Sang

Jean François Joubert

Dessine moi une ville

Sang

 

 

Le galop du pur-sang me tenait en éveil

Ses pas heurtaient ma peau, ma tête trop sensible

Traînant mon regard vers cette mésange, cible

Un oiseau rare, si près du sol, une merveille

 

Le temps s'effaçait sous des éclats de lune

Son sourire jaune noyait toutes ces années

De cette pièce ressortait des souvenirs damnés

Des pertes de vues, posées, derrière les dunes

 

Le ciel épais portait son ombre sur mes plaies

Terrassant le portrait de mains douces, soupir

Terrible silence, loin des pas ou pire

Perdu dans l'offense de quelques jours, si laids

 

Sa robe bleu clair délivrait son message

Tel une plume elle flottait, légère brise...

Libre, ses nerfs ne connaissaient pas les crises

Passagère et éprise de ce sage

 

Une course folle projetait tous ses rêves

Mon âme dégringole, soeur de mes peines

Muette, se devine sortant du vieux chêne.

Brisure d'idylle, la scène se crève

 

Le son de ses pas me séparait de tes côtes

La douleur vive appelait mes six reines

Mi femme, mi-démon, attachées aux rênes

Défilant livide au creux de son hôte

 

Leur galop vif me projetait hors du sujet

La plage de galets flottait en substance

Reflets pigmentés de bonheur sans nuance

Une, deux  ailes, un vol et un son sans rejet

 

Le soir, la mer déverse son flot de larmes

Inlassablement sur le sable, elle ne ment

Nettoyant les initiales de deux amants

La passion s'étant perdu sans cris d'alarme

 

 

 

Sans patience, le temps tuait notre chance

Notre veine à tous, les atouts sans contour

Fuyant la mort des sentiments sans un détour

Les mots d'amour s'étaient enfouis dans sept anses

 

Vers quels rivages doivent s'orienter mes nages ?

Une île au Nord, un lac sur une terre salée ?

Parle, souris, crie, écrit où je dois aller ?

Sans amer, où trouver la dame sans âge ?

 

Des rives éternelles, étaux de promesses

Rêves de dérive, oublier tous ses mots

Langage de nos peaux,  un gage sans repos

Sans une esquive, tant de tendres caresses

 

Vert pierre, la couleur soudaine de tes aveux

Celle de tes yeux sur mes humeurs éclaire

Celle de nos coeurs se vidant de barrières

Espoir que nos mains ne nous parlent d'adieux

 

Brûlure de foudre, désirs au creux du sein

Délire d'esprit pour deux âmes amoureux

Des vagues en pâture, un refrain heureux

Le partage d'une île aux multiples dessins

 

Un vent fort agite mes pensées sauvages

Une pluie d'été rigole le long des aisselles

Une goutte, puis une autre et une envie d'ailes

Partir, pour atteindre un dernier nuage

 

Trois gouttes d'alcool noyaient mon fond d'ivresse

Inutile trouble des esprits assoiffés

Pour oublier, une où deux toiles égarées

Pour oublier, un long fossé de vieillesse

 

Deux rues dans un songe, son de pas étranges

Les pavets résonnent d'idées en mouvements

Les silhouettes s'abandonnaient si lentement

Reines d'ombres avides, plombées d'orange

 

Lumières crues, si délicieuses paroles...

Perles de sueur, un brin d'humour sur nos fronts

Les fruits de malheur, disparus sans une raison

La folie rie sous nos doigts, drôle de rôles !

 

Le tonnerre donnait de la voix, jour trop clair

Comme ce son de galop perdu dans mon sang

Souvenirs lumineux où je sortais du rang

Accroché à tes reins, la tête dans les airs

 

Une chanson se fredonnait sur le sable chaud

Les vagues s'en allait vers l'océan lointain

D'une à quatre, amusant l'horizon hautain

Haut, le soleil brûlait nos corps sous son halo

 

Trois coques de coquillage sur tes deux mains

Roulaient par plaisir le long de ton sourire

Immobile lutin presque roi, sinon sir

Mon regard trop content oubliait le demain

 

Un ruisseau de tristesse coule sur mon dos

La transparence des secondes me tire

Vers des lendemains sans teint, sans toi, sans rire

Milles et cent une idées, allongé seul, sans peau

 

Alors sans désir d'or, je dors, aux tropiques

Là, aux nuits si courtes, les étoiles belles

Absorbé par le courant des bateaux, le sel

L'eau, dans l'espoir futile d'un nouveau pique

 

Sur cette île, le hasard guide ma vie

De glace en glace, j'attends ton image

Un reflet, tendre dessin de ton visage

Destin de l'amour, ou effets de nos envies

 

De nombreuses haies disposées sur nos chemins

Ces obstacles augmentaient l'ombre du doute

Ôtant un instant, l'idéal de nos routes

Douleur d'absence, brûlure d'absinthe, rien

 

Puis un jour lumière, le noir sera si clair

La rencontre d'une auréole de mystère

Une si fine bulle d'oxygène sur terre

Le noyau désespoir devient espoir, d'un verre…

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