Roule !

jbm

Sam est parti réaliser un rêve de longue date aux Etats-Unis. Une expérience très personnelle l'attend.

Sam avait traversé l'Atlantique pour réaliser un vieux rêve, celui de voyager dans l'ouest américain dans une grosse bagnole américaine.

Le loueur de voitures lui tendit un stylo et le contrat de location en lui rappelant que le mieux serait de prendre l'assurance la plus complète... il n'écoutait plus. Il répondit, laconique comme à son habitude, par un “No thank you, I have a gold”. Il nous l'avait vexé.

Faut dire que pour Sam, l'anglais, c'était pas une mince affaire. Pendant 3 semaines, il saurait bien commander de quoi manger, lire les panneaux les plus importants et sortir deux trois banalités à une jolie Américaine, c'était ça l'essentiel. Brosser dans le sens du poil le gars chargé de lui louer une voiture, ce n'était pas au programme.

Dans le parking, il pouvait choisir la voiture qu'il voulait dans la zone C. Plus tu payais cher, plus tu avais accès à des voitures qui en jetaient. Les clés étaient sur le contact, il n'y avait plus qu'à monter dedans. Ce serait une Dodge Charger.

Avec le préposé aux états des lieux, il fit le tour du véhicule, signala une rayure, signa le document récapitulatif, se mit au volant et prit la première à droite.

Le premier motel serait le bon, il n'était pas d'humeur à jouer les exigeants en cette fin de journée commencée 22 heures plus tôt. Demain, il quitterait Vegas pour l'Utah...

Sur les cartes postales envoyées aux quelques femmes de sa vie, Sam parla de la météo plutôt clémente, de la taille de sa voiture et des kilomètres parcourus, tout ceci agrémenté d'un “splendide” et d'un “super”. Il était sûr que ces quelques mots, grosso modo les mêmes d'une carte à l'autre, raviraient ses lectrices.

Certaines personnes ont du mal avec les cartes postales. Il scrutent la pointe de leur stylo pendant de longues minutes avant de laisser tomber. Il leur faut alors s'entraîner.

“C'est vrai ? Toujours pas ? C'est la Poste qui a dû merder. Quand je pense au prix que j'ai payé les timbres…”

Pourtant, si on peut sortir des banalités assez aisément sur une carte postale, allez tenir tout un repas à essayer d'impressionner son auditoire !

Il n'avait pas charmé d'Américaine - il avait essayé pourtant - il n'avait pas crapahuté au fond d'un canyon, il n'avait même pas roulé quelques centaines de kilomètres sur la Route 66… Il leur raconterait quoi ? Il n'avait pas rencontré d'Indiens - il aurait bien aimé - il n'avait pas croisé la route d'un ours, face auquel il aurait dû gueuler comme un putois pour le faire fuir. Il ne lui était même pas arrivé une bonne grosse galère à raconter pour faire marrer toute la tablée. On dit que les mauvaises expériences sont les souvenirs les plus drôles.

Il avait roulé, sur des routes, sur son quotidien, sur le mec qui partage son bureau, il avait vécu à un autre rythme, il avait observé tous les détails qui font que rouler ici, ce n'était pas rouler ailleurs et il avait aimé ça.

Ah et aussi, il l'avait vu.


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