Route vers l'Autremonde - Concours Autoroute
hikari16410
Tout ça n’aurait jamais dû se produire. Ça n’aurait jamais dû arriver, même dans mes pires cauchemars. En y réfléchissant bien, il était possible que je sois entrain de rêver, que toute cette histoire ne se soit que le fruit de mon imagination. Je répétai çce mantra à voix basse, jusqu’à ce que j’en sois presque convaincue.
Presque, parce que les coups pleuvant contre la porte de la remise dans laquelle j’étais barricadée me semblaient plus que réels. Surtout si on ajoutait l'odeur saumâtre des marais, mélangée à celle de la pollution générée par l'autoroute, et les traces de griffures sur mes avant-bras. C'était le genre de détails que je n'aurai pu imaginer en rêve.
Et si on additionnait les grognements derrière la porte prête à céder, on pouvait être sûr que j'étais bien éveillée. Ancrée dans la réalité. Même si celle-ci était loin d'être la mienne…
Tout avait pourtant bien commencé. Nous allions profiter d'une semaine en juillet dans un petit village en Dordogne. Notre choix s'était arrêté sur Monpazier, pour son côté pittoresque, et pour permettre à notre fils, Samuel, de participer à la fête médiévale.
Tristan, mon conjoint, avait pris soin de parcourir les guides de la région, et de prévoir notre parcours : lieux pour pique-niquer, restaurants à découvrir, et châteaux et bastides à visiter. Tout s'annonçait très prometteur. En fait, ça aurait pu être parfait, si au dernier moment il n'avait pas décidé que belle-maman devait s'ajouter au tableau.
"La vieille irlandaise" comme je l'appelais, était une femme boulotte, avec un caractère de chienne. Elle avait l'art des'imposer au mauvais moment et d'offrir son avis sur tout, surtout quand on ne lui demandait rien.
Ma belle-mère ne m'avait jamais pardonné de ne pas avoir épousé son fils chéri quand il me l'avait demandé. Pour ma défense, à l'époque, nous nous connaissions à peine. Et l'arrivée de Sam quelques années plus tard n'était pas prévue, même si elle nous enchantait.
Pour elle, avoir un enfant hors mariage était un péché. Autant dire qu'entre nous, c'était comme kérosène et allumette : une combinaison dangereuse.
Si j'avais su ce qu'il allait advenir, j'aurai insisté pour qu'elle ne vienne pas. Mais je n'étais pas medium, et je fis donc contre mauvaise fortune, bon cœur. Je cédais à Tristan, lui prédisant qu'il viendrait à le regretter.
Je ne tardais pas à avoir raison. Alors que nous roulions tranquillement sur les routes de campagnes, ma belle-mère, assise à l'arrière avec mon fils, poussa sa crise n°13. Les précédentes ayant été contre le temps, le nombre de bagages que pouvait contenir le coffre de notre break, les sièges à l'arrière, la ceinture de sécurité, le bruit que faisait Sam en parlant…Bref pour tout et rien.
Le nombre aurait dû me mettre la puce à l'oreille, mais je n’étais pas superstitieuse. Souhaitant lui être agréable, je me retournai sur le siège passager, chassant mes boucles blondes qui gênaient, et lui offrit un sourire presque sincère.
- Que se passe-t-il, Fiona ?
- Nous roulons depuis deux heures dans cette campagne boueuse, et si j'en crois le gadget accroché à votre tableau de bord, nous ne sommes pas prêts d'arriver. Je pense donc que nous devrions prendre l'autoroute, ça nous ferait gagner du temps.
- Certes, mais nous serons alors coincés entre des tranches bitumes pendant des kilomètres. Je trouve la conduite et la vue plus agréables sur des routes comme celles-ci.
- Qu'est-ce que ça peut vous faire, puisque vous ne conduisez pas ? Lança méchamment la vieille sorcière.
- J'aurai bientôt mon permis, répondis-je en serrant les dents.
- Mais en attendant, et si tant est que ça vous arrive, c'est mon Tristan qui doit tout faire ! Je pense donc que vous n'avez pas votre mot à dire.
- Maman…, commença Tristan.
