Rome

tadamok

Pas de feu d'artifice cette année à Rome. Annulé pour cause de mauvais temps.

Qu'importe ! Pour une fois, nous n'aurons pas la tête dans les étoiles. Pour une fois, ce sont les étoiles qui viendront à nous. Nous nous consolerons en flânant dans ce labyrinthe de ruelles, en défilant entre de magnifiques façades aux couleurs pastel, en batifolant parmi les fleurs d'hiver le long des avenues.

Nous déambulerons, au hasard, dans ce temple élevé à la gloire de la beauté urbaine, quittant les fontaines publiques qui trônent au milieu des grandes places pour rejoindre celles, plus modestes, qui saupoudrent les patios d'un discret clapotis. Nous gravirons les escaliers monumentaux qui mènent aux somptueuses villas des familles fortunées, nous goûterons au silence des basiliques millénaires, et nous nous promènerons dans l'immense parc dominant la cité pour mieux voir ses monuments étinceler au clair de lune.

Qu'importe, vous dis-je ! Nous nous contenterons de la vue du Colisée en train de digérer des hordes de touristes dans ses entrailles pierreuses. Nous nous satisferons de la Colonne de Trajan, qui nous raconte, en tournant un peu autour du pot, comment cet Empereur a fini par vaincre les Daces. Nous nous rabattrons sur l'Arc de Septime Sévère qui, tout auréolé de ses victoires passées, semble vouloir partir à l'assaut de la colline du Capitole.

Nous irons contempler l'allure fière des statues impériales, et nous nous soumettrons à leur autorité naturelle, qui semble renforcée par un mutisme qui relève du sacrilège au pays du verbe. Nous déchiffrerons les innombrables actes notariaux finement ciselés dans le marbre rouge. Nos yeux balaieront les bas-reliefs qui ornent les sarcophages d'une farandole de divinités antiques. Nous nous laisserons emporter par la poésie des mosaïques tapissant les sols d'une myriade d'animaux multicolores, et par mille autres trésors archéologiques.

Qu'importe, après tout ! Nous occuperons notre temps en cherchant laquelle des neuf-cent églises de Rome est la plus belle. Est-ce le Panthéon, avec sa coupole géante et son trou au milieu, par lequel la lumière divine inonde les fidèles ? Est-ce la basilique Saint-Pierre, colossale œuvre d'art aux immenses alcôves ? Est-ce la Chapelle Sixtine, soutenue par les cieux à la force de l'index ? Ou bien est-ce l'archibasilique Saint-Jean-de-Latran, du toit de laquelle des apôtres aux aguets surveillent les environs, tels des tireurs d'élite, sans doute pour préserver la quiétude des croyants ? Est-ce la basilique Santa Prassede, dissimulant sa chatoyante abside derrière une façade aux allures de maison banale ? Ou encore la basilique Saint-Ambroise-et-Saint-Charles al Corso, dans laquelle une chatte, fut-elle un tantinet croyante, aurait bien du mal à retrouver ses petits, tant il y a de chapelles ? Est-ce l'obélisque de la Trinité-des-Monts ? Le campanile de Santa-Maria in Cosmedin ? Les statues monumentales de San-Lorenzo-in-Damaso ? Les colonnes carrées de San Giovanni Bosco ?

Qu'importe, vraiment ! Avec une pincée d'imagination, nous verrons débouler les chars dans le virage du Circus Maximus, tandis que le glaive des centurions s'abattra sur des ennemis autrement plus coriaces que les vendeurs de sacs à main contrefaits. Avec un zeste de foi, nous tenterons de gagner les faveurs de Jupiter en offrant notre plus belle chèvre, avant d'aller nous prélasser dans Thermes de Dioclétien, puis nous irons nous rafraîchir au pied de l'Arcus Neroniani à l'ombre d'un pin parasol.

Et si les vendeurs de parapluie nous laissent tranquilles autant que les voitures garées sur les rails du tramway, nous fuirons les arnaques culinaires du centre touristique pour aller déguster dans la banlieue huppée de la ville le meilleur plat de pâtes de l'histoire de l'humanité.

Qu'importe, à la fin ! Les feux d'artifice sont comme les paillettes sur les joues d'une femme : éphémères, sur-fabriqués, ils ne servent qu'à occuper l'espace laissé vacant par la banalité.

Vouloir faire un feu d'artifice à Rome, c'est croire que Rome ne suffit pas.

  • ça donne envie d'y aller, j'ai vu Rome une fois, et sous la drache (mais genre la bonne grosse drache).

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

    • C'est marrant. Moi aussi, la seule fois où je suis allé à Rome, il est tombé des cordes pendant trois jours. Pourtant, Rome, l'Italie, dans notre imaginaire c'est synonyme de ciel bleu, de soleil, tout ça... La faute à pas de chance. Au passage, je ne connaissais pas le mot "drache", qui ne s'utilise pas dans ma région. Merci pour ce nouveau mot !

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Temp%c3%aate fond ocre 04 recouvert rogn%c3%a9 encadr%c3%a9

      tadamok

    • Ce n'est pas un mot à placer dans de grandes discussions ahah :)

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Cat

      dreamcatcher

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