Rentrée fracassante.

« Ce matin avec ma grande sœur quand je croisais les enfants de mon âge qui allaient à l'école, je me disais que j'aurais bien aimé être à leurs places. J'aurais bien aimé avoir un papa ou une maman qui me tienne par la main ou me prenne dans ses bras, qui porte mon cartable et me fasse un bisou avant de partir en classe.

 Moi aussi j'allais à l'école, mais celle des grands, et j'avais peur.

 J'avais tellement peur d'y aller, que ce matin mon papa m'a donné une grande gifle. Moi je voulais maman, mais elle n'avait pas pu se réveiller. J'ai pleuré et suis parti sans cartable avec ma sœur qui me disait que tout se passerait bien.

J'étais angoissé, je répétais dans ma tête les choses à faire, j'avais l'impression que jamais je n'y arriverais. Après un peu de marche dans le froid face au vent, le soleil toujours endormi, Nina m'expliqua que nous étions arrivés et où nous devions patienter.

Mon petit cœur battait très fort, nous étions là comme deux ombres à attendre qu'elle arrive. Je tremblais de peur, mais expliquais à ma sœur que j'avais simplement froid. J'avais mon mot dans ma poche que je ressortis pour en relire les moindres détails. Nina guettait l'arrivée de la dame avec fébrilité. Elle est plus grande que moi avec ses 13 ans. Je l'aime beaucoup. Je sais qu'elle aussi ça lui plaît pas l'école des grands. Elle aussi a toujours peur même si elle ne le montre plus.

D'un coup Nina m'interpella en me montrant la dame qui arrivait au loin. Elle était vieille et marchait sur des chaussures à très haut talons. Elle avait l'air fatiguée. Le bruit de ses escarpins s'amplifiait avec son arrivée. Le son me résonnait dans la tête et me donnait le vertige, mon cœur palpitait d'effroi. La dame nous dévisagea puis se retourna. Je ne savais pas quoi faire, Nina le vît tout de suite et me fît signe d'attendre. Le clavier chanta sa mélodie en bip, c'est alors que ma sœur donna le signal.

Comme un ressort je suis arrivé à la gauche de la dame et lui ai montré mon mot pendant que ma sœur appuyait sur 200. La vieille dame que je croyais encore endormie eût une réaction immédiate. Elle avait compris, mais nous ne pouvions plus reculer c'était trop tard. Elle poussa vigoureusement Nina qui se retrouva propulsé à terre et appuya sur ANNULATION. Mais il fallait que nous repartions absolument avec quelque chose. Alors j'ai pris le sac que tenait fort la dame, mais en tirant elle est tombée et mal. Pendant que Nina se relevait en criant, je voyais totalement pétrifié, une grande tâche rouge vif qui s'approchait de mes pieds en grandissant de plus en plus. J'étais comme une statue et même lorsque le rouge avala mes semelles je restais immobile. 

Nina devant ma stupeur tenta de ma saisir par le bras pour partir. C'était peine perdue, le monsieur de la Poste et un de ses collègues nous attrapèrent, nous frappèrent et nous mirent à terre devant le distributeur de billets derrière la dame morte. Et puis vous êtes arrivés.

 Voilà Monsieur le policier, je voulais pas la tuer, Nina non plus vous savez.  Nous, on voudrait qu'on nous prenne, qu'on nous emmène et qu'on nous aime. Nous, on voudrait qu'une famille nous accueille, qu'on ait des copains, qu'on aille à l'école. Je veux plus entendre mon frère faire son fière parce que c'est lui que papa et maman louent le plus cher pour aller voler. Je ne veux plus que maman boive sa tristesse qui trace des tranchées de vieillesse sur sa peau. Pardon, Monsieur, pardon, Monsieur.

S'il vous plaît sauvez-moi.

Sauvez nous.

Tous ».

Christophe paris