- Pas de ça avec moi, tu vas encore prendre son parti ! Il suffit qu'elle batte des cils pour que tu m'oublies. Mais dis-toi bien qu'à mon âge, avec mes vieux os, il est plus agréable d'être promenée sur une route lisse, bien entretenue, que sur des ornières.
Tristan jeta un regard indulgent à sa mère. Puis, il fit ce à quoi je m'attendais. Il braqua son regard noisette vers moi, fronça légèrement ses sourcils roux, et inclina la tête en rentrant les épaules. Mon compagnon prit son air de chien battu, les yeux brillants, la moue suppliante.
- Aude, ça ne me dérange pas de prendre l'autoroute. Si c'est moins douloureux pour son dos, je pense que nous pouvons lui accorder ça.
- Mais…
- Ça nous fera gagner une bonne heure, ce n'est pas plus mal. En plus, Sam commence à s'impatienter derrière.
C'était faux, et il le savait. Notre fils aimait les longs trajets en voiture. Et pour un enfant de 5 ans, il était relativement calme. Mais comme l'avait souligné Fiona, je ne conduisais pas, je n'avais pas voix au chapitre.
J'acquiesçai donc, et reprogrammai le GPS pour le chemin le plus rapide. Une chance pour belle maman, l'autoroute A666 ne se trouvait qu'à 2km de là. Nous nous engageâmes à l’intérieur alors que d’épais nuages noirs venaient assombrir le ciel. Comme pour un mauvais présage.
Tristan roula à vive allure, avant de ralentir la cadence lorsqu’il devint clair que tous les conducteurs déboitaient n'importe comment, au risque de provoquer une collision. Nous roulâmes en silence pendant un bon moment. Tristan était concentré sur la route, Sam chantonnait à l'arrière, et ma belle-mère était plongée dans ses pensées, l'air déterminée. Quant à moi, je grimaçai en détaillant le paysage désespérément gris autour de nous.
Au bout d’un moment, Fiona intervint de nouveau pour demander une pause. Pour une fois, ce fut à point nommé, puisqu'il était l'heure de déjeuner.
Un panneau nous indiqua que nous nous trouvions près d’une aire boisée, avec un relais routier. Une chance. Du moins le croyais-je…
De prime abord, l'endroit ne payait pas de mine. La peinture écaillée de l'enseigne, les pourris et le crépi qui tombait en morceaux, donnaient une impression d’abandon. Il y avait peu de voitures sur le parking, et un seul camion, garé sur le côté du bâtiment. Nous passâmes devant sans y prêter trop attention, bien que mon regard fût attiré par le chapeau de cowboy de l’homme assis au volant.
J'échangeai un regard avec Tristan, et d'un soupir commun, nous convînmes de tenter l'expérience malgré tout. J'entraînai Sam derrière moi, le tenant fermement par la main alors qu'il sautillait en regardant la forêt, l’air émerveillé. Ma belle-mère avait l’air de se détendre peu à peu elle aussi, en voyant la verdure. Après des kilomètres de bétons et de voitures roulant à toute allure, la magie de mère nature faisait son œuvre.
Nous entrâmes à l'intérieur du relais routier, et je fus agréablement surprise par le décor. Si dehors tout avait l'air d'avoir fait son temps (et plus encore), l'intérieur était impeccable. La salle était relativement grande, avec une bonne cinquantaine de tables et couverts. Peut-être plus, si on se serrait les coudes sur les grandes tables de banquet au milieu.
La déco était discrète et plaisante, quoiqu’un peu rustique. Un bar en chêne massif s'étendait à gauche de l’entrée, où les menus et tarifs pour le buffet étaient épinglés. Les tables et les chaises en bois étaient affublées de petites nappes en vichy, comme pour accentuer le côté champêtre. Et pour finir, on avait accroché des treillis aux murs, sur lesquels poussaient et s’entremêlaient du lierre ainsi que des plantes grimpantes.
Nous fûmes salués chaleureusement par le barman à la longue crinière sombre, nouée en catogan. Puis, une serveuse sorti tout droit d'un magazine pour homme, avec de longs cheveux auburn, des seins énormes et des jambes interminables, vint se présenter à nous. Mon compagnon ne put cacher l’éclair de désir dans ses prunelles, ni le sourire béat sur ses lèvres en attendant le prénom de cette femme, qui signifiait littéralement « belle » en gaélique.
