femme y lu les mêmes messages qu’elle avait vu sur le site internet, cette après-midi. Emma se dit qu’elle pourrait passer un message dans le journal. Il y avait des chances pour que le musicien lise le journal et qu’il se reconnaisse. Emma se pressa pour rentrer à son appartement. Elle avait hâte de concrétiser son idée. A peine rentrée, elle fouilla sur son bureau pour trouver son bloc-notes et un stylo. Emma s’installa devant la table de sa cuisine. Devant sa feuille blanche, elle réfléchit quelques minutes puis les mots lui vinrent naturellement. Elle laissait glisser son stylo sur le papier. La jeune femme sentait que c’était son cœur qui lui dictait les mots qu’elle écrivait. Une fois qu’Emma pensa avoir terminé, elle se relut.

« Toi jouant ta douce musique, moi hypnotisé. Nos regards se sont croisés. J’aimerai te rencontrer. Contacte-moi. »

Emma parut satisfaite. Elle retira la feuille du bloc-notes et rangea celui-ci à sa place. Elle plia la feuille en deux et la rangea dans le tiroir de sa table de nuit. Lundi, Emma recherchera l’adresse du journal et elle pourrait envoyer son annonce. Le reste du week-end, elle vaguait à ses occupations. Toujours en ayant à l’esprit son bel inconnu. Partout où Emma se rendait, elle espérait au fond d’elle le voir apparaitre, dans un rayon de son supermarché, au coin de sa rue, aux abords de sa station de métro, bref n’importe où.

Le lundi, Emma reprit le travail. Elle rechercha l’adresse du journal pour déposer son annonce. Avec l’aide de sa collègue, Emma la trouva et elle posta son enveloppe pendant sa pause déjeunée. Emma regretta d’être venue travailler, sa journée fut épouvantable. Une montagne de travail qui n’était pas prévu lui tomba dessus et son patron ne fut pas très conciliant. Le soir, Emma était complètement fatiguée. Elle n’avait pas le courage de se cuisiner un diner. Alors Emma décida de s’arrêter en chemin dans un restaurant de restauration rapide et d’emporter son diner chez elle. La jeune femme entra dans le restaurant, consulta rapidement les menus proposés puis elle alla attendre devant la première caisse qui se présenta. Emma attendit quelques minutes que la personne devant elle fut servie, puis se fut son tour. Emma se présenta devant le caissier mais elle ne pu prononcer un seul mot. Emma le reconnu, c’était bien lui. C’était le musicien juste devant elle. Pourtant aucun mot ne pu sortir de sa bouche, elle vu rapidement son nom sur l’étiquette qu’il portait sur sa chemise. Emma sentit qu’elle commençait à rougir, elle avait l’impression que tous les clients la fixaient du regard. Le caissier finit par lui demander :

-        Mademoiselle, que voulez-vous commander ?

Emma fut prise de cours et préférait s’enfuir.

-        Rien désolé, dit-elle.

Emma tourna les talons et parti en courant.

C’était elle, il l’avait reconnu. La jeune femme dont il avait croisé le regard dans la rame de métro. Depuis, il n’avait pu oublier son regard, son sourire. Son collègue qui se trouvait à la caisse à côté de lui, lui adressa la parole.

-        Si tu continus à faire fuir nos clients, le manager va te passer un savon.

Son collègue se mit à rire. Thomas n’y prêta aucune attention et prit la commande du client suivant. Son collègue et ami recommença à le taquiner à la fin de leur service alors qu’ils se changeaient dans le vestiaire.

-        Tu lui as fait de l’effet à cette cliente tout à l’heure !

-        Ce n’est pas l’effet que j’avais espéré.

-        Qu’est-ce que tu veux dire ?

-        J’ai déjà croisé cette personne un soir où je jouais dans le métro. Mais elle est descendue avant que je puisse lui parler.

-        Elle parait plutôt fuyante cette fille.

-        Elle est peut-être tout simplement réservée. Il faut que je la retrouve pour lui parler, dit-il en pensant à haute voix.

Thomas referma son placard et quitta le vestiaire. Il rentra chez lui alluma son ordinateur portable et se connecta sur internet. Lui aussi avait entendu parler d’un site qui permettait de retrouver une personne rencontrée dans les transports en commun. Il y déposa un message pour la jeune femme de ses rêves. Depuis que Thomas l’avait vu, il rêvait d’elle pratiquement toutes les nuits. Elle a de magnifiques yeux bleus et de longs cheveux bruns qui tombaient sur ses épaules. Dans ses rêves, le jeune homme pouvait lui tenir la main, la serrer dans ses bras ou encore lui chanter des chansons à l’oreille. Thomas ressentait une forte attirance pour cette jeune femme. Son inconnue était devenue pour lui une source d’inspiration pour écrire ses chansons. Il devait la retrouver pour lui déclarer son amour.

