Sans filet

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Je vous le jure. Ceci n'est pas un appel au secours. Je ne rentrerai pas dans le détail de ma vie. Mais disons que j'ai au moins une qualité liée à mon enfance – sans faire de la psychologie de bas étage, j'ai acquis la certitude que tout se joue à cette période au niveau de la personnalité - la résilience. J'ai appris à ne pas me plaindre et, au sens propre comme au figuré, à recevoir les coups. Si sur la forme ils ont migré du physique au psychologique, la mécanique reste la même. J'ai aujourd'hui un cuir tout aussi dur que souple qui se plie comme le roseau face aux bourrasques. Je l'avoue. J'ai acquis à mon égard une indifférence qui n'a pour équivalence que la compassion – je préfère ce terme à celui de pitié que je juge trop péjoratif et condescendant – que j'essaie de porter à mon prochain dans la mesure de mes possibilités.

Si je ne peux pas remonter la pente, qui devient dramatiquement abrupte, je souhaite au moins servir de témoignage pour éclairer les esprits et toucher les cœurs. Qu'il serve modestement à interpeller les consciences et puisse sortir de l'ornière ne serait-ce qu'un de mes condisciples de galère.

Hier, j'ai participé à une réunion animée par Karine Vanderschrick, la fondatrice de Jesuisunero, dont le but est de, je cite : « Permettre aux personnes qui ont perdu ou quitté leur emploi de ne plus rester seuls, de regagner en confiance et en estime de soi en leur dédiant un espace d'échanges, de partages, de bienveillance. »

Nous étions attablés pour échanger sur nos parcours. Je retiens de nos conversations les mêmes constats :

-          L'incohérence et la pauvreté des recruteurs quant à justifier leur motivation à ne pas retenir un candidat. On m'interroge – on ne se focalise pour être plus précis - souvent sur mon parcours et le fait que j'ai changé plusieurs fois d'entreprise dans la deuxième partie de carrière. Je ris jaune quand une des participantes confia qu'on lui reprochait exactement l'inverse, d'être restée dans la même société (à différents postes, de responsable d'agence immobilière à celui de DRH) durant dix-huit ans.

-         Que ce cas de figure est un moindre mal, puisque bien souvent les entretiens restent lettre morte, sans aucun retour.

En voici un exemple personnel, tout beau, tout frais de ce matin. J'ai passé deux entretiens le mois dernier pour un poste d'animateur de réseau, me déplaçant en Belgique puis sur Paris. Après une troisième relance, j'ai enfin reçu cette réponse :

« Bonjour un autre profil correspond mieux à notre recherche .nous vous remercions de l interet porte à notre enseigne .bien à vous. »

Au-delà des erreurs de frappe et du manque de personnalisation (je suis sans doute vieux jeu, mais un « Bonjour M. Petit » eut été le bienvenu) qui pourrait supposer le bâclage et le peu d'intérêt apporté à la forme, je n'ai pu m'empêcher de répondre :

« Je vous remercie de m'en avoir enfin informé... Voyez-vous, pour être sincère, j'aurais aimé un peu plus de détails, au-delà de la formule convenue et sans remettre en cause votre choix, ils auraient pu m'aider à titre personnel pour mes futurs orientations. »

-         Que conséquemment, petit à petit, l'oiseau fait son nid. De manière insidieuse, comment ne pas comprendre que face à ces comportements (j'ai failli écrire face à ces vexations… ), le doute ne s'insinue pas dans la tête du candidat ?


Alors, s'il-vous plait, Mesdames et Messieurs les recruteurs. Arrêtez votre attitude pusillanime quand vous n'êtes pas en mesure de justifier votre refus et assumez, ce qui peut tout à fait se concevoir, car nous sommes dans le cadre de l'humain et sa part de subjectivité, que le choix final n'est pas de l'ordre de la raison mais du pifomètre.

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