La bien nommée Aoibheann nous proposa une table à proximité des autres couples. J'allais accepter, lorsque ma belle-mère prit la parole pour exiger que nous soyons installés au fond de la salle. Elle fixa durement la serveuse, évaluant son physique comme un maquignon devant une pouliche, puis esquissa un sourire convenu.
Je crus déceler une pointe de contrariété dans le regard de la fille, et ne pus m'empêcher de compatir. Elle s’exécuta tout de même, nous plaçant dos à la fenêtre qui donnait sur les bois.
Une fois à table, nous choisîmes le buffet et commandâmes le dessert. Le repas fut correct et plutôt animé, bien que belle-maman se soit plongée dans un profond mutisme après m’avoir lancé quelques piques habituels. Je n’allais pas m’en plaindre.
Vers la fin du repas, Samuel me fit signe qu'il avait envie de faire pipi. Fiona se leva immédiatement et proposa de l'emmener aux commodités. Je hochai la tête et les regardai disparaître à l’angle, avant de lâcher un soupir.
- Franchement, tu crois toujours que c'était une bonne idée de l'emmener ?
Tristan m'adressa un regard de reproche, perdant son calme pour la première fois depuis que je le connaissais.
- Ecoute, ça suffit, c'est ma mère et à son âge, c'est normal d'être exigeante.
- Ce n'est pas le fait qu'elle soit exigeante qui me dérange, mais surtout qu'elle ait décidé de nous pourrir la vie.
- Tu sais très bien pourquoi elle fait ça.
- Oui, je sais, sifflai-je rageusement, « je suis une belle-fille indigne, j'aurai dû t'épouser et garder ma virginité pour toi…etc ». J'ai bien compris que ta mère vient d'une autre époque, mais je ne peux pas changer le passé.
- C'est plutôt l'avenir qui pose problème, rétorqua-t-il en passant sa main nerveusement dans ses cheveux roux, coupés à la brosse.
- Nous en avons déjà parlé, tu sais très bien que nous n'avons pas les moyens de nous payer un mariage à moins d'en faire un minable. Nous avons le temps. Et puis ce n'est qu'un bout de papier, je n'ai pas besoin de ça pour affirmer notre amour.
Son regard s'adoucit imperceptiblement.
- Je sais, mais j'ai parfois l'impression que…
- Non, l'arrêtai-je en posant un doigt sur ses lèvres. Je sais ce que tu vas dire, mais t'ai-je donné une seule raison de douter de moi ?
- A vrai dire, oui, répondit-il très sérieusement.
- Pardon ?! Tristan Niall Archibald McNamara, comment oses-tu dire ça ?
Il esquissa un sourire à la mention de son nom complet, qu'il trouvait aussi ridicule que moi. Une autre idée fantasque de sa mère. Puis son expression se durcit, comme s'il allait me dire quelque chose de crucial.
- Je dois t'avouer quelqu…
La serveuse l'interrompit en débarrassant nos plats et précisant qu'elle apportait tout de suite l’addition. Tristan sortit sa carte de crédit, et son regard plongea dans le décolleté de la rouquine. Nous suivîmes son déhanché lorsqu'elle repartit, et je me surpris à avoir des envies de meurtres en voyant la lueur admirative dans le regard de mon compagnon.
J'avais beau avoir perdu mes kilos superflus après la naissance de Sam, mon corps ne serait jamais celui d'une gravure de mode. J'étais une femme, avec ce que ça impliquait niveau courbes. Bref, loin de cette créature de rêve qui semblait être née pour aguicher la gente masculine et torturer l’espèce féminine.
Mon regard se porta au loin et croisa celui du barman, occupé à nettoyer son comptoir. Ses yeux bleus en amande, étirés, lui donnait un côté exotique, que je n'avais pas remarqué en entrant, trop obnubilée par la beauté de la serveuse. Ses vêtements sombres mettaient en valeur sa musculature, et la manière dont il se déplaçait, avec grâce et précision, avait quelque chose de fascinant.
Constatant l'air idiot de Tristan, qui bavait sur elle, il m’offrit un sourire sardonique, qui ne fit qu’accroître son charme ténébreux. Je restais un moment à le fixer, sentant peu à peu un malaise me gagner, sans que je puisse en expliquer la raison.