Emma courut jusqu’à la station de métro où elle trouva un siège pour s’asseoir. Elle devait reprendre son souffle et tout son corps tremblait comme une feuille. Elle se trouvait si ridicule et honteuse. Emma sentait les larmes monter aux bords des yeux. « Thomas » c’était le prénom qu’elle avait lu sur son badge. Maintenant, elle était en colère contre elle-même. Il était juste en face d’elle, elle aurait pu lui parler. Mais ce n’était pas la première conversation qu’elle s’était imaginé. Une rame de métro arriva. Emma y monta pour rentrer chez elle. Toutes ces émotions l’avaient vraiment épuisé. Elle ne mangea pratiquement pas et se mit directement au lit.

Le lendemain, le réveil fut difficile comme si Emma avait veillé toute la nuit. Les jours qui suivirent, elle se sentait amère. Pourtant, Emma ne perdait pas l’espoir qu’elle pourrait rencontrer à nouveau Thomas. Parfois elle aimait prononcer son prénom à haute voix. La jeune femme savait que c’était absurde mais c’était plus fort qu’elle. Il lui arrivait de rester devant sa fenêtre et de se demander : « où te trouves-tu Thomas ? ». Emma était repassée devant le restaurant où il travaille mais elle ne l’y avait pas vu. Emma ne voulait pas se renseigner auprès de ses collègues. Elle n’osait même pas entrer dans le restaurant, elle s’y était déjà rendue ridicule. Emma n’avait eu aucune réponse de son annonce passée dans le journal. Il fallait qu’elle jette un coup d’œil sur le site internet. Peut-être que le musicien y aura déposé une annonce. Le lendemain, à son travail, Emma regarda rapidement sur le site qu’elle avait vu, mais elle ne trouva aucune annonce la concernant. En effectuant une recherche plus approfondi, Emma constata qu’il y avait plusieurs autres sites consacrés aux rencontres dans les transports en commun. Elle essaya de retrouver la trace de Thomas, en lisant un maximum d’annonces. Mais c’était impossible, la jeune femme ne pouvait pas toutes les lire. Désespérée, Emma préféra abandonner.

Ce message que Thomas avait posté sur internet était une bouteille à la mer, il le savait très bien. Thomas avait pris quelques jours de congé. Il en profitera pour jouer sur un maximum de ligne de métro sur différentes plages horaires pour essayer de la retrouver. Le jeune homme savait que s’il ne retrouvait pas la jeune femme de ses rêves cette semaine, il avait peu de chances de la rencontrer à nouveau par hasard. Thomas ne connaissait pas son emploi du temps. En faites, il ne savait rien d’elle. Il ignore où elle travaille et où elle vit. Thomas l’avait vu sur la ligne neuf, était-ce le trajet qu’elle utilisait tous les jours pour aller travailler ? Ou est-ce qu’elle était allée voir des amis. Il se trompait peut-être complètement, elle ne vivait peut-être pas du tout à Paris, elle était peut-être seulement de passage. Qui sait, elle était peut-être déjà très loin. Thomas soupira, cela faisait beaucoup de « peut-être ». Il n’avait plus qu’à espérer que ce serait sa semaine de chance. Thomas décida d’accorder sa guitare et de répéter quelques morceaux qu’il avait l’intention de jouer dans le métro cette semaine. D’habitude, Thomas ne jouait que des reprises de chanteurs connus mais cette fois-ci, il voulait innover un peu en chantant la chanson qu’il avait écrite pour son inconnue. Depuis deux ans, Thomas sillonnait les lignes de métros. En toute illégalité, c’est vrai mais il avait manqué de peu le casting organisé par la RATP. Il retentera sa chance l’année prochaine. C’est pour cela qu’il connaissait les lignes de métro sur le bout des doigts. S’il jouait dans les transports en commun ce n’était pas pour faire l’aumône mais pour essayer de se faire connaître. Thomas rêvait de jouer en concert dans des grandes salles. Mais pour le moment, il espérait seulement qu’une personne remarque sa musique et soit conquis au point de lui proposer d’enregistrer la maquette d’un disque. Après tout c’était peut-être une chance d’avoir raté le casting, sinon il n’aurait jamais rencontré son inconnue.

