Salle défaite
petisaintleu
Fête de fin d'année de la banque : tout le monde en tenue de combat ! J'avais revêtu mes souliers vernis, mon pantalon en velours et ma chemise à jabot. Presque la même que Mike Brant avant que le LSD ne le conduise à se défenestrer. Ma sœur elle, c'était un mélange de Mireille Mathieu pour la coiffure et de Dalida. En 1978, le châle était l'incontournable des mondaines des chefs-lieux de canton.
Pour canaliser les marmots surexcités, il avait été décidé de les jeter en spectacle sur la scène de la salle des fêtes de Bertry. Bien avant que je ne fasse honte à Karen dès qu'un karaoké se profile à une soirée philippine et que je ne reprenne My Way à la sauce Sex Pistols, j'aimais déjà pousser la chansonnette.
Mais les Buzzcocks et les Clash n'avaient pas encore franchi la frontière communale. Ce serait Marie Myriam. Comme un enfant aux yeux de lumière qui voit au loin passer les oiseaux, je m'échappais dans des envolées lyriques. Je fermais les paupières pour m'imaginer être l'invité d'un samedi soir des Carpentier. J'accompagnais Jane Manson. J'avais remarqué ses fréquents duos avec Jo Dassin et je ne me faisais pas d'illusions. Son cœur était pris. Quant à Nana Mouskouri ou Sheila, bof, c'était pas mon genre.
Après un numéro de clown et un tour de magie venait le French Cancan de la très chevaline fille Coutant. Les mâles, du coin de l'œil, s'inquiétaient du regard réprobateur de leur épouse, pris d'une érection à la vue de cette nudité adolescente. On aurait presque pu entendre les déglutitions accompagner les applaudissements.
Puis, les choses sérieuses commençaient.
A l'époque, ne pas être aviné dès l'apéritif était un manque de savoir vivre et un affront à sa virilité. Mon papa, chef de file de ces joyeux drilles, se devait de montrer l'exemple. Il ne s' en faisait pas prier.
Après un repas vite expédié arrivait la soirée dansante. La danse des canards n'existait pas encore. Mais la danse du tapis et la chenille étaient des occasions inespérées pour coller des mains aux fesses et, accompagné d'un rire bien gras, espérer rouler une pelle à sa partenaire.
Pour mon papa, dont personne n'aurait osé contester le statut de mâle dominant, c'était la main dans le décolleté apétissant de Brigitte Lefevre. Je ne l'ai jamais accompagné ensuite aux toilettes. Ma maman se contentait de rester assise d'un air apathique.
Avec Edwige, on se prenait la main pour se réfugier sous une table. Les grands étaient vraiment trop bêtes de ne pas comprendre le plaisir à rester simplement recroquevillé avec l'urgence de ne penser à rien.
Des fois, on voudrait rester enfant toute sa vie...
· Il y a plus de 10 ans ·Valérie
Oui maman.
· Il y a plus de 10 ans ·petisaintleu
Ah, ces années où nos centimètres nous permettaient de passer de tendres moments sous les tables... Beau texte.
· Il y a presque 11 ans ·retsig
Merci.
· Il y a presque 11 ans ·petisaintleu
Et là, j'en prépare un sur les grands-mères dans la même veine.
· Il y a presque 11 ans ·petisaintleu
toute une époque et fort joliment raconté...
· Il y a presque 11 ans ·(j'essaye de m'imaginer la nouvelle génération et leurs futurs "souvenirs d'il y a 30/40 ans". pas certains que ça ait la même singularité. snif).
merci à Lucie pour le "partage"...
wic
Merci. Ah, la bande à Basile ! ;) Et les spéciales Michel Sardou.
· Il y a presque 11 ans ·petisaintleu
me parle pas de Sardou, ma femme continue désespérément à suivre ce chanteur... (elle m'avait caché ça avant notre mariage... j'me suis fait eu mais c'est pas grave, je l'ai gardé quand même, elle a beaucoup d'autres qualités, preuve que personne n'est ni totalement parfait, ni totalement imparfait - lol ;-)
· Il y a presque 11 ans ·wic
Je compatis. ;)
· Il y a presque 11 ans ·petisaintleu