Reviens- moi.
eden-paragallo
Charlie Morrison n'avait toujours pas de travail stable. Parfois, il lui arrivait de décrocher un contrat par- ci par- là. Mais rien qui lui permettait de vivre de son art.
Gena Murphy, avait le même boulot pénible au Palais Hanté depuis quelques années et vivait encore chez sa mère.
Charlie et elle se voyaient de temps en temps. Parfois, ils se disaient simplement bonjour.
Plus il passait de temps avec elle, plus Charlie en tombait amoureux. Et cette insatiable incertitude grandissait dans son cœur . Celle- là même qui résonne lorsque vient la question de l'avenir. Le jeune homme refusait catégoriquement d'être éloigné de Gena. Si cette dernière n'y verrait qu'une énième couche dans son indifférence perpétuelle, lui aurait le cœur brisé et l'âme en morceaux de verres.
Gena, après quelques années de service au Palais Hanté, commençait à ressentir un besoin. Celui du changement. Elle voulait tout quitter et partir; découvrir de nouvelles merveilles, de nouveaux horizons. Malheureusement, tout cela n'était qu'un rêve; un rêve au goût amer. Cette envie la faisait saliver comme une pâtisserie au milieu d'une vitrine soigneusement décorée.
Et puis, il y avait ce type avec qui elle avait flirté l'année passée. Il revenait à la charge. Il semblait étrange; sombre et mystérieux; manipulateur et enjôleur. Lorsque Gena terminait sa journée, elle le trouvait là, assis sur le rebord de la fenêtre, une clope entre les lèvres. Ce play- boy obtenait tout ce qu'il désirait de Gena tant son inaccessibilité lui mettait la tête en vrac et son charisme lui coupait le souffle, l'empêchant de protester devant chaque petite duperie.
Charlie sombrait peu à peu. Les moments avec sa dulcinée se faisaient de plus en plus rares. Il n'étaient que trop brefs et si superficiels. Les quelques paroles prononcées ne laissaient qu'un flot de futilité aux écumes d'indifférence. Quand il la regardait quitter le pub en compagnie de ce même homme, le cœur de Charlie se serrait chaque soir un peu plus. Lui qui avait des principes, une certaine éthique de la vie, il sentait que tout cela était sur le point partir en fumée.
Gena passait très peu de temps chez elle. L'ennui la rendait malade. Elle s'occupait, pendant la majorité de son temps libre, traînait avec son amant ne prêtant aucune attention à Charlie. La jeune femme se fichait pas mal de savoir jusqu'où cette aventure la conduirait. Vivre était son unique but. Même si pour cela elle devait se laisser aspirer par celui qui lui avait fait le plus de mal; même si elle savait que la meilleure solution était d'oublier ce monstre alors qu'elle en était incapable. Parce qu'elle était faible.
'' Avec les épreuves qu'il a traversé, je ne peux pas lui claquer la porte au nez. Je ne peux pas lui faire ça.'' Se répétait- elle.
Tous les soirs, Charlie faisait un détour par la petite épicerie au coin de sa rue pour y acheter une cartouche de cigarettes mentholées et une bouteille de vodka qu'il vidait tout au long de la nuit. Il avait des milliers de fois prôné la sobriété, il détestait les effets qu'avait l'alcool sur son cerveau. A présent, la seule chose qu'il maudissait était sa mémoire; cette fichue capacité à se rappeler de tout, y compris les souvenirs les plus insignifiants. Le pousse- au- crime était devenu son plus grand soutien et l'ivresse sa meilleure compagne.
Un rituel prenait vie au fil des jours dès son retour à l'appartement. Il sortait un verre, y jetait un glaçon et le remplissait à moitié de vodka. Puis il se dirigeait vers sa chambre, la bouteille dans une main et son verre dans l'autre, où il s'y enfermait jusqu'à l'aube.
Charlie ne fermait pas l'œil de la nuit, fumait cigarette après cigarette et écrivait des pages entières imbibées de mélancolie, de folie naissante et d'amour noir, se noyant un peu plus dans son déchéance. Il était profondément blessé et en colère à cause de l'attitude de son amie.
Gena, elle, ne s'enlisait pas. Du moins, pas encore. Mais plus le temps s'écoulait, plus elle perdait de sa superbe et se fondait dans la brume adiaphorique qui envahissait la City by the bay. Elle se laissait glisser sur une onde d'humeur noire.
" A quoi bon essayer de résister?" Se demandait- elle.
Gena était aveugle. Elle était incapable de discerner la réalité de la perversité dont faisait preuve son don Juan. Elle préférait garder ce foulard invisible qui lui obscurcissait la vue. Certains humains étaient mauvais, lui représentait la réincarnation de l'Envie. Une douleur sans nom poussait du fond de ses entrailles, une douleur dont elle se nourrissait avec avidité.