Les parents d’Emma s’inquiétaient, surtout sa mère. Emma avait l’habitude de les appeler toutes les semaines. Mais la semaine dernière, la jeune femme ne l’avait pas fait. Sa mère décida donc de prendre son téléphone et de l’appeler. Au bout de quelques sonneries, elle entendit :

-        Allô.

-        Bonjour Emma, c’est maman.

-        Salut maman. Tu vas bien ? demanda Emma timidement. Elle savait qu’elle n’avait pas appelait ses parents la semaine dernière comme à son habitude. La jeune femme se doutait que sa mère devait être morte d’inquiétude.

-        Pourquoi tu ne nous as pas appelés la semaine dernière ? Il ne t’est rien arrivé de grave j’espère, la questionna sa mère.

-        Ne t’inquiète pas maman, tout va bien. J’ai eu une semaine de travail difficile. J’étais fatiguée et j’ai oublié de te téléphoner.

Emma mentit à sa mère. C’est une chose qu’elle n’avait pas faite depuis plusieurs années.

-        Tu m’en veux ? lui demanda Emma.

-        Non, si tu vas bien tant mieux mais la prochaine fois passe un petit coup de fils. Je serai plus rassuré. Tu devrais peut-être prendre quelques jours de vacances et venir nous voir. Ce week-end, ton frère sera là, avec sa femme.

-        Je vais en parler avec mon patron. Je ne suis pas en retard dans mon travail. Il va peut-être accepté. Ça va me changer les idées de venir vous voir. Je te promets que tout va bien, maman. Je vais devoir te laisser. Embrasse papa pour moi.

-        D’accord, tu nous tiens au courant. Je t’embrasse et je te dis à bientôt.

Emma et sa mère raccrochèrent en même temps. Emma se rendit compte que cette histoire avait vraiment perturbé sa vie. Sa mère avait raison, quelques jours de vacances à la campagne avec sa famille lui feront sûrement du bien. Emma se demandait même si elle ne devait pas chercher un nouveau travail. Il était peut-être tant qu’elle rentre chez elle, en province.

Le lendemain matin, Emma présenta sa requête à son employeur. Il n’y voyait aucune objection.

-        Si vous n’avez pas de retard dans votre travail, prenez le reste de la semaine et reposez-vous. Vous avez l’air d’en avoir besoin.

Emma retourna dans son bureau où elle expliqua la situation à sa collègue.

-        Tant mieux pour toi, tu n’as beaucoup pris de congés cette année. Et puis avec ce temps libre tu vas pouvoir retrouver ton musicien. Tu ne m’as pas raconté où tu en étais dans ta recherche.

-        Je n’ai rien trouvé d’intéressant mais de toutes façons, je ne vais pas passer mes vacances à sa recherche. J’ai plutôt envie de tirer un trait sur lui. Je vais faire un peu de shopping demain au centre commercial et j’irai chercher des billets de trains pour rentrer voir ma famille, lui expliqua Emma.

-        Je vois que tu as déjà tout prévu, lui dit Nathalie qui n’avait pas envie de s’étendre sur le sujet.

Les deux femmes se remirent au travail et au moment de partir, Nathalie souhaita à Emma de passer de bonnes vacances. Emma était convaincue qu’elles se passeront bien.

Le lendemain comme prévu, Emma se rendit au centre commercial. Les magasins étaient un peu moins fréquentés en semaine. Elle pu à sa guise faire ses achats. La veille au soir, Emma avait téléphoné à ses parents pour leur annoncer qu’elle serait bien là pour le week-end. Sa mère se réjouissait d’avoir ses deux enfants pour le week-end. Emma fila rapidement à la gare Montparnasse pour aller chercher ses billets de trains pour le lendemain. En quittant la gare pour prendre le métro, elle entendit un message qui disait :

« Suite à un accident grave de voyageurs, le trafic est interrompu sur la ligne six entre… »

-        Oh zut, se dit Emma.

Elle décida de prendre une autre ligne, l’interruption du trafic pouvait durer un certain temps. Emma ne voulait pas rentrer trop tard pour pouvoir faire un peu de rangement dans son appartement et aussi préparer sa valise. La perspective de passer quelques jours avec sa famille la rendait joyeuse et lui donnait une grande énergie. Après diner, Emma continua de préparer sa valise tout en regardant le journal télévisé.