- Ça fait un moment qu'ils sont partis aux toilettes, tu crois qu'ils se sont noyés dedans ?
Je plaisantais, mais je n'étais pas loin de m'affoler. En regardant ma montre, je me rendis compte que cela faisait près d’une demi-heure que Fiona était partie avec Sam. Le relais avait beau disposer d'une grande salle, je doutais que ses toilettes fassent la taille du Texas.
Tristan se retourna et arqua un sourcil impérieux dans ma direction.
- Que veux-tu qu'il leur soit arrivé ?
- Je ne sais pas, je…
- Excusez-moi !
Je sursautai, surprise par l'arrivée inopinée de la serveuse dans mon dos. Mon compagnon n'eut pas l'air étonné, preuve qu'il devait la fixer depuis un moment. Je n'avais aucune idée de la manière dont elle s'était prise pour arriver par derrière, alors qu'il ne me semblait n'y avoir aucune porte ici.
- Oui ? Fis-je, en tentant de cacher mon agacement.
Elle prit un air mystérieux et sourit en faisant le tour de la table, pour se planter devant mon conjoint.
- Je suis désolée, mais l’appareil ne semble pas fonctionner. Je vais devoir vous encaisser directement au bar.
- Pas de problèmes, répondit-il en se levant avec un peu trop d’empressement à mon goût.
Décidée à savoir ce que fabriquait Fiona, je tirai ma chaise et pris la direction des toilettes alors que Tristan tapait son code, entamant une conversation à voix basse avec la serveuse. Je fis de mon mieux pour ne pas avoir l’air d’une femme hystérique et jalouse en passant à côté. Mais de toute façon, aucun d’eux ne me prêta attention.
Je m’enfonçai dans le petit couloir et ouvris la porte des toilettes pour femmes, jugeant plus probable que Fiona ait emmené Sam de son côté. Mais elles étaient vides. Je repartis donc chez les hommes, et appelai ma belle-mère depuis l’entrée en évitant de fixer l’individu entrain d’uriner à ma droite.
- Les femmes, c’est de l’autre côté, cru bon de préciser le type.
- Je sais, merci. Je cherche ma belle-mère et mon fils, j’ai pensé qu’ils étaient peut être ici.
- Y’avait personne quand je suis arrivé, fit-il en marmonnant.
Je le remerciai de nouveau, avant d’essayer les toilettes pour handicapés. Mais là non plus, personne. En voyant la sortie de secours, je pensais que Fiona avait peut être décidé de lui faire prendre l’air. Elle n’avait sans doute pas réalisé que je pouvais m’inquiéter.
Je sortis et fis rapidement le tour du bâtiment, scrutant les environs à la recherche de Sam en l’appelant. En vain. Je sentis mon estomac se nouer et fus prise d’une bouffée de panique. Je revins à l’intérieur en courant.
Le barman me jeta un regard étrange, mais je ne lui prêtai pas attention, trop occupée à chercher Tristan des yeux. Mais il semblait avoir disparu, lui aussi. A la place, à notre table, était assise sagement ma belle-mère. Seule. Comme si de rien était.
Furieuse, je me dirigeai vers elle et dus me retenir de le crier dessus.
- Où est Sam ? L’apostrophai-je.
Elle fronça les sourcils, l’air pincée.
- Comment ça « où est Samuel ? », c’est votre fils, que je sache. Vous devez bien savoir où il se trouve, comme toute mère digne de ce nom.
- Vous savez très bien que je vous l’ai confié. Où est mon fils ?!
- Inutile de vous énerver, je ne comprends vraiment pas comment Tristan a pu choisir une fille comme vous. Non seulement vous refusez sa proposition plus que généreuse, mais en plus vous êtes désagréable avec moi. Et dire que vous avez réussi à le convaincre d’abandonner sa carrière artistique pour…
- Ça suffit, coupai-je, vous savez très bien qu’il n’avait aucune carrière et que je ne l’ai pas forcé à abandonner la peinture. Il était plus raisonnable d’obtenir un travail stable, et d’y consacrer le reste de son temps. Je ne l’empêcherai jamais de continuer dans cette voie si c’est ce qu’il désire, mais il est logique qu’il ait d’abord de quoi vivre et payer son logement.