Charlie aurait tellement aimé se perdre dans des discussions interminables avec Gena, mais c'était peine perdue. Son esprit était embrumé et son cœur consumé. Deux choix s'imposaient, alors, à lui: avouer à Gena tout ce qu'il avait enfoui dans son cœur au fil des mois ou laisser tomber à jamais. La colère ou la résignation.
Un soir, Charlie avait abusé de casse- poitrine, plus qu'à l'accoutumé. Il déambulait dans les rue de Pacific Heights comme un esprit errant, à la recherche de Gena. Il l'aimait tellement que la voir s'autodétruire le torturait de l'intérieur. Il voyait quel point elle se trompait sur ce type. Il était sournois, vicieux, calculateur.
" Si seulement son calvaire pouvait être mien." Pensait- il entre deux gorgées de vodka.
" Si seulement elle pouvait voir en lui ce que moi je vois."
La pluie tombait abondamment et les effets de la boisson se faisait sentir. La tête de Charlie tournait comme un manège, chaque pas lui demandait un effort. Pourtant il ignorait comment il pouvait encore marcher tant il ressemblait à un robot sur la voie de la désintégration. Une dernière enjambée l'emmena au tapis. Il s'écrasa brutalement sur le sol pavée de la rue qui menait à son appartement. Les engrenages de son cerveau s'enraillaient, les mécanismes ne répondaient plus. L'horloge s'arrêta.
A deux heures et demie passées, Gena sortait du Palais Hanté, sans parapluie, en direction de sa résidence. Mille et unes pensées se bousculaient dans sa tête. Son adonis perturbateur prenait trop de place dans sa vie.
" Mais tu es incapable de le dégager. Sois réaliste deux secondes!" Criait sa raison.
Lorsqu'elle atteint sa destination, le regard de Gena se tourna presque mécaniquement vers une rangée d'arbustes. Quelque chose au sol avait attiré son attention. Quelques brefs râles sourd résonnaient jusqu'à ses oreilles.
" Va vérifier. C'est peut- être une personne blessée."
Lorsque Gena arriva auprès de Charlie, ce dernier n'était plus en mesure de bouger, ni même de parler. De simples sons graves sortaient de sa bouche. Des larmes semblaient couler sur son visage trempé par la pluie. Ce pauvre garçon ne ressemblait plus qu'à l'ombre d'un humain. Gena ne se sentait pas capable de le laisser ici par ce temps et dans un tel état. Elle le porta, tant bien que mal, à son appartement situé au premier étage, le traîna jusqu'à son lit.
La jeune vingtenaire resta un moment assise sur le bord du matelas, à le regarder.
"Reviens- moi...".
C'était tout ce que Charlie avait réussi à articuler dans un demi sommeil. Cela n'avait aucun sens, certes, mais les mots s'étaient échappés, comme ça.
Gena quitta les lieux, le vague à l'âme.
Les jours passaient, lentement. Charlie continuait à broyer du noir. Il détestait foncièrement Gena. Son attirance viscérale pour cette jeune femme était pourtant inexorable. Par le passé, Charlie avait eu des coups de cœur pour deux ou trois jeunes péronnelles. Les effluves de sentiments qui flottaient autour du jeune amoureux finissaient toujours par s'évaporer au bout de quelques mois. C'était la première fois que sa faiblesse pour le sexe opposé s'intensifiait au lieu de s'éteindre.
Gena était perdue. Fallait- il retourner auprès du jeune écrivain ou était- il préférable qu'elle reste le jouet de ce marionnettiste?
Gena a t'elle vraiment que deux choix possible ???
· Il y a presque 6 ans ·Rien que de penser qu'elle est le jouet d'un marionnettiste devrais lui faire prendre la fuite.
A moins qu'elle aime bien donner "le bâton pour se faire battre".
Retourner vers un homme qui semble tellement dépendant affectivement d'elle au point de s’enivrer n'est peut-être pas non plus la solution.
J'ai apprécié votre nouvelle, c'est avec plaisir que je lirais la suite.
Bonne continuation.
Lady Etaine Eire
Gena a sûrement une infinité de possibilités qui s'offrent à elle. En règle générale, elle n'est pas du genre à se laisser manipuler. Mais qui sait? L'imperfection est ce qui façonne l'être humain.
· Il y a presque 6 ans ·Ce texte est basé sur des faits très personnels et j'ai eu beaucoup de mal à rester dans le même esprit que la première partie, à savoir ''Ne me laisse pas seul""
Merci à toi d'avoir pris de ton temps pour lire ma dernière composition!
Bien à toi, Oz.
eden-paragallo