« Un incident tragique c’est déroulé en fin d’après-midi dans le métro parisien. Un homme qui jouait de la musique a été happé par un métro après une chute entre le quai et la rame. L’homme est décédé une demi-heure plus tard à l’hôpital. La préfecture de police déclare le décès totalement accidentel. »

La trousse de toilette qu’elle tenait dans ses mains tomba dans un grand fracas et le contenu de celle-ci se répandit sur le sol. Emma ressentit une grande douleur au fond de son cœur. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que c’était Thomas qui était décédé cette après-midi. Bien sûr, le journaliste n’avait pas donné le nom de l’homme ni montré de photos. C’est le doute qui rendait la douleur si insupportable. Emma termina de préparer sa valise mais son enthousiasme avait disparu. Elle prit la décision de s’arrêter le lendemain quelques minutes à la station pour rendre un hommage à cet homme ou peut-être à Thomas. Mais au fond d’elle-même, Emma espérait que ce n’était pas lui.

Thomas avait entendu la rumeur selon laquelle un joueur de musique était décédé sur la ligne six. La rumeur fut confirmée quand il regarda le journal télévisé du soir. Il décida d’aller lui rendre un hommage le lendemain matin comme le feront d’autres musiciens.

Comme Thomas l’avait prévu d’autres musiciens étaient présents et jouaient de leur musique à chaque coin de la station. Ce qui donnait un brouhaha terrible.

Emma partit de chez elle en trainant derrière elle, sa lourde valise. Elle avait compté quelques minutes de plus dans son trajet, afin de pouvoir s’arrêter dans la station où avait eu lieu l’accident. En s’approchant de la station, les larmes commencèrent à monter et son cœur devenait lourd. Lorsque les portes s’ouvrirent, elle entendit le vacarme qu’il y régnait. On entendait de partout de la musique. Emma n’avait pas pensé qu’il y aurait autant de monde dans la station. La musique avait dû attirer les voyageurs. Elle avança un peu le long du quai. Puis, tout à coup, le son d’une guitare la fit tressaillir. Il provenait du quai d’en face mais Emma n’arrivait pas à voir le joueur. Puis comme dans un rêve, le voile de voyageurs s’écarta laissant apparaître Thomas. Emma se sentit si soulagée.

Quand Thomas regarda de l’autre côté du quai, il l’aperçu enfin. Son inconnue se tenait là juste face à lui. Elle le regardait comme si elle attendait un geste de sa part. Le musicien lâcha sa guitare, s’approcha du bord du quai. Il aurait voulu enjambait les rails mais c’était impossible. D’autant plus qu’un métro arrivait, Thomas voulut lui faire un signe mais c’était trop tard. Le train lui cacher la vue. Non, il ne fallait pas qu’elle parte avant qu’il le lui ait dit. Thomas courut vers les escaliers pour rejoindre l’autre quai.

Emma vit la rame de métro s’approcher mais cette fois-ci, elle ne voulait plus fuir. Emma se mit à courir vers les escaliers pour rejoindre l’autre quai, abandonnant sa valise au pied de celui-ci.

Thomas et Emma se rejoignirent sur le pallier. Ils étaient essoufflés et leurs cœurs battaient si fort. Aucuns mots ne sortirent de leurs bouches. Cela n’avait aucune importance car ils pouvaient lire dans les yeux de l’autre tout ce qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre. Thomas fit le premier pas en se penchant vers Emma pour l’embrasser. A ce moment, comme tous les amoureux, ils se crurent seul au monde.

Quand ils revinrent à la réalité Thomas demanda son prénom à son inconnue.

-        Emma. Mince j’ai laissé ma valise au pied de l’escalier ! s’exclama-t-elle.

-        Tu quittes Paris ? demanda Thomas tout à coup inquiet.

-        Non, je vais passer le week-end chez mes parents.

Thomas descendit chercher sa guitare et ils partirent tous les deux en direction de la gare. Le jeune couple fit plus amples connaissances durant le trajet. Chacun avait un pincement au cœur au fur et à mesure qu’ils approchaient de la gare. Les embrassades sur le quai durèrent un moment. Emma se décida tout de même à monter dans le train quand le contrôleur lui fit signe que le train allait partir. Un signal retentit, elle fit un signe de la main à Thomas.

-        Je viendrais te chercher à la gare, lui cria Thomas au moment où les portes se fermaient.

Emma resta le visage collée à la vitre, le regardant rétrécir de plus en plus. Emma était redevenue joyeuse. Oui, maintenant la jeune femme en était sûre, sa vie et son cœur était à Paris.