- Il n’en n’aurait pas eu besoin s’il était resté chez nous, grommela-t-elle.
- Tristan a 30 ans, il était plus que temps de quitter le giron de sa mère, dis-je ironiquement, avant de le regretter.
Fiona me jeta un regard mauvais et ouvrit la bouche pour proférer d’autres bêtises aussi grosses qu’elle.
- Assez ! Je n’ai pas le temps de subir votre mépris. Qu’avez-vous fait de Sam ? Je vous le demande pour la dernière fois !
- Pour qui me prenez-vous ? S’indigna la vieille irlandaise, son accent perçant dans la voix. Je l’ai confié à son père, bien sûr.
- Et où sont-ils ?
- Mais juste l…, elle s'interrompit, et toute couleur déserta son visage en constatant que le comptoir était vide.
Ma belle-mère se redressa tout d'un coup et fila droit vers les toilettes. Je la suivis, les mâchoires serrées, ma tension recommençant à grimper.
- Il n’est pas là, constata-t-elle platement un peu plus tard.
- Brillante déduction, Sherlock.
Le malaise qui m’avait saisi un peu plus tôt reprit de plus belle. Je remarquai que tous les couples dans la salle étaient partis. Il ne restait plus que nous. Je m’avançai vers le barman et lui demandai s’il avait vu mon compagnon. Il sembla hésiter un peu avant de répondre :
- Non. J’étais dans la remise. Quand je suis revenu, lui et Aoibheann n’étaient plus là.
- Et ça ne vous a pas interpellé ? Demandai-je, tâchant de rester calme.
- Ils sont peut être sur le parking, proposa-t-il nonchalamment.
Je le fixai droit dans les yeux, essayant de deviner s’il se payait ma tête, mais compris qu’il s’en fichait réellement. Pendant un instant, je vis quelque chose passer dans ses pupilles. Comme une ombre. Puis il affecta de nouveau un visage insouciant, et repris son manège avec son chiffon.
Un cri perçant résonna soudainement. C’était celui de Samuel. Je me précipitai à l’extérieur sans réfléchir, et ne pris pas garde aux jurons proférés par Fiona. Le cœur battant à cent à l’heure, je traversai le parking en suivant les cris.
Mon fils se trouvait à l’orée des bois, pleurant à chaudes larmes.
- Sam ! Criai-je.
Il se retourna brusquement, et je vis dans son regard une expression hantée, comme s’il avait vu quelque chose d’abominable.
- Sam, que s’est-il passé ? M’exclamai-je, alors qu’il se jetait à mon cou.
En pleurs, il débita des paroles incompréhensibles, et fut incapable de me dire où était son père. J’essayai de le calmer et fis quelques pas dans les bois, appelant Tristan aussi fort que je le pouvais. Mais la densité des arbres et le terrain abrupt m’obligèrent à rebrousser chemin.
Je revins vers le relais et vis que la portière de notre voiture était ouverte côté conducteur. Les clefs étaient sur le volant, le portefeuille de Tristan sur son siège. Comme s’il s’apprêtait à s’assoir pour m’attendre, quand…quand quoi ?
Fiona déboula derrière moi et m’interrogea. Malheureusement, j’étais trop sonnée pour lui répondre. Je lui fis répéter ce qui s’était passé quand elle avait emmené Sam. Elle m’assura qu’ils n’avaient pas traîné et qu’elle avait confié l’enfant à son fils en sortant.
Stressée comme je l’étais, je ne relevais pas certaines incohérences comme je l’aurai dû. Je m’imaginais tout un tas de scenarios qui pouvaient expliquer la disparition de Tristan. Une tentative de vol qui aurait mal tournée ? Mais ça n’avait pas de sens…
J’essayai de l’appeler sur son mobile, mais tombais sur la messagerie. N’ayant pas d’autres choix, je revins au relais pour demander de l’aide. C’est là que le cauchemar débuta.
A l’intérieur, une vision d’horreur s’imposa à moi. Tout était vide. Les meubles avaient disparus, les murs étaient morcelés, des bouteilles jonchaient le sol, et des toiles d’araignées pendaient au plafond. C’était comme si l’endroit était abandonné depuis longtemps. Et nulle trace du personnel...
