Retrouvailles

aile68

Se retrouver au détour d'un regard, le sourire taquin, mutin d'un petit garçon grandi soudain. Tu étais le nouveau de la classe, tu arrivais de la campagne, la ville te semblait si gaie avec ses lumières et sa butte où nous jouions avec les autres enfants de l'école. On te nomma chef de la bande très vite grâce à ton charisme et les bonbons que tu achetas en échange d'une pièce de cinq francs que tu volas à tes parents. On ne te vit plus pendant cinq mercredis, belle punition pour ce larcin qui resta dans les annales du quartier. Et pourtant on n'en avait fait des bêtises comme la fois où mon frère le petit Riri mit le feu à un sapin avec Norbert à l'aide d'allumettes qu'ils avaient soi-disant trouvées près de l'épicerie. La grande Corinne était venu me dire que mon petit frère avait mis le feu à la butte. Cette fille était connue pour son sens de l'exagération, je ne me démontai pas et allai sur les lieux du "crime" prête à engueuler le "pyromane".

Se tomber dans les bras, tous deux ravis de nous retrouver, ça fait combien de temps déjà? C'est toi qui m'as reconnue, toi tu avais tellement changé mais quand tu as souri c'est le petit garçon que je connaissais que j'ai revu. On a discuté dans la rue, on a oublié l'heure et les gens qui passaient près de nous. On s'est raconté nos vies, nos joies, nos soucis, on a voulu se revoir et on s'est revu dans un salon de thé.

Tu commandes une tarte à la fraise avec un thé au caramel. Aujourd'hui tu travailles, tu as une femme, des enfants, une vie bien rangée comme la mienne. Le temps te semble bien long quand tu rentres à la maison. Tu t'ennuies en fait. Tes enfants, tu les aimes bien sûr et ta femme, tu ne la vois plus que telle une mère de famille. Tu m'as raconté tout ça alors qu'on ne s'était pas vu pendant plus de vingt ans, tu as la quarantaine amère, désabusée. Tu veux te ressaisir, reconquérir ta femme, mais y a plus de désir, il ne reste que du respect. Quelle est ma place dans tout cela? La confidente, l'ancienne copine sympa et puis? Qu'est-ce que j'éprouve pour lui, exactement? La joie d'une vieille connaissance, d'une époque heureuse, bénie. Moi je restée célibataire et veux le rester, je n'ai besoin que d'amis. J'ai failli me marier il y a dix ans mais je me suis rattrapée à temps. Parfois y a des détails qui ne collent pas, ça cafouille, c'est pas clair dans notre esprit. C'est ce que j'ai ressenti, j'ai tout arrêté.

Je te laisse me regarder, ton sourire est resté le même bien qu'un peu fatigué. Nous sommes seuls au monde avec nos souvenirs, notre passé, notre enfance joyeuse. Nous sommes comme sur un nuage en fait. Tout léger... D'une légèreté nécessaire, indispensable à toute vie. Nos regards ne tremblent pas, chacun de nous se voit dans un miroir, avec confiance et respect. Laisser l'amitié nous unir à nouveau, être plus complices que jamais.


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