Roman-photo
aile68
Marcher, trottiner, arpenter les grandes allées de platanes, de rosiers, de palmiers, se dire que l'été est encore là, ses fruits, ses saveurs, les grenades, les figues, les mirabelles. Ne pas chercher plus que son pain quotidien et tout l'amour du monde. Etancher sa soif après une course d'été avec les copains, s'inspirer des jolies chansons de vacances, des belles histoires, pour envoyer une pensée à l'être aimé, j'ai je ne sais quoi de travers dans ma caboche, une idée qui passe pas comme un morceau de meringue qui m'étoufferait. C'est comme quelque chose qui se termine, enfin quelque chose dont on pressent la fin. J'ai aimé cet été les promenades en bord de mer, les châteaux de sable des enfants qui vivaient pour le plaisir du seul moment présent. C'était comme un tableau sans nuages, des glaces qui dégoulinent sur les doigts tout collant de sable et de baisers. Un été de rêve comme dans les spots publicitaires, mieux même un film qu'on ne voit qu'en vacances! Et s'il m'oubliait?... Je n'ose l'imaginer. La carte que j'ai reçue, sa longue lettre, à l'heure d'internet c'est quand même la preuve qu'il tient à moi, non?
Sur la table qui me sert de bureau, une photo de lui et moi sourit d'un sourire resplendissant (le sien) et d'un autre sourire un peu timide (le mien). Il a la même photo dans son porte-feuille, il va l'abîmer, c'est sûr. Les garçons sont trop bêtes ou peu soigneux, c'est selon. Dans ma chambre règne un léger parfum de fleurs, la fenêtre est ouverte sur une rue peu bruyante, parfois je rêve les yeux ouverts qu'il vient me parler comme Roméo. Mon balcon est plein de pots de fleurs, ceux qui ont résisté à la canicule. Des cactus, des plantes grasses, d'énormes plantes vertes me donnent l'impression d'être dans un paradis tropical. J'aimerais qu'on aille un jour à Vérone voir le balcon de Juliette et sa statue. Nous écrirons nos initiales sur le mur de sa maison comme les autres amoureux du monde entier venus se recueillir auprès des amants éternels. Je ne me savais pas si romantique... C'est sa voix que je voudrais entendre, voilà ce qu'il me manque, le son de sa voix enjouée et rieuse quand il me parlait. Vite mon portable! Que je l'appelle! Avec maladresse j'appuie sur les touches, zut! Je tombe sur sa messagerie, la voix froide d'une femme qui me dit que c'est bien son numéro, bla bla bla. J'espère en tout cas qu'il me rappellera pas trop tard. J'ai des frissons rien qu'à l'idée qu'il me rappelle. Un oeil posé sur mon cahier m'oblige à penser à mes devoirs. Je me dis alors que je suis prisonnière de mes quinze ans et que si j'étais adulte je prendrais le premier train pour aller le rejoindre. Je pense alors que j'ai de l'argent et que si je le voulais vraiment je partirais sans rien dire. Quelle âge avait Juliette quand elle a rencontré Roméo, et quand elle est morte? Seize ans peut-être? Je me sens mourir moi aussi, que c'est moche, les amours à distance! De rage je retourne notre photo de vacances, un souvenir qui me déchire le coeur comme si j'étais moi-même une feuille de papier tremblante qui se dilue dans l'eau d'une mer aussi salée que mes larmes sur mes joues. Ce que j'avais de travers dans ma caboche tout à l'heure se met à éclater sous l'effet des larmes et d'un seul coup, une sorte d'angoisse fiévreuse m'assaille et m'étouffe comme une meringue italienne qu'on a partagée ensemble sur un rocher pour se dire au revoir.
Que d'entrain dans ce texte ...la joie de vivre est une constante chez toi... éternelle romantique également comme toute jeune fille digne de ce nom :) le titre est totalement raccord avec l'histoire ...
· Il y a environ 6 ans ·marielesmots
Merci de me suivre à travers mes textes!
· Il y a environ 6 ans ·aile68