Rolac le garçon & Oìrf le dragon

laurent17

Un garçon, un labyrinthe, un dragon, une loupe

Dans un village blotti entre les deux plus hauts pics d'une grande montagne vivaient des petits hommes malheureux.
Depuis toujours, ils cohabitaient en harmonie avec un immense dragon nommé Oìrf, qui, l'hiver venu, soufflait de grandes flammes sur le glacier bloquant la route jusqu'à la vallée. En échange, les villageois le couvraient d'offrandes : des fruits juteux, des pierres précieuses, mais aussi et surtout des piments magiques qu'eux seuls savaient cultiver. Ces derniers, disait-on, était le secret du souffle enflammé du dragon.

 

Mais cette année, point de flammes, que des cris. Une complainte sans fin s'élevait depuis la tanière du dragon et rebondissait entre les flancs des montagnes, glaçant le cœur des villageois. Leur provision manquait, leur espoir fondait à vue d'œil et personne n'osait approcher la bête rugissante.

 

Un matin, un petit garçon nommé Rolac, l'esprit vif et le cœur brave, décida d'agir. Il rassembla quelques affaires, attendit que ses parents s'endorment puis se glissa dehors.

Se laissant guidé par les rugissements, il atteignit bientôt la créature : elle était si grande qu'elle aurait pu accueillir un village entre ses ailes.

Courageusement, il s'approcha de la bouche hurlante du dragon et s'adressa à lui en criant de toutes ses forces :


"Oìrf, ami dragon,

Quelle est donc la raison

De cette agitation ?"

 

L'animal baissa la tête, et approcha sa gueule d'or et d'argent du minuscule garçon.

 

"Petit homme, un lutin est entré,

À l'intérieur de mon gosier.
Voudrais-tu bien l'en déloger

Pour que mon souffle soit réchauffé ?"

 

Le courageux Rolac entra dans la bouche du dragon puis sauta dans la gorge sombre. Il glissa longtemps entre des fruits moisis, descendant de plus en plus bas dans le ventre de la créature. Il s'arrêta enfin devant de grands murs blancs et bleus : un labyrinthe de glace se dressait devant ses yeux. Loin au dessus de lui, un petit trou laissait passer la lumière de l'extérieur.

Il entra dans le dédale en frissonnant.

Il tourna pendant des heures dans les couloirs, perdant son chemin et son espoir.

Triste et découragé, il trébucha et tomba par terre mais ne rencontra pas un bloc de glace : la lumière qui tombait du haut du ventre du dragon arrivait à cet endroit.
Il eut une idée, fouilla dans son sac et en sortit une grosse loupe. Il la mit sous la lumière et l'orienta vers les murs du labyrinthe. Ils fondirent les uns après les autres et le garçon put rejoindre le centre du gosier. Là, une créature toute bleue jouait avec des piments aussi gros qu'elle. Derrière, un immense four était presque éteint.

Rolac s'approcha tout doucement du lutin des glaces. Quand il fut tout près, il hurla de toute la force de ses poumons. Le lutin, surpris, fit un tel bond qu'il retomba dans le four. Le fruit rouge dans ses mains devint brillant puis s'agita, effrayant la petite bête qui le lâcha sur la grille. Le four gronda et s'enflamma d'un coup, propulsant le lutin hors du ventre d'Oìrf.

La chaleur se répandit autour de Rolac et fit fondre le labyrinthe glacé. L'eau porta le jeune garçon jusqu'à l'entrée du ventre puis remonta la gorge du gigantesque animal.

Il sortit de la bouche du dragon et s'allongea dans la boue, épuisé. Couvert de terre et d'eau, il regarda la créature pousser un rugissement d'air et de feu vers le glacier bloquant le passage vers la vallée.

Il observa le gros bloc fondre alors que la fierté lui réchauffait le cœur : son peuple était sauvé.

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