Fiona s’évanouit sous le choc, me laissant seule pour affronter ça. Ou presque…
- Ils ne sont plus là, ils sont retournés dans le Sidh, lança une voix grave derrière moi.
Je sursautai et resserrai ma prise autour de Sam, avant de faire face à l’arrivant. Je reconnus le conducteur du poids-lourd, avec ses cheveux clairs sous son chapeau de cowboy. Il m’offrit un sourire rassurant.
- Le cid ? De quoi parlez-vous ? Balbutiai-je, d’une voix blanche, fixant ma belle-mère au sol.
- Sidh, l’Autremonde, le monde des fées, répondit-il, comme si ça expliquait tout.
Et en un sens, c’était le cas.
Articulation
Ch.1 - Aude et Tristan partent en vacance avec leur belle-mère et leur fils, et s’arrêtent dans un relais pour déjeuner. Après quelques déboires, Aude constate que Tristan et la jolie serveuse ont disparus. Lorsqu’elle revient au relais, il est désert, abandonné depuis longtemps. Un routier lui explique que les « fées » sont reparties dans leur monde.
Ch.2 - Circenn, le routier, est un chasseur de primes qui traque les fées depuis qu’ils ont tué sa famille. D’après lui, le personnel était des Unseelie, des Sidhes de la Cour des Ténèbres. Fiona et Aude refusent de le croire et contactent la police, mais l’homme s’enfuit avant leur arrivée.
Ch.3 - Les autorités effectuent des recherches. Fiona accuse Aude d’être à l’origine de la disparition, et s’enfuit avec la voiture. Seule, sans argent, Aude fait appel à Circenn, qui accepte de l’aider contre rémunération.
Ch.4 –D’autres disparations similaires sont signalées sur l’A666. Toujours des hommes. La police suspecte un tueur en série, ou l’œuvre d’une secte.
Ch.5 - Sam avoue qu’il a vu une femme superbe emmener Tristan avec elle dans la forêt. Le groupe découvre une piste qui les mènent dans une vieille station d’essence, un repaire de Banshees.
Ch.6 - Ces dernières étaient attirées simplement par les morts. Le groupe va devoir entrer dans l’Autremonde pour retrouver Trsitan. Circenn trouve un portail et dévoile ses origines fée. De l’autre côté, on découvre que l’A666 est construite sur une ligne tellurique, qui relie tous les portails.
Ch.7 - La sœur de la reine des Seelie, une Leanan sídhe, enlève des hommes pour augmenter son pouvoir afin de renverser sa sœur. Cette Sidhe n’est autre que la serveuse du relais. Au cœur de la conspiration, le père de Circenn apparaît. On apprend que Fiona qui avait invoqué la fée pour se débarrasser d’Aude. N’étant intéressée que par les hommes, elle aurait enlevé Tristan à la place. Aude finit par tomber amoureuse de Circenn.
Ch.8 - La reine refuse de les croire et les fait enfermer. Envoûté, Tristan enlève Samuel. Le barman du relais apparaît alors, dévoile être un espion Unseelie et les aide à s’échapper. Circenn met en place un plan pour sauver Sam et sceller les portails, mais il estime qu’il est trop tard pour Tristan. Aude refuse d’abandonner et conclut un pacte secret avec l’Unseelie, en échange de 5 ans à son service.
Ch.9 - Une fois Sam sauf, Aude assomme Circenn et abaisse les barrières du palais, comme convenu. L’Unseelie la rejoint, suivit d’une armée qui massacre les Seelie. Aoibheann est tuée, Tristan libre. Lui et Sam sont reconduits dans leur monde, en échange des années promises. Le nouveau roi compte faire d’Aude sa Concubine et lui annonce qu’1an ici, équivaut à 1siècle dans son monde. Elle ne reverra jamais sa famille.
Ch.10 - Grâce à Circenn, Aude parvient à fuir. Il se sacrifie et referme les portails derrière elle, scellant à tout jamais l’A666. Elle confronte Fiona et accepte finalement d’épouser Tristan. Le jour du mariage, débarque un homme étrange, affublé d’un chapeau de cowboy…