Rêve en bleu: Les yeux grands fermés

icescape

 

Les yeux grands fermés je marche à genoux sur la plage, les poches percées remplies de sable. Je le sème derrière moi grain par grain pour être sûr de me perdre, de ne pas pouvoir revenir sur mes pas.

La plage descend peu à peu dans la mer, la brillante bleutée qui me pique les yeux. Je ne prend presque aucune place au milieu de nulle part. Grâce au vent je suis sourd, grâce au sable je suis lourd, assez pour ne pas m'envoler. La planète inspire lentement, bruyamment dans ses vagues lacrymales. Et moi j'expire en un silence asséché.

 

Mes poches crevées se vident et je m'envole. Le vent me pousse vers le bleu, je le frôle et mon reflet ondule au rythme de sa respiration. Le vent faiblit, j'égratigne le bleu et mon double, narcisse, éclate en millions d'étincelles. Le vent meurt d'épuisement et tout entier je transperce le bleu. Le froid humide me rend léger, je descend du sol inversé comme une feuille amputée de son arbre. Je descend dans le bleu qui se fonce en bleu nuit, là ou même la lumière fuit mes yeux. Tout me fuit. Il n'y a plus d'extérieur, je n'entend que mon seul intérieur.

 

Boum boum...Boum boum...Boum boum...

 

Avec mes jambes et mes bras je fais un nœud pour être plus compact et plus rond.

 

Boum...Boum...Boum.

 

J'ai froid aux souvenirs. Ils s'engourdissent et se figent en un bloc qui se détache pour partir dériver. Je n'ai plus ni passé ni futur. Je suis perdu, seul, au milieu de mon présent qui, déjà refroidi, est pressé de passer.

 

Boum... (silence)...Boum...

 

Je resserre le nœud, je resserre la boule, la bulle qui va se rompre.

 

Boum... (silence).

 

Petit à petit le bleu nuit s'encre de chine et je me dissous dans le noir. Dissous, je ne suis plus nulle part, je suis partout